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Sfumato Ambronay Abbatiale 09/20/2014 - et 21* septembre 2014 Biagio Marini : Fuggi dolente core
Clément Janequin : Le Chant des oyseaulx
Tarquinio Merula : Canzon a quattro «La Lusignola»
Marco Uccellini : Sinfonia Boscareccia «L’Arcadica» – Aria Nona «L’Emenfrodito: Maritati insieme la Gallina, e’l Cucco fanno un bel concerto»
Heinrich Biber : Sonata Representativa
Antonio Vivaldi : Concertos pour violon «Le quattro stagioni», opus 8 n° 1 à n° 4: «La primavera», RV 269, «L’estate», RV 315, «L’autunno», RV 293, et «L’inverno», RV 297 Imaginarium: Alessandro Tampieri (violon et archiluth), Paolo Perrono (violon), Maria Cristina Vasi (alto), Alessandro Palmeri (violoncelle), Simone Vallerotonda (théorbe), Riccardo Doni (clavecin et orgue), Enrico Onofri (violon et direction musicale)
Georg Friedrich Haendel : Israel in Egypt, HWV 54
Lucy Crowe, Maria Valdmaa (sopranos), James Laing, David Allsopp (altos), James Gilchrist (ténor), Roderick William, Peter Harvey (basses)
Nederlands Kamerkoor, Le Concert lorrain, Roy Goodman (direction musicale)
Grande figure du violon baroque – il fut solo dans le Giardino armonico de Giovanni Antonini de 1987 à 2010 – Enrico Onofri vient à Ambronay avec ses amis d’Imaginarium pour un programme placé sous le signe de la musique descriptive. Si Les Quatre Saisons de Vivaldi en constituent l’archétype, l’appétence pour l’imitation de la nature remonte loin, ainsi qu’en témoigne Le Chant des oyseaulx de Janequin, où la transcription pour cordes sacrifie la vocalité à l’écriture violonistique, ce que d’aucuns déplorent, même si le foisonnement des pépiements ne s’en trouve pas amoindri.
Le reste de la première partie de concert déploie un large éventail dix-septièmiste. Le Fuggi dolente core de Marini appartient à cette longue tradition de la réécriture d’un matériel vocal, ici madrigalesque. Après la Canzon a quattro «La Lusignola» de Merula et una Sinfonia d’Uccellini, ce dernier réveille la basse-cour avec son Aria Nona «L’Emenfrodito: Maritati insieme la Gallina, e’I Cucco fanno un bel concerto». Ce goût de l’animalité, sinon de l’aviculture, trouve dans la Sonata Representativa de Biber un vaste terrain d’expression, où l’on retrouve, outre coq et poules, le rossignol, la grenouille ou le chat – avec ses frottements d’archets en guise de miaulements. Annonçant les entrées successives où, le plus souvent, le dessin imitatif précède le commentaire mélodique, Enrico Onofri achève ce bestiaire teinté d’un tendre humour par une robuste «Marche des Mousquetaires» avant un final enlevé.
Plat de consistance qui a garanti le remplissage de la soirée, Les Quatre Saisons n’en demeure pas moins, paradoxalement, une gageure pour qui ne veut pas se contenter de reprendre paresseusement les recettes de ses prédécesseurs. A rebours des déferlements d’archets pour toute dynamique où s’entend la confusion d’avec la précipitation qui a parfois tenu lieu d’esthétique chez certains baroqueux en mal de fureur météorologique, Enrico Onofri livre une lecture indéniablement picturale du plus célèbre opus du Prêtre Roux. Les attaques à effet de sfumato installent les atmosphères, équilibrant le couleur et le dessin. Les détails évocateurs ne sont pas pour autant oubliés, à l’instar du râpeux balancement des heures à l’alto dans la torpeur de l’Adagio molto du Printemps. On retrouve cette intelligence dans les deux bis réclamés par une foule enthousiaste: le finale du Huitième Concerto de l’Opus 8 – restant ainsi dans le même recueil que Les Quatre Saisons – et le mouvement lent du Quatrième de l’Opus 4.
C’est à Haendel qu’est fait honneur lors du concert du dimanche après-midi. Longtemps méconsidéré, Israël en Egypte est sorti de l’ombre à l’époque victorienne, quand bien même l’on faisait généralement l’économie de la première partie, Lamentations des Israélites à la mort de Joseph, dont le matériau emprunte à l’Antienne funèbre à la reine Caroline. Déploration majestueuse, elle met en avance l’ampleur de masses chorales, parfaitement maîtrisées par Roy Goodman et le Chœur de chambre néerlandais, au risque de se complaire dans cette solennité, qui parcourt l’ensemble de l’ouvrage. La succession de chœurs accentue d’ailleurs une relative inertie. Pour autant les ensembles sont sculptés avec précision et une réelle dynamique innerve les airs – moins des récits à l’enthousiasme plus séminariste. L’éclat des trombones et des trompettes du Concert lorrain porte un final triomphant sans prendre un ascendant sur l’homogénéité orchestrale. D’une importance parfois secondaire vis-à-vis des sections chorales, les solistes se révèlent satisfaisants: Julia Doyle et Maria Valdmaa forment une convaincante paire de sopranos, tandis que Peter Harvey et Roderick Williams se complètent harmonieusement, le premier, basse à la diction et à l’expression nettes, le second à l’émulsion vocale plus dense. Si James Gilchrist répond aux attendus de la partie de ténor et affirme une justesse de style, à défaut d’une voix irréprochable, l’alto David Allsopp pèche par le manque de naturel de son émission. Le primat du chœur n’est point entaché.
Gilles Charlassier
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