About us / Contact

The Classical Music Network

Editorials

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un Ring extraordinaire
06/07/2010

Avouons notre énervement. Nous avons été ulcérés par les critiques unanimement négatives de la mise en scène de L’Or du Rhin et de La Walkyrie de Wagner par Günter Krämer à l’Opéra de Paris. La violence et le mépris des propos ne s’étaient pas vus depuis longtemps, il n’y eut personne (?) pour le sauver. Les huées furent, nous dit-on, largement majoritaires lors de la première, mais on se permettra de ne pas considérer le public blasé, pseudo branché et moutonnier des premières d’opéras comme une référence. Affirmons clairement qu’on a le droit d’aimer, d’adorer même, cette mise en en scène.

Certes, le parti pris est « brechtien », une distanciation critique est toujours à l’œuvre, on ne trahit pas le livret mais un « point de vue » est toujours proposé au spectateur. Les dieux bodybuildés de L’Or du Rhin appuient avec ironie leur puissance factice, le groupe d’hommes et le massacre au début du premier acte de La Walkyrie renforcent avec à-propos la violence de la situation, la résurrection des soldats opérés par des infirmières mécaniques au début du troisième acte renvoie à nos hôpitaux désincarnés et à la disparition de toute transcendance dans le fait de mourir aujourd’hui, le Walhalla incendié à la fin de l’acte signifie que Wotan a, en réalité, déjà perdu la partie. Ces éléments sont critiquables bien sûr, mais ils démontrent une vraie lecture, qui s’éloigne du premier degré illustratif, mais qui refuse aussi une déconstruction nihiliste. La vérité des sentiments est préservée, renforcée même par l’âpreté de la mise en scène. Les décors savent habiter l’espace géant de Bastille et impriment des images magnifiques (le Walhalla onirique, le miroir inversé, etc). L’inventivité de Krämer est permanente et cela nous change des Ring minimalistes et penauds, façon drame petit bourgeois, de Pierre Strosser au Châtelet ou de Stéphane Braunschweig à Aix, pour prendre deux références françaises récentes. Robert Wilson au Châtelet possédait également une vraie vision, radicalement différente mais cohérente.

Alors pourquoi un tel rejet ? Parce que cette mise en scène est « trop » allemande, que les dissensions entre la France et l’Allemagne s’accroissent (on le voit tous les jours à propos de la crise financière et de l’euro), qu’une certaine élite française ne supporte plus les « leçons » d’outre-Rhin… Hypothèses que tout cela. La réponse n’est peut être qu’un simple phénomène grégaire comme la presse en connaît régulièrement. Quoi qu’il en soit, nous applaudissons ce Ring captivant et passionnant, et nous attendons avec impatience Siegfried et Le Crépuscule des dieux l’année prochaine !


Philippe Herlin

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com