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Montreux do Brasil

Montreux
Auditorium Stravinski
09/07/2014 -  
Francis Poulenc : Concerto pour deux pianos et orchestre en ré mineur
Gustav Mahler : Symphonie n° 1 en ré majeur «Titan»

Martha Argerich, Alexander Gurning (pianos)
Orquestra sinfônica juvenil da Bahia, Ricardo Castro (direction)


(© Yunus Durukan)


L’un des points forts de l’édition 2014 du Septembre musical de Montreux-Vevey aura été la résidence du l’Orchestre des jeunes de Bahia, emmené par son fondateur et chef titulaire, Ricardo Castro. Pianiste et chef d’orchestre né dans l’Etat de Bahia au Brésil, ce dernier est à l’origine du projet NEOJIBA (centres d’Etat pour orchestres de jeunes et d’enfants de Bahia), inspiré de l’exemple vénézuélien El Sistema, duquel est notamment sorti Gustavo Dudamel. Comme au Venezuela, l’objectif est de permettre à des adolescents issus de milieux défavorisés de bénéficier d’une formation musicale et, partant, d’une intégration sociale. Aujourd’hui, sept orchestres de jeunes découlant de NEOJIBA sont en activité, dont le «Youth Orchestra of Bahia» (YOBA), fondé en 2007. Ses musiciens, âgés de 12 à 26 ans, proviennent des banlieues difficiles de Salvador de Bahia. Grâce à la musique, ils retrouvent une dignité et peuvent donner un sens à leur vie. La première tournée de l’orchestre hors des frontières brésiliennes a eu lieu en Angleterre en 2010. Jean-Yves Thibaudet, Lang Lang, Schlomo Mintz, Maria Joao Pires ou encore les sœurs Labèque sont les solistes à avoir déjà joué avec la formation.


Enjoint par Tobias Richter, directeur du Septembre musical, à dire quelques mots avant le début du concert, Ricardo Castro a raconté comment, jeune pianiste, il est arrivé du Brésil à Genève pour se perfectionner. Constatant son retard, il a pris possession d’un logement dans les montagnes et s’y est enfermé pour pratiquer son instrument. Un jour, en entendant un enregistrement de la Première Symphonie de Mahler (par Claudio Abbado et l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler), il a eu une révélation : il a su ce jour-là qu’il deviendrait chef d’orchestre. Et chaque fois que, de sa retraite, il descendait en ville, il se rendait chez une amie avec laquelle il parlait de musique toute la nuit. Cette amie n’était autre que Martha Argerich. Gustav Mahler, Martha Argerich, l’affiche du concert était toute trouvée ! A cette occasion, la célèbre pianiste argentine se produisait pour la première fois avec le YOBA. Avec Alexander Gurning, jeune pianiste talentueux qu’elle invite régulièrement dans son festival de Lugano, elle a interprété le Double concerto de Poulenc. Fidèle à sa réputation, elle s’est montrée particulièrement fougueuse et impétueuse, mais toujours d’une incroyable précision. Très complices, échangeant de longs sourires, les deux pianistes ont surtout séduits dans les passages lents, avec des sonorités soyeuses et brillantes, d’une douceur infinie. Pour le bis, ils ont été rejoints par un percussionniste de l’orchestre, qui les a accompagnés au tambourin dans la samba «Brasileira» extraite de Scaramouche de Milhaud, pour le plus grand plaisir du public.


En seconde partie de soirée, le YOBA s’est attaqué à un monument du répertoire symphonique, la Première Symphonie de Mahler. Un orchestre d’étudiants ne saurait être comparé avec les formations qui se produisent habituellement à Montreux. Aussi serait-il vain de s’étendre sur l’absence d’homogénéité entre les différents instruments, sur les écarts de justesse, sur les décalages entre les pupitres ou encore sur le manque de précision de certains traits. Tous ces bémols ont été largement compensés par une sincérité, une énergie et un enthousiasme qui ont véritablement fait plaisir à voir et à entendre, notamment dans les passages «fortissimo» et surtout dans le Finale, où les cuivres ont joué debout. La salle a accueilli la prestation des jeunes musiciens par des applaudissements enthousiastes et une ovation debout. Ricardo Castro rappelant que le 7 septembre est le jour de la fête nationale brésilienne, les instrumentistes ont donné en bis une pièce de musique populaire de leur pays, sur laquelle ils ont également dansé! Les spectateurs étaient aux anges. La musique, c’est ça aussi, indépendamment de la performance technique. Les réjouissances vont se poursuivre à Montreux jusqu’au 12 septembre, avec notamment deux concerts très attendus du Royal Philharmonic Orchestra de Londres sous la baguette de Charles Dutoit.



Claudio Poloni

 

 

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