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02/06/2021 Mūza Rubackytė : Née sous un piano Les Editions Ovadia – 409 pages – 30 euros
Sélectionné par la rédaction
Née sous un piano de la pianiste lituanienne Mūza Rubackytė est le récit d’une carrière très singulière doublée d’une vie au service de son pays.
Née sous un piano, en 1959 à Kaunas en Lituanie, dans un foyer de musiciens devenu si exigu à son arrivée au point que dans son couffin placé sous un des pianos de la maison, celle que l’on avait prénommée «la muse» fut dès le berceau imprégnée de musique. Enfant prodige éduquée dans la sévérité pédagogique d’un pays sous occupation soviétique, son itinéraire a dû passer par la rigueur moscovite puis, les concours passés (Moscou, Budapest), se plier aux exigences de concertiste de l’URSS, qui imposait en jouant partout dans l’Union de faire un trait sur une carrière l’internationale. La pianiste raconte cette phase difficile de son apprentissage, les salles aux pianos défectueux, les concerts «punition» dans les usines, écoles, prisons... avec autant de sincérité que d’humour et c’est certainement la partie la plus poignante et instructive de cette biographie écrite à la première personne dans un style direct et une volonté de s’adresser aussi bien aux amateurs qu’à ceux qui ne connaissent pas les codes de la planète pianistique.
Puis, au profit du mouvement de libération de la Lituanie auquel elle est fière d’avoir activement pris part, sa carrière internationale à point de départ français (quelques années d’études à Paris ont complété le formidable bagage du Conservatoire de Moscou) s’est envolée avec des succès constants et mérités pour cette artiste exigeante et aussi perfectionniste pour elle que pour son public. Les récits de voyages et de concerts qui abondent d’anecdotes et d’aventures démythifient la carrière de concertiste doublée d’une vie de femme épanouie que l’on croit souvent être un long fleuve tranquille.
Aujourd’hui la longue discographie Mūza Rubackytė s’enrichit perpétuellement, en tête de laquelle trônent ses enregistrements des Années de pèlerinage de Liszt, compositeur qu’elle a défendu dans le monde entier, et les Préludes et Fugues de Chostakovitch, dont elle a repris le flambeau de leur créatrice Tatiana Nikolaïeva. Couverte d’honneurs dans son pays dont elle est une infatigable ambassadrice culturelle, elle y a même fondé le premier Festival de piano de Vilnius en 2009. Dernier fleuron de sa discographie, un récital consacré à un musicien juif originaire de Vilnius, né il y a juste cent cinquante ans, à l’époque ou Vilnius était surnommée la «Jérusalem du Nord»: Leopold Godowski avec la Sonate en mi mineur et Karol Szymanowski qui, avec ses neuf Préludes opus 1, complète le programme de cet album (Ligia).
Olivier Brunel
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