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Violetta Gautier Duplessis

Paris
Opéra Bastille
09/08/2014 -  et 10, 14, 17, 21, 24, 26, 30 septembre, 3, 5, 7, 12 octobre 2014
Giuseppe Verdi : La traviata
Ermonela Jaho*/Venera Gimadieva (Violetta), Anna Pennisi (Flora Bervoix), Cornelia Oncioiu (Annina), Francesco Meli*/Ismael Jordi (Alfredo Germont), Dmitri Hvorostovsky*/Luca Salsi (Giorgio Germont), Kevin Amiel (Gastone, Visconte de Letorières), Fabio Previati (Barone Douphol), Florian Sempey (Marchese d’Obigny), Antoine Garcin (Dottor Grenvil), Nicolas Marie (Giuseppe), Shin Jae Kim (Domestico), Jian-Hong Zhao (Commissionario)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Dan Ettinger (direction)
Benoît Jacquot (mise en scène)


E. Jaho (© E.Bauer/Opéra national de Paris)


C’est difficile, Violetta, surtout au premier acte, surtout quand on ouvre une saison à Bastille et qu’on n’a jamais chanté à l’Opéra. Le trac? Ermonela Jaho peine au début à trouver ses marques, même si la voix modeste au timbre liquide passe la rampe. «Follie», puis «Sempre libera» trahissent des vocalises contraintes et savonnées, parfois à la limite de la justesse. Mais «Ah, fors’e lui» séduisait: maîtrise impeccable du souffle et de la dynamique, subtilité de la coloration, art raffiné du legato. La soprano albanaise est une authentique belcantiste, ce que n’était pas Diana Damrau. La suite le confirme et nous révèle une Violetta qui garde son mystère, sa force et sa fragilité, jusqu’à une agonie où l’intensité de l’expression le dispute à la pertinence stylistique - «Addio, del passato» expire sur «le filet de voix» qu’exigeait Verdi. Et, surtout, Violetta est là, sous nos yeux, beaucoup plus crédible que Diana Damrau, crucifiée par le destin et la société, réincarnation de la courtisane romantique aux traits pâles, comme si Marguerite Gautier ou Marie Duplessis ressuscitaient le temps de l’opéra.


On eût aimé qu’elle s’éprît d’un Alfredo mieux assorti à elle que celui de Franceso Meli, très en retrait de ce qu’il peut donner, dont la générosité ne trouve guère le juste milieu entre des forte contondants et des pianissimos détimbrés, entre la vaillance et la fadeur. Il n’est pas sûr non plus que Dmitri Hvorostovsky soit le Germont idéal pour cette Violetta. Le baryton russe porte encore fort beau malgré une voix un peu ternie, fatiguée au dernier acte, mais ce chant aux nuances assez narcissiques n’a pas la classe naturelle d’un Ludovic Tézier – c’est lui qu’il fallait ici. La composition étonne parfois: pour un peu, on dirait que perce chez le patriarche de province la perversité de Iago. Les rôles secondaires restent toujours bien distribués, dominés par l’Annina de Cornelia Oncioiu.



Dès les premières mesures, Dan Ettinger, qui dirige sans partition, fait oublier les désordres de la direction de Daniel Oren, si peu inspiré par La Traviata. On sent une volonté d’équilibre, de naturel dans les enchaînements. Mais c’est à partir du deuxième acte que le chef israélien donne toute sa mesure, par la souplesse des phrasés, la précision des nuances, la maîtrise du temps musical. On écoute autant l’orchestre que les chanteurs – superbe accompagnement de «De’ miei bollenti spiriti», beaucoup plus abouti que le chant du ténor. Le final du deuxième acte est magnifique de tenue, de dosage entre l’urgence dramatique et la maîtrise de l’ensemble.


Rien à dire qu’on n’ait déjà dit sur la production de Benoît Jacquot (voir ici), la dernière de la saison passée, axée sur la juxtaposition de l’intimité de la mondanité, avec un lit digne de Nana, de parade au premier acte, prêt à partir pour la vente aux enchères au dernier tandis que Violetta agonise sur un lit d’hôpital. On a aussi emballé l’Olympia de Manet, dont la servante noire s’est réincarnée en Annina. La Traviata selon le cinéaste, c’est Splendeur et misère d’une courtisane, sur fond de société figée où l’homme reste le maître – statisme assumé du chœur qui ne porte que des costumes masculins. Mais la pertinence des idées ne s’inscrit pas dans une vision forte de la tragédie de Violetta, la direction d’acteurs s’en tient à un artisanat de bon aloi. Une Traviata sans histoires, très en deçà de la réussite de Werther.


C’est le début du règne administratif de Stéphane Lissner: il doit assumer, pour sa première saison, la programmation de son prédécesseur, remercié avant la fin de son mandat. Le nouveau directeur nous promet les meilleurs chanteurs, les meilleurs chefs et les meilleurs metteurs en scène: acceptons-en l’augure.



Didier van Moere

 

 

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