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03/23/2023
Claude Molzino : La musique chair du silence
Editions Manucius – 132 pages – 20 euros


Must de ConcertoNet





Claude Molzino, agrégée et docteure en philosophie, vient de publier un maître livre consacré au silence après s’être penché sur La vérité en musique (Editions Manucius, 2013).


Les approches philosophiques sur la musique, de l’Antiquité à nos jours, ne manquent pas, l’ouvrage synthétique le plus lumineux étant sans doute celui de Francis Wolff, Pourquoi la musique ? (Librairie Arthème Fayard, 2015). Les musiciens n’ont pas été en reste. Certains ont en effet cherché à comprendre le phénomène musical, leur propre création, et à analyser la difficulté d’en parler... tout en en parlant. On pense naturellement à Hector Berlioz, Robert Schumann et surtout Claude Debussy, ou Sergiu Celibidache du côté des interprètes. C’est le cas aussi, plus récemment, du compositeur et interprète Karol Beffa, dans son ouvrage, passablement bavard, autocentré et dénué d’originalité, Parler, composer, jouer (Editions du Seuil, 2017), établi à partir de ses cours, sévèrement contestés, au Collège de France.


Ici, il est question d’une approche phénoménologique du silence, en apparence contraire au phénomène musical ou au monde des sons d’une façon générale. Là aussi paradoxalement des compositeurs ont cherché à « parler » du silence avec de la musique. On pense à Ralph Vaughan Williams (Silence and Music), Federico Mompou (Música callada), Henri Dutilleux (Premier Prélude pour piano), John Cage (4’33), George Benjamin (Upon Silence), Avishai Cohen (Into the Silence)... La philosophe s’interroge quant à elle sur la possibilité de parler, non de la musique, mais du silence, à partir de la musique, de la pulsation rythmique, de la scansion. En cinq parties, séparées par des Intermezzos, consacrées à des œuvres d’Olivier Greif (Concerto pour violoncelle « Durch Adams Fall », du peintre Maurice Maillard (Désert), de Johann Sebastian Bach (Troisième Sonate pour violon seul, de Robert Schumann (Carnaval avec ses notes, au début, qui ne doivent pas être jouées) et de Maurice Ravel (« Ondine »), il est démontré brillamment qu’on ne peut pas vraiment parler du silence de son point de vue, qu’il est nécessairement borné par ce qui lui est contraire, le silence n’ayant en lui‑même ni commencement ni fin. « Du silence nous n’avons aucune expérience », écrit Claude Molzino. Comme la mort. Les seuls battements du cœur viennent le contredire. Le silence, présence de rien, n’a pas d’essence ; il n’est pas reproductible. Mais il peut être serti par la musique. La musique le révèle alors par quoi elle se construit. La philosophe la distingue cependant du langage, des signes linguistiques, chargés de sens par le rapport qu’ils entretiennent entre eux. Elle conclut en voyant dans la musique l’incarnation du silence, en tant qu’elle le permet.


L’essai, parfois difficile pour le non‑philosophe, comporte des analyses denses mais sensibles, superbement bien écrites, voire raffinées, et remarquablement stimulantes. Le mélomane curieux s’en délectera.


Stéphane Guy

 

 

 

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