About us / Contact

The Classical Music Network

Books

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

01/12/2017
L’Ange de feu
Avec les contributions d’André Lischke, Laetitia Le Guay, Nicolas Moron, Constance et Hélène Malard, Marie-Aude Roux, Jean-Charles Hoffelé et Chantal Cazaux
Avant Scène Opéra n° 294 – 115 pages – 25 euros


Must de ConcertoNet





L’Ange de feu n’avait pas encore fait l’objet d’un numéro de L’Avant-Scène Opéra; injustice réparée, eu égard à une œuvre jouée de plus en plus fréquemment sur les scènes internationales. En fut-il toujours ainsi? Certes non, ainsi que l’atteste l’explicite disco-vidéographie établie par Jean-Charles Hoffelé. Il fallut attendre 1990 pour disposer d’une version studio avec tout le confort moderne: celle de Neeme Järvi chez Deutsche Grammophon (1990), qui recueille d’ailleurs les suffrages de notre critique. Renata ne suscita pas le même engouement qu’une Salomé, une Elektra, une Lulu, ou une Lady Macbeth. Il faut dire que «la partition de Prokofiev a erré de 1923 – date de son premier achèvement – à 1953 – date de la mort de Prokofiev». L’Ange de feu partage en outre avec L’Amour des trois oranges une musique qui tombe aussi bien sur la prosodie française que russe, ce qui incline Jean-Charles Hoffelé à se demander si, finalement, l’œuvre n’avait pas été conçue «parallèlement dans les deux langues».


Une question sur laquelle reviennent Nicolas Moron et l’introduction d’André Lischke, auquel incombe la contribution la plus substantielle avec le guide d’écoute. Le musicologue lève le voile sur certains procédés d’écriture, de l’incontournable ostinato (qualifié de «spasmodique» au début de l’acte 3), marque de fabrique du compositeur, aux différents leitmotive qui structurent la partition en passant par les infidélités commises à l’encontre de la tonalité. Lischke précise à ce sujet que, en dépit de la tonalité élargie, de la polytonalité ou du diatonisme, «l’absence d’armure souligne bien que Prokofiev se positionne résolument dans l’atonalisme».


L’article de Laetitia Le Guay – auteur d’un excellent Serge Prokofiev aux éditions Actes Sud – souligne les liens qui unissent le compositeur de la tellurique cantate Sept, ils sont sept et des Visions fugitives au courant symboliste. On se permettra de dresser un parallèle entre «Il est d’autres planètes» (première des deux mélodies de l’Opus 9), poème de Constantin Balmont mis en musique par Prokofiev, et «Je sens l’air d’une autre planète», poème de Stefan George utilisé par Arnold Schoenberg dans le dernier mouvement de son Deuxième Quatuor à cordes (avec soprano, 1908), écrit au moment où l’Autrichien franchisait, de son côté, un pas décisif vers l’atonalité.


Quant au courant futuriste – dont sera taxé son Deuxième Concerto pour piano, à la cadence monumentale réputée injouable –, tendance dans laquelle semblent s’inscrire sa démarche, ses amitiés (Maïakovski, Meyerhold) et la promesse révolutionnaire qu’il couve, Prokofiev en restera au stade esthétique: carriériste et ambitieux, il choisit l’exil face à une situation de plus en plus chaotique, peu de temps après avoir créé sa Symphonie classique (1917) dans une Petrograd un peu désertée.


Après que Constance et Hélène Malard nous ont édifiés sur les différents thèmes et références brassés par Prokofiev dans son opéra (alchimie, ésotérisme, occultisme...), Marie-Aude Roux signe sans doute l’étude la plus personnelle. Celle-ci, centrée sur la figure de Renata, tire le fil de ses origines, où l’extase érotico-mystique de sainte Thérèse rejoint l’animalité de Lulu dont Mosco Carner (Alban Berg, éditions Jean-Claude Lattès) a pu écrire que «par-delà le bien et le mal, elle est aussi innocente qu’une flamme de bougie qui attire les mites, et les brûle»; Renata, on le sait, finira par se consumer en enfer.


Après Guerre et Paix et L’Amour des trois oranges, L’Avant-Scène enrichit sa collection d’opéras de Prokofiev avec ce passionnant numéro – émaillé, comme à l’accoutumée, d’une très belle iconographie – que tout amateur d’art lyrique ne manquera pas d’acquérir. A quand Le Joueur et Les Fiançailles au couvent?


Jérémie Bigorie

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com