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06/03/2010
Pierre Boulez. Un certain parcours

Sarah Barbedette (conception et coordination), Quartopiano (graphisme) – Textes en français et en version bilingue français-anglais
Orchestre de Paris, mai 2010 – 96 pages, 10€





En parallèle aux trois volets du concert donné en deux parties à la salle Pleyel les 27 et 28 mai (voir ici), l’Orchestre de Paris édite un opuscule de conception tout à fait originale qui a l’avantage d’éclairer la genèse de ce projet exceptionnel et l’élaboration de son programme tout en ciselant les divers fragments d’un portrait multidimensionnel de Pierre Boulez et les contours éclatés de son parcours.


L’opuscule se présente sous forme de carnet d’esquisses, carnet à spirales au beau papier épais destiné à recevoir jusqu’aux fines couleurs d’une rapide aquarelle. Les «esquisses» sont l’œuvre collective de l’instigateur du projet, Eric Picard à la plume intrépide, des musiciens de l’Orchestre de Paris et de l’Ensemble Intercontemporain qui procèdent par petites touches de couleur lumineuse ou par traits plus fermes ou plus hardis, d’hommes de lettres célèbres (en citation), de Daniel Barenboïm et de Christoph Eschenbach qui dessinent les grandes lignes d’un portrait plus personnel et de Pierre Boulez lui-même, seul ou en entretien avec Eric Picard, qui s’essaie avec adresse à l’autoportrait elliptique, portrait en marche du musicien et du penseur qu’il est.


Pierre Boulez. Œuvre : fragment. C’est ainsi que s’intitulait l’exposition organisée au Louvre en 2008 et c’est ainsi, «entre l’inachevé et le fini» que s’organise ce riche cahier aux éclats multiples qui est peut-être plus parlant, plus complet dans son aspect fragmenté que ne le serait un livre au texte plus analytique, plus classiquement construit. Les fragments aux mille couleurs se juxtaposent et s’assemblent comme les tesselles d’une mosaïque éphémère et, comme une mosaïque, l’esthétique de surface s’ouvre à plusieurs niveaux de lecture de relief et de profondeur de champ variables, offrant de l’homme et du musicien une image en mouvement, prismatique et transitoire, et le supplément d’âme d’un univers musical et artistique, tout en sensibilité malgré les impératifs, les difficultés techniques et les contraintes administratives qui peuvent l’assaillir.


Violoncelle solo de l’Orchestre de Paris, Eric Picard, en catalyseur avisé, met en présence les bons éléments pour déclencher une réaction en chaîne tout à fait fertile. On est frappé par la poésie et la vie des images fugitives qu’esquissent les musiciens, chacun en quelques mots; dans cet ensemble pointilliste, ils livrent, en même temps que leur perception de Boulez et leur attachement manifeste, toute l’animation féconde d’une vie d’orchestre. Le témoignage de Daniel Barenboïm, confrère et ami, permet un retour éclairé sur un passé pluriel trop souvent évalué hors contexte dans un environnement devenu tout à fait autre. Christoph Eschenbach en quelques traits relie le passé à un présent privilégié de collaboration généreuse, enrichissante et fructueuse. Les fragments de texte d’hommes de lettres – Mallarmé, Char, bien sûr, Diderot, Keats et Claudel – projettent un portrait de Boulez par reflet moiré tout à fait comme le long reflet de Boulez projeté dans l’eau un jour de pluie renvoie à la prestance et à la démarche dynamique de la plus célèbre des sculptures de Giacometti. (La photographie est de Philippe Gontier).


Bunuel, ses goûts et ses dégoûts, ses pour et ses contre, inspirèrent à Picard une rencontre avec Boulez «autour d’un regard porté sur sa vie». Ce regard est double : celui de l’œil intérieur et celui du reflet fragmenté des compositeurs qui l’ont marqué et toujours, en quelque sorte, accompagné. L’œil intérieur se soucie peu des «pour» et des «contre», et, «sinon le miroir intérieur de toute une existence, ce périlleux exercice» auquel Boulez est convié, devient un merveilleux «reflet en miettes d’une trajectoire encore inaboutie» aux pleins et aux vides habités et énigmatiques de l’art oriental. Schlegel et Mallarmé résument en quelques mots le passage de fragments à l’œuvre potentielle et leurs phrases décrivent ainsi tout l’esprit du programme des deux concerts, programme qui se métamorphose en un deuxième regard pénétrant sur le parcours d’un certain Pierre Boulez. En effet, il explique le paysage en mosaïque que dessine sa programmation, justifie le choix d’extraits et décrit de manière tout à fait révélatrice les segments d’œuvres retenus et les relations qui existent entre eux, et entre les démarches des compositeurs et lui-même. La programmation, difficile à réaliser dans une salle de concert «traditionnelle», plaide en faveur de la construction de la nouvelle salle philharmonique de La Villette. Pierre Boulez veille et convainc.


Sans commentaire, sont soumis au regard du lecteur documents et photographies, datés de 1954 à 2009, soigneusement sélectionnés pour leurs lignes de force esthétiques, événementiels et conceptuels et pour leur contribution à ce portrait multiforme tout à fait captivant.


Christine Labroche

 

 

 

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