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En Italie

Prades
Codalet (Abbaye Saint-Michel de Cuxà)
08/09/2014 -  
Gioacchino Rossini: Sonate à quatre n° 1 [1]
Luigi Cherubini: Quintette à deux violoncelles [2]
Vincenzo Bellini: Concerto pour hautbois [3]
Gaetano Donizetti: Quatuor n° 5 [4]
Giovanni Bottesini: Grand Duo concertant pour violon et contrebasse [5]

Jean-Louis Capezzali [3] (hautbois), Federico Agostini [1, 5], Olivier Charlier [1], Mihaela Martin [2], Jan Talich [2] (violon), Hartmut Rohde [2] (alto), Arto Noras [2], Niklas Schmidt [2] (violoncelle), Jurek Dybal [1, 5] (contrebasse), Quatuor Artis [3, 4, 5]: Peter Schuhmayer, Johannes Meissl (violon), Herbert Kefer (alto), Othmar Müller (violoncelle)


F. Agostini, J. Dybal, le Quatuor Talich
(© Nemo Perier Stefanovitch)



Intitulée «Musiciens sans frontières», la soixante-deuxième édition du festival Pablo Casals propose plusieurs concerts obéissant à une thématique nationale ou géographique. La journée du 9 août est ainsi consacrée à l’Italie avec, l’après-midi en l’église de Vinça, une «Soirée à Venise» et, le soir, en l’abbaye Saint-Michel de Cuxà, un programme «Paris, boulevard des Italiens», que Michel Lethiec, directeur artistique, présente au public de façon vive et spirituelle au public.


Excellent fil rouge, au demeurant, que celui menant de Rossini (1792-1868) – qui donna Guillaume Tell à Paris avant d’y prendre, alors qu’il n’avait pas encore 40 ans, une retraite fastueuse – à Bottesini (1821-1889) – brièvement directeur du théâtre des Italiens durant les années 1850 – en passant par Cherubini (1760-1842) – directeur du conservatoire (1822-1842), que Berlioz, tournant en ridicule son zézaiement, son bégaiement et son accent, s’ingéniait à faire tourner en bourrique – mais aussi Bellini (1801-1835) – mort à Puteaux où il avait composé Les Puritains – et Donizetti (1797-1848) – qui passa ses dix dernières années dans la capitale et dont certains des opéras sont fondés sur des livrets en français.


Intéressante perspective, en outre, que celle offerte par le festival, puisque la plupart de ces compositeurs ne sont pas renommés – c’est le moins qu’on puisse dire – pour leur contribution au répertoire chambriste. Rossini n’avait que 12 ans lorsqu’il écrivit ses six Sonates à quatre (1804): les musiciens abordent la Première avec un style impeccable, parvenant même à révéler une profondeur insoupçonnée dans l’Andantino central. Le Quintette à deux violoncelles (1837) de Cherubini, seule partition de la soirée à avoir été écrite à Paris, est en revanche l’œuvre d’un septuagénaire, dont les quatre derniers des six remarquables Quatuors furent écrits à la même époque, où la musique instrumentale n’était pourtant guère en faveur. Bel ensemble que celui conduit par Jan Talich, premier violon du quatuor du même nom, avec Arto Noras et Niklas Schmidt au violoncelle, pour défendre un quintette qui, s’il ne rivalise certes pas avec celui de Schubert, écrit neuf ans plus tôt mais qui ne fut créé et publié que dans les années 1850, va bien au-delà de ceux de Boccherini: derrière un romantisme bien tempéré à la Mendelssohn et des échanges un peu convenus et systématiques entre les instruments, il réserve en effet des surprises et des modulations recherchées qui soutiennent constamment l’intérêt.


En début de seconde partie, Bellini, qui ne figurait initialement pas au programme, fait figure d’invité surprise mais trouve évidemment toute sa place dans ce programme. Son Concerto pour hautbois (vers 1820) n’est pas vraiment un concerto mais consiste en divers épisodes se succédant en 7 ou 8 minutes d’un seul tenant. C’est, de façon manifeste, un compositeur d’opéra qui s’y exprime, ce qui permet à Jean-Louis Capezzali, soutenu par le Quatuor Artis, de faire valoir, entre deux traits virtuoses, sa fibre lyrique. Autre grand compositeur pour la scène, Donizetti a également laissé treize Symphonies et de la musique de chambre, dont dix-huit Quatuors. Ces pages de jeunesse, datant du tournant des années 1820, visaient à exercer l’apprenti compositeur: on le voit bien dans le Cinquième, qui se conclut sur une fugue en bonne et due forme. Hormis pour l’alto, confiné à un rôle extrêmement effacé, l’écriture tend à valoriser les instruments individuellement – même si l’on a connu les Artis en meilleure forme – davantage qu’en véritable polyphonie à quatre mais le Scherzo miniature n’est pas loin d’avoir le charme des premiers Schubert.


Les membres du Quatuor Artis se rassoient, revenant à une fonction d’accompagnement pour la fin du concert. Le Grand Duo concertant (1880) de Bottesini est tout à fait typique du «Paganini de la contrebasse», exigeant toutes sortes de prouesses d’un instrument dont le Polonais Jurek Dybal (né en 1977), deuxième solo au Philharmonique de Vienne, dialoguant avec Federico Agostini (né en 1959) au violon – dans une partie non moins redoutable, elle aussi originellement pour contrebasse (adaptée par Camillo Sivori, un élève de Paganini), repousse avec brio les limites qu’on lui connaît généralement, avec une rare capacité à le faire chanter ou se mouvoir avec agilité. Cette musique spectaculaire, sinon inspirée, ravit l’auditoire, qui obtient la reprise d’un extrait avec les deux seuls solistes.


Le site de Jurek Dybal



Simon Corley

 

 

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