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02/14/2010
Liszt virtuose subversif

Bruno Moysan
Symétrie, Collection Perpetuum Mobile – 304 pages, 45€





Le titre de cet ouvrage est pour le moins intrigant: nous connaissons l’emploi de l’adjectif «subversif» pour qualifier certains écrivains, mais il est plus rare de le voir associé à un musicien. Difficile en effet de concevoir la façon dont un compositeur pourrait bouleverser l’ordre établi. Et pourtant, l’exemple de Liszt est saisissant: en prenant le genre de la fantaisie, Bruno Moysan montre comment le compositeur virtuose a su construire un nouvel espace musical et social par un savant «brouillage des codes». Liszt élabore effectivement la plupart de ses fantaisies à partir de thèmes d’opéras célèbres de l’époque et joue avec les attentes du public: quel thème le compositeur va-t-il emprunter? Aura-t-on un «pot-pourri», un thème varié ou les deux? Tout est donc affaire de relation avec le public mondain et l’enjeu est de pouvoir créer la surprise au sein des attentes de l’auditoire. Ce jeu subtil permet au compositeur de se faire «prophète» du romantisme en amenant adroitement à la musique instrumentale une société habituée à l’opéra. De là, la naissance du concert soliste qui devient l’espace de la parole prophétique et du changement social dans la mesure où pour le virtuose, la musique est créatrice de sociabilité: en écoutant les fantaisies dont les thèmes lui sont familiers, l’auditeur «communie». «Liszt [fonde alors] dans le cadre […] du concert, un lien social unanime dans un langage.» Ce «brouillage des codes» se couple à l’usage de la presse, autre espace de parole permettant à Liszt de «répandre sa philosophie humanitaire et vulgariser ses idées sur la mission sociale de l’artiste et de l’art».


Ainsi, Bruno Moysan, spécialiste des liens entre musique et politique, montre-t-il comment société, politique et musique peuvent s’entrecroiser: tout comme l’écrivain, le musicien peut devenir un acteur du changement social. L’usage extrêmement fréquent de l’anglicisme «fashionable» en est une puissante démonstration: quoi de mieux pour amener le public à communier dans un nouveau mouvement esthétique que de devenir à la mode? Cet ouvrage a donc le mérite de porter un regard autre sur la musique, notamment sur Liszt, et de nous rappeler que la création musicale n’est pas un objet éthéré détaché de toute préoccupation sociale: le musicien comme l’écrivain a besoin de faire valoir ses idées et ses créations en recherchant l’approbation de la société qui participe alors à l’élaboration de ces œuvres nouvelles.


Cette nouvelle publication se révèle donc indispensable, non seulement grâce à ce nouvel angle d’approche sur Liszt au travers des prismes des liens entre société, musique et politique, mais aussi grâce au souci aigu de pédagogie de l’auteur qui se dégage notamment des exemples musicaux et schémas illustrant son propos, ainsi que de la description concise mais efficace des composantes de la société des années 1830-1848 présentée en annexe de sorte qu’«un lecteur éventuellement peu familier avec le monde parisien de la monarchie de Juillet [puisse] situer, dans les différents espaces sociaux de ce même monde, les différentes familles citées dans ce livre».


Fanny Fossier

 

 

 

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