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L’éternelle jeunesse des Boréades Aix-en-Provence Grand Théâtre de Provence 07/18/2014 - et 5 octobre 2014 (Versailles) Jean-Philippe Rameau : Les Boréades Julie Fuchs (Alphise), Chloé Briot (Sémire, Amour, Polymnie, Nymphe), Samuel Boden (Abaris), Manuel Nunez Camelino (Calisis), Jean-Gabriel Saint-Martin (Borilée), Damien Pass (Borée), Mathieu Gardon (Adamas, Apollon)
Ensemble Aedes, Mathieu Romano (chef de chœur), Les Musiciens du Louvre Grenoble, Marc Minkowski (direction
L’histoire des Boréades est indiscutablement liée à Aix-en-Provence: c’est le Théâtre de l’Archevêché qui accueillit, en juillet 1982, la première scénique de l’ultime opus lyrique de Rameau, dix-huit ans après une création en version de concert à la Maison de la Radio. On connaît les turpides qui ont reporté sine die les représentations de l’ouvrage au XVIIIe siècle, et en cette année décrétée commémorative, le festival provençal ne pouvait faire l’impasse sur l’une des légendes de son histoire.
Plutôt que de sacrifier aux nécessités et contingences de la mise en scène – laissées pour cette édition à d’autres initiatives sans doute plus riches en ressorts théâtraux – c’est en concert au Grand Théâtre de Provence que Marc Minkowski rejoint la cohorte de ceux qui se sont mesurés à cet ouvrage testamentaire. A la tête de ses Musiciens du Louvre Grenoble, il impulse à la partition un élan de vitalité et de jeunesse, tout en en soignant les saveurs chatoyantes. Plutôt que de prêcher une orthodoxie incertaine, les rythmes se laissent contaminer par un allant chorégraphique plein de sève, quitte à décoiffer un peu la précision de leur dessin. Le drame déserte peut-être parfois l’intrigue, mais il investit du moins pleinement la musique.
M. Minkowski (© Marco Borggreve/Naïve)
Si la légende discographique et vidéographique a façonné des pierres de touche, la génération montante – représentée par un plateau vocal pour l’essentiel puisé dans le fonds d’anciens pensionnaires de l’Académie européenne de musique, liée au festival aixois, voire pour certains, entendus également à l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris – n’a pas à rougir. Julie Fuchs distille sa fraîcheur et sa musicalité en une Alphise sensible et bien caractérisée. L’Abaris tout à fait en style de Samuel Boden suscite l’admiration et rend négligeables les fragilités d’une tessiture redoutable. Tour à tour Sémire, Amour, Polymnie et Nymphe, Chloé Briot séduit par son babil aérien. Quoiqu’un peu léger, Manuel Nunez Camelino se révèle parfaitement en situation pour Calisis et forme avec le Borilée de Jean-Gabriel Saint-Martin, d’une certaine assurance, une appréciable paire de prétendants déjoués. Successivement Adamas et Apollon, Mathieu Gardon privilégie parfois la diction au galbe de la voix, tandis que Damien Pass signale un Borée doué déjà d’une admirable maturité, ferme, nonobstant une constance à parfaire au fil des reprises. Nul besoin de surtitres pour le texte grâce à l’intelligibilité sans reproche des solistes, comme des chœurs, dévolus à l’ensemble Aedes, préparé avec une précision digne d’éloges par Mathieu Romano. On ne saurait douter que la relève est assurée, et la tournée prévue à la rentrée ne manquera d’en convaincre: les mélomanes parisiens retiendront les dates versaillaises de début octobre.
Le site du festival d’Aix-en-Provence
Gilles Charlassier
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