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12/08/2013
«Le Théâtre des Champs-Elysées est ouvert»

Ouvrage collectif, Nathalie Sergent (coordination éditoriale): Théâtre, Comédie et Studio des Champs-Elysées, trois scènes et une formidable aventure
Verlhac Editions – 660 pages, 89 euros





Sélectionné par la rédaction


Pour célébrer le centenaire du bâtiment du 15 avenue Montaigne à Paris (non seulement le Théâtre, mais également la Comédie et le Studio), Verlhac publie un livre grand comme les Champs-Elysées et dont on peut feuilleter quelques pages ici. Une publication assez exceptionnelle par son volume hors norme, par l’exhaustivité de l’information qui s’y loge (couvrant tant les personnes que les lieux, les artistes que les spectacles, les musiciens que les comédiens, les controverses que les triomphes) ainsi que par la richesse de l’iconographie.


C’est cette dernière qui captive le plus. Et notamment les clichés les plus rares, comme ceux de la construction – illustrant les péripéties du chantier et qui ne sont pas, d’ailleurs, sans rappeler le feuilleton de la Philharmonie de Paris: en effet, après l’abandon du projet d’implantation sur l’esplanade des Champs-Elysées et le retrait de la ville de Paris en 1909, au rythme de la succession des architectes, «il fallait du flair et de l’audace pour parier en 1910 sur le développement de l’Ouest parisien. A cette époque le quartier de l’Alma est relativement excentré [...] la vie théâtrale règne encore en son quartier historique, celui de l’Opéra et des Grands Boulevards».


Feuilleter ces centaines de photographies (ainsi que quelques dessins, tableaux ou plans), c’est un peu comme parcourir l’histoire même du XXe siècle musical. Des affiches d’abord, notamment celles des débuts (dont Le Sacre de Stravinsky en 1913) ou les nombreux concerts de prestige – avec Nat, Paderewski, Rubinstein, Ysaÿe, Serafin, Furtwängler ou Walter (dans les années 1920), Chaliapine, Lehmann, Melchior, Ansermet, Horowitz ou Weingartner (dans les années 1930), Arrau ou Ciccolini, Samson François ou Kathleen Ferrier, Karajan ou Knappertsbusch (dans les années 1950)... sans oublier les années souillées par la collaboration. Des clichés surtout: Joséphine Baker et Sidney Bechet posant sur la scène en 1925, Arturo Toscanini y répétant en 1934, Ekitaï Ahn au pupitre du sinistre Orchestre de Radio-Paris en 1943, Stravinsky et Cocteau dans les fauteuils d’orchestre en 1952, Milhaud écoutant l’enregistrement au théâtre du Boeuf sur le toit en 1958.


Les images des années 1960 sont peut-être les plus attachantes: Clara Haskil et Arthur Grumiaux saluant leur public en 1960, Francis Poulenc et Georges Prêtre partageant un verre dans les salons en 1961, Charles Munch et André Cluytens dirigeant respectivement Nicole Henriot et Nathan Milstein en 1962, Rudolf Noureev contemplant, la même année, l’affiche de La Belle au bois dormant montée par les Ballets du Marquis de Cuevas, qui lui donnait son premier rôle «libre» («Craignant la venue d’agents du KGB, il faisait garder sa loge par le grand photographe d’origine russe Serge Lido. Un soir, des militants communistes vinrent déverses sur la scène quantité de pièces de monnaie, pour insulter sa "vénalité"»). Ou, plus près de nous, le concert inaugural de l’Orchestre de Paris en 1967 (avec Munch), les adieux de Maurice Chevalier en 1968, Jean Martinon en plein travail de répétition en 1972, Charles Dutoit et Henri Dutilleux faisant de même en 1991 – une année marquée (et intelligemment illustrée dans le livre) par la «révolution baroque» (Malgoire, Minkowski, Jacobs, Herreweghe...).


Le texte n’est pas en reste. Il faut dire que la coordination éditoriale, assurée par Nathalie Sergent, permet de réunir des signatures expertes et familières (Ivan Alexandre, Jean Cabourg, Gérard Condé, Dominique Fernandez, Pierre Gervasoni, Gérard Mannoni, Christian Merlin, Jean-Michel Molkhou, Rémy Louis, André Tubeuf, Christian Wasselin...) tout comme des témoignages éclairés (de Gabriel Astruc, bien entendu, à Pierre Boulez, de Jacques Lonchampt à Georges-François Hirsch, Michel Franck ou Dominique Meyer). De la soirée d’ouverture, le 31 mars 1913 («Ce soir-là, on ne se contentait pas d’ouvrir une nouvelle scène, on inaugurait le plus beau, le plus moderne, le plus confortable des théâtres, un édifice dont les gazettes, les salons et la rumeur vantaient depuis le début de ses travaux l’exceptionnelle splendeur») aux heures de tumulte ou de gloire, de routine ou d’imprévu qui s’ensuivirent – n’oubliant pas les triomphes les plus récents (ceux des Muti, Sokolov et autres Bartoli), y compris au National (comme les inoubliables Debussy et Mahler de Bernard Haitink ou l’historique concert Dutilleux de Seiji Ozawa et Renée Fleming...).


Fort logiquement, plusieurs articles traitent de Diaghilev, des Ballets Russes et du «scandale» du Sacre du Printemps, le 29 mai 1913 («inscrit aujourd’hui dans la mémoire collective comme l’un des plus retentissants de l’histoire de la musique»), allant même jusqu’à recenser les représentations de ce ballet au Théâtre des Champs-Elysées jusqu’à celle du 21 juin 2013 (Yannick Nézet-Séguin y conduisant Rotterdam). Mais l’ouvrage n’oublie pas de conter d’autres épisodes marquants, telle la création de Déserts de Varèse, le 2 décembre 1954 – à propos de laquelle Pierre Henry estime rétrospectivement que «faire connaître Varèse aux Parisiens entre Tchaïkovski et Mozart n’était sans doute pas une bonne idée. Le programme dans un concert du Domaine Musical aurait été plus naturel et il n’y aurait pas eu de scandale» – ou, le 13 février 1962, la première parisienne de Chronochromie de Messiaen («plus mesuré que le quidam hystérique qui s’est jeté sur le compositeur à sa sortie de la salle» – en contraste absolu avec les succès que Messiaen connaîtra dans la même salle).


Le prix est conséquent mais Noël approche et, à coup sûr, ce livre constitue un cadeau qui ne décevra pas. A noter: l’ouvrage est également disponible dans une version numérique (pour tablettes iPad), enrichie – grâce à un partenariat avec l’INA – par trois heures d’archives audiovisuelles s’étalant de 1953 à 2013 et permettant de voir et/ou d’entendre Stravinsky en 1952, Callas en 1963, Munch en 1967, Bernstein en 1971, Horowitz en 1985... ainsi que Joséphine Baker, Elton John ou encore les Who.


La présentation sur le site de Verlhac Editions
La présentation sur le site du Théâtre des Champs Elysées


Gilles d’Heyres

 

 

 

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