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Une affiche qui donne des ailes

Bregenz
Festspielhaus
08/17/2014 -  et 18 août 2014
Igor Stravinski : Le Rossignol
Simon Laks : L’Hirondelle inattendue

Le Rossignol:
Kathryn Lewek (Le Rossignol), Magdalena Anna Hofmann (La Cuisinière), Katrin Wundsam (La Mort), Rainer Trost (Le Pêcheur), Markus Brück (L’Empereur), Maximilian Krummen (Le Chambellan), Walter Fink (Le Bonze)
Mark Down (mise en scène et marionnettes), Ruth Patron (conception des marionnettes), Claudia Raab (décors et costumes), Erwin Jutz (lumières)
L’Hirondelle inattendue:
Rainer Trost (Le Journaliste), Markus Brück (Le Pilote), Kathryn Lewek (La Colombe), Hanna Herfurtner (Procne), Dénise Beck (L’Hirondelle), Dymfna Meijts (La Seconde Hirondelle), Katrin Wundsam (La Tortue), Maximilian Krummen (Le Serpent), Walter Fink (L’Ours), Albert Pesendorfer (La Voix du Ciel)
Gerald Stollwitzer (mise en scène), Claudia Raab (décors et costumes), Markus Raab (vidéo), Rosita Steinhauser (chorégraphie), Erwin Jutz (lumières)
Prager Philharmonischer Chor, Lukás Vasilek (préparation), Symphonieorchester Vorarlberg, Gérard Korsten (direction musicale)


Le Rossignol (© Bregenzer Festspiele/Karl Forster)


Pour beaucoup, Bregenz est synonyme de représentations lyriques spectaculaires sur le lac de Constance, et La Flûte enchantée reprise cette année n’a pas dérogé à la tradition. Mais le festival autrichien a aussi pour habitude de programmer des raretés dans la grande salle qui jouxte la scène flottante. L’affiche du cru 2014 se voulait ornithologique puisqu’elle rassemblait Le Rossignol d’Igor Stravinski et L’Hirondelle inattendue de Simon Laks, les deux ouvrages étant interprétés en français. Cette double affiche originale est à mettre au crédit de David Pountney, le directeur de la manifestation. Le Rossignol (1917) vaut d’abord pour la musique fine et délicate de Stravinski, une partition ciselée en orfèvre, avec ses couleurs et ses ambiances féeriques et poétiques. A Bregenz, la mise en scène ingénieuse et subtile de Mark Down a été une réussite sur toute la ligne, faisant de ce spectacle un véritable enchantement. Les choristes se tenaient debout, immobiles, côté cour, alors que les chanteurs étaient assis côté jardin devant leur partition. Le centre du plateau était occupé par des marionnettistes qui, à l’aide de poupées et d’accessoires les plus divers, racontaient la fable de manière simple et sobre, mais très touchante et naïve, non sans un certain humour aussi, rendant parfaitement justice au conte ayant inspiré la musique de Stravinski. Seule l’interprète du Rossignol évoluait parmi les marionnettistes : Kathryn Lewek a offert une magnifique prestation, tant scéniquement que vocalement, avec ses vocalises parfaitement maîtrisées et son chant nuancé.


Le Rossignol s’est ensuite envolé pour faire place à un autre oiseau encore plus rare, L’Hirondelle inattendue, du Polonais Simon Laks (1901-1983). Installé en France pendant l’entre-deux-guerres, le compositeur a été déporté au camp de concentration d’Auschwitz, où il a survécu comme chef de l’orchestre des hommes du camp. A la fin du conflit, il a publié le récit de son expérience, à l’instar d’un Primo Levi. De retour en France, Laks n’est jamais parvenu à reprendre véritablement sa carrière de compositeur. L’Hirondelle inattendue, son unique opéra, a été composé en 1965, peu avant que le musicien ne mette un terme définitif à ses activités. L’œuvre a été créée en France en version de concert en 2009 à Marseille. Bregenz a offert à la partition sa toute première représentation en version scénique.


L’opéra raconte l’histoire d’un journaliste et d’un pilote qui doivent atterrir d’urgence dans un coin du paradis où Dieu a logé tous les animaux mythiques : le Serpent de l’Eden, le Chien des Baskerville, ou encore, la Truite de Schubert... Toutefois, ce microcosme est perturbé par les apparitions inattendues d’une hirondelle que personne ne connaît. Au terme de son enquête, le journaliste parvient à élucider le mystère : il ne s’agit pas d’une hirondelle mais d’une ritournelle célèbre, L’Hirondelle du Faubourg, datant de 1912. La musique de Laks est très cinématographique serait-on tenté de dire, particulièrement contrastée et rutilante, faisant largement appel aux percussions. La mise en scène vive et colorée, les costumes chatoyants des personnages interprétant les animaux, le plateau vocal parfaitement homogène et un orchestre inspiré sous la baguette de Gérard Korsten ont fait honneur à cette création scénique. L’hirondelle a enfin fait son nid.



Claudio Poloni

 

 

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