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Saint-Céré

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Pommes, pommes, pommes, pommes!

Saint-Céré
Halle des sports
07/29/2014 -  et 11, 12 avril (Clermont-Ferrand), 6, 10*, 16 août (Saint-Céré), 10 octobre (Figeac), 15 novembre (Marciac), 5 décembre (Montpellier) 2014, 10, 11 (Massy), 22 (Cognac), 24 (Saint-Malo) janvier, 12 juin (Ettelbruck) 2015, 28, 29 mai 2016 (Reims)
Jacques Offenbach: Le Voyage dans la Lune (arrangement Manuel Peskine)
Marlène Assayag (Le prince Caprice), Julie Mathevet (Fantasia), Jean-Claude Sarragosse (Le roi Cosmos), Eric Vignau (Microscope), Christophe Lacassagne (Le roi Vlan), Laurent Galabru (Le prince qui passe par là), Yassine Benameur (Cactus), Hermine Huguenel (La reine Popotte)
Chœur et Orchestre Opéra éclaté, Dominique Trottein (direction musicale)
Olivier Desbordes (mise en scène), David Belugou (décors), Jean-Michel Angays (costumes), Patrice Gouron, Guillaume Hébrard (lumières)




Parvenu cette année à sa trente-quatrième édition, le festival de Saint-Céré poursuit son développement, toujours sous l’impulsion d’Olivier Desbordes: après la création de la compagnie Opéra éclaté en 1985, reconnue «compagnie nationale lyrique» en 1998, puis l’institution, à partir de 2008, d’une saison pluridisciplinaire dans l’ensemble du département et la reprise, en 2011, du festival de théâtre de Figeac, confié à Michel Fau, l’association organisatrice s’est transformée en «Centre national de production de théâtre et théâtre musical» (CNPTTM), sous statut de «scène conventionnée» depuis février dernier. Cette nouvelle structure regroupe donc désormais les deux festivals – le programme vendu aux spectateurs (pour la modique somme de 2 euros) est d’ailleurs désormais unique –, les tournées des spectacles qui y sont créés, la saison d’hiver et le théâtre de l’Usine. Propriété du conseil général du Lot, le bâtiment est mis gracieusement à disposition du festival depuis vingt ans, afin d’accueillir des résidences d’artistes, et fait l’objet depuis juin d’importants travaux: à l’issue de ce réaménagement, il comportera deux scènes et inclura l’école de musique.


Pour ce qui est du festival de Saint-Céré proprement dit, du 29 juillet au 16 août, il ne bouleverse pas la recette qui, année après année, a fait son succès: au château de Castelnau ou à la Halle des sports, trois grands spectacles chantés mêlant les genres, du plus sérieux (Lucia di Lammermoor) à la comédie musicale (Cabaret) en passant par le registre léger (Le Voyage dans la Lune), sont entourés par une multitude de manifestations tout aussi éclectiques données dans toute la région – concerts (choral avec l’académie du festival, concertos, musique de chambre, récital), hommage à García Lorca, chansons de la grande guerre – sans compter les «rendez-vous off» gratuits (une répétition générale et deux spectacles).



(© Lucas Falchero)


En coproduction avec les opéras de Fribourg et de Lausanne, où il a été créé en janvier dernier, et en collaboration avec le Centre lyrique d’Auvergne, Le Voyage dans la Lune (1875) est présenté cet été pour la première fois à Saint-Céré. Olivier Desbordes y renoue avec Offenbach, dont il avait déjà illustré avec bonheur La Belle Hélène et Le Roi Carotte. Comme il est de tradition dans ce répertoire, il a adapté et actualisé le livret d’Albert Vanloo, Eugène Leterrier et Arnold Mortier, et il s’en est donné à cœur joie: quinquennats, commissions Théodule, chienlit, Carla, pavillon de la Lanterne, Sofitel, mariage pour tous, scooter, Premier ministre retraité nantais mais aussi finance folle se succèdent à vive allure. Car avec Olivier Desbordes, un spectacle, si guilleret soit-il, doit toujours donner à réfléchir, en établissant un lien avec les enjeux de notre temps. Et il y avait largement de quoi avec cet opéra-féerie en quatre actes «d’après Jules Verne» – De la Terre à la Lune (1865) est antérieur de dix ans, suivi d’Autour de la Lune (1869).


Parvenu, grâce à un obus propulsé par un canon, sur notre satellite avec son fils Caprice, le savant Microscope... et force provisions de bouche – notamment des pommes –, le roi Vlan découvre un monde gouverné par le roi Cosmos, dont les habitants ne connaissent pas l’amour et où, vouée à la reproduction ou au plaisir, la femme, cotée en bourse, n’a qu’une valeur marchande. Dans la grande tradition biblique, c’est cependant une femme – en l’occurrence Fantasia, la fille du roi de la Lune – qui croquera la pomme, répondant ainsi aux sentiments du prince Caprice. Aidés par un élixir extrait du fruit défendu, les trois Terriens sèment la panique avec cette nouvelle «maladie», qui atteint même le roi et la reine, mais sont condamnés, après un simulacre de procès, à cinq ans d’incarcération dans un volcan éteint. Lequel, bien évidemment, se réveille illico, avant un happy end où, par un beau clair de Terre, le prince rentre chez lui, accompagné de la princesse.


Dysfonctionnements du marché, suprématie de l’économie, politique au ras des pâquerettes, triomphe de la société de consommation, dévalorisation de la femme... il y a donc largement de quoi stimuler l’imagination d’une relecture contemporaine. Les décors de David Belugou, essentiellement à base de quatre hauts praticables mobiles et réversibles, et les costumes tour à tour réalistes et délirants de Jean-Michel Angays, confrontent le noir et blanc du petit monde terrien du tournant du XXe siècle et des débuts du cinéma à un univers sélénite qui ressemble fort à celui de nos années 1960, sorte de salon des arts ménagers – rien de plus normal dans un pays dont la reine se nomme Popotte – peuplé de personnages impeccablement perruqués, comme sortis d’une vieille série de science-fiction relookée par la haute couture de l’époque, devant une télévision où apparaît la mythique mire de l’ORTF.


Comme d’habitude à Saint-Céré, la partition, parmi les plus intéressantes d’Offenbach, est réduite pour un petit ensemble – clarinette/saxophone, trompette, trombone, violon, violoncelle, contrebasse, clavier électronique et percussion – dirigé avec verve et efficacité par le fidèle Dominique Trottein. Placé côté jardin, il tend parfois à couvrir un peu les chanteurs mais l’arrangement de Manuel Peskine, par ailleurs au clavier, ne demande qu’à swinguer et s’accommode parfaitement au spectacle, transposant la musique pour le temps d’une chanson yéyé ou d’un raga indien accompagnant la métamorphose des habitants de la Lune devenus babas cool et planant sous l’effet de l’élixir «magique».


Portée par ce délire visuel, théâtral et musical, la distribution fait des étincelles vocales et dramatiques. Si un colorature assassin met en vedette Julie Mathevet en Fantasia, la jolie musicalité de Marlène Assayag en Caprice et l’excellente prestation d’Hermine Huguenel en reine Popotte méritent autant de considération. Les emplois bouffes sont tenus par les habitués du festival avec une vis comica qui ne sacrifie jamais l’impeccabilité de la tenue vocale: si cela ne surprend guère chez Eric Vignau, complaisant Microscope, ou même Jean-Claude Sarragosse, tonitruant roi Cosmos, Christophe Lacassagne, habitué des emplois tragiques au cours des précédentes éditions, révèle une cocasserie inattendue en roi Vlan bedonnant comme Falstaff mais impayable imitateur des célébrités de la télévision et de la politique.


Parmi les nouveautés de l’édition 2014, on retiendra moins la volonté de «susciter une synergie entre les manifestations artistiques existantes sur le territoire et le monde des jeunes artistes plasticiens», dont la traduction demeure assez hermétique, si l’on juge par les deux expositions proposées dans ce cadre («Transcriptions» de Myriam El Haïk et «Exécutions» de Damien Marchal), que l’institution des «after». En effet, le public est désormais incité à retrouver les artistes de façon plus informelle, autour d’un verre, dans un établissement du centre de Saint-Céré: à l’issue de la représentation du 9 août, il aura ainsi pu entendre, accompagnés par l’infatigable Manuel Peskine, les jeunes chanteurs se divertir, sans cérémonie mais sans relâchement pour autant, avec des songsEverybody loves a winner de William Bell, Just squeeze me de Duke Ellington, What a wonderful world de Bob Thiele, Moondance de Van Morrison, My Way de Jacques Revaux – ou chansons – Tu verras, Dansez sur moi et Une petite fille (avec la participation d’Eric Perez) de Claude Nougaro, Les Mensonges et Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours de Cyrus Bassiak (alias Serge Revzani).


Le site du festival de Saint-Céré
Le site de Julie Mathevet
Le site de Christophe Lacassagne
Le site d’Hermine Huguenel



Simon Corley

 

 

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