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Brahms retrouvé Strasbourg Palais de la Musique et des Congrès 04/10/2014 - et 11 avril 2014 Zoltan Kodály : Danses de Galánta
Brett Dean : Concerto pour alto et orchestre
Johannes Brahms : Symphonie n° 1 en ut mineur, opus 68 Brett Dean (alto)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)
B. Dean (© Pawel Kopczynski)
Brett Dean est un ancien altiste de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, qui a développé parallèlement à ce parcours d’instrumentiste une activité de compositeur de plus en plus productive. Une carrière qui a bénéficié de son implantation berlinoise d’origine pour prendre son essor : on retrouve par exemple Brett Dean parmi les compositeurs qui ont complété l’enregistrement des Planètes de Holst de Simon Rattle par quelques astéroïdes supplémentaires (EMI). Il est aussi l’auteur d’une belle pièce, 12 Angry Men, créée et souvent jouée par les douze violoncellistes des Berliner Philharmoniker... Un processus de création un peu particulier, par essence très proche des exécutants auxquels les partitions sont destinées, ce qui s'avère garant d’un certain pragmatisme. Depuis, Brett Dean a élargi son champ d’action, avec un nombre d’œuvres considérable, mais toujours en gardant cette visibilité particulière dans le monde des orchestres et des interprètes, circuit en définitive peu dépendant de celui où règnent aujourd’hui les décideurs de la musique contemporaine subventionnée. En tout cas il s’agit d’une personnalité musicale à mieux connaître.
A l’invitation de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg c’est Brett Dean lui-même qui interprète son Concerto pour alto. Silhouette carrée, cinquantaine dynamique, le personnage paraît d’emblée ouvert et sympathique. Le bref premier mouvement de son Concerto est très beau, bref paysage sonore rêveur aux résonances spectrales, qui manie la petite forme avec la même cohérence qu’un Kurtág. Malheureusement les mouvements suivants diluent davantage le propos, se perdent en traits de virtuosité technique dont on peine souvent à comprendre la nécessité. Ramassée en 10 minutes ce serait une très belle œuvre. En l’état on a l’impression que même celui qui l’a composée n’en maîtrise pas totalement le flux, ou en tout cas moins bien ici que dans son enregistrement discographique, où il est accompagné par l’Orchestre symphonique de Sydney dirigé par Simone Young, mais qui a peut être bénéficié d’un temps de répétition plus important que le présent concert. Accueil public néanmoins favorable, pour cette musique contemporaine ni faussement accrocheuse ni dans l’ensemble trop difficile d’accès.
En début de concert les Danses de Galánta de Kodály dégagent une sensation d’évidence que l’on doit beaucoup à Marko Letonja, parfaitement à l’aise dans cette musique Mitteleuropa dont il sait faire partager les clés à l’orchestre. Très belle prestation aussi du jeune clarinettiste solo auquel échoit pour un soir un rôle déterminant.
Mais c’est surtout en seconde partie de concert que l’Orchestre philharmonique de Strasbourg doit triompher de la difficile épreuve de la Première Symphonie de Brahms, un répertoire germanique qui requiert des qualités d’homogénéité et de plénitude sonores qu’il peine souvent à maîtriser. Au cours des mandats de Theodor Guschlbauer et surtout Jan Latham-Koenig, on se souvient de trop de pénibles Brahms débraillés et bariolés pour ne pas souligner l’exceptionnelle tenue de la présente exécution, où l’on retrouve une phalange transformée de fond en comble. Franchise des attaques, rondeur des cordes, engagement exemplaire de la petite harmonie : ce niveau de technicité retrouvé permet aux phrases brahmsiennes d'asseoir enfin leur ampleur, sous l’impulsion d’un Marko Letonja toujours activement immergé dans cette musique, dont il semble trouver d’instinct les respirations les plus logiques. Passé un premier mouvement dont on peut toujours discuter les influx, parfois encore un peu trop courts de souffle et aux enchaînements trop abrupts, l’interprétation se pose confortablement et trouve sa véritable logique interne, jusqu’à un très remarquable Finale, parfaitement géré. En définitive rien moins qu’un Brahms de référence.
Laurent Barthel
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