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Nomination de Gerard Mortier à Madrid
12/06/2008



Mortier spielt auf !



Gerard Mortier (© Javier del Real)


Mercredi 26 novembre, vers 18 heures, la nouvelle tombait: Gerard Mortier devenait directeur artistique du Teatro Real de Madrid. 18 heures n’est pas une heure tardive en Espagne et la presse se mit aussitôt en mouvement. Peut-être la date du 25 Novembre était-elle une coïncidence : c’était aussi l’anniversaire de Mortier.



Cette nomination et le changement de pouvoir qu’ils entraînent sont une véritable révolution de cour. Il y avait un directeur général, un directeur artistique, un directeur musical, un directeur de finances, et voilà que maintenant la vénérable maison madrilène s’offre un super patron au dessus de tous ces présidents. Le Président et la commission permanente existaient déjà, bien sûr, mais ils régnaient sans gouverner. Le paysage vient de changer. Cela ne serait en fait qu’une révolution de sérail si les conséquences sur les directions artistique et musicale n’allaient pas se faire sentir. Mortier est bien reçu à Madrid, même si le microcosme de la musique et de l’opéra se demandent la raison de ce changement ? Pourquoi laisser partir Jesús López Cobos, directeur musical, et Antonio Moral, directeur artistique qui ont tous deux accompli un travail exemplaire ?



L’attente est énorme, et la nomination de Mortier est une de ces nouvelles culturelles dirigées surtout au gens qui manifestent peu d’intérêt pour la culture et l’opéra. Mais le message est lancé haut et clair : c’est le meilleur qui nous attend.



Le jeudi 4 Décembre, séducteur, Mortier a parlé devant la presse en termes élogieux de l’équipe précédente. Il a aussi fait part de son intérêt et de sa fascination pour l’Espagne, de son amour pour Don Quichotte, de sa volonté de parler espagnol couramment. Il a même commencé sa conférence en espagnol, avec un petit accent qui n’était pas sans charme. Charmeur, certainement ; mais aussi, artistiquement, un homme de fer. Les journalistes, tout en ayant quelques questions épineuses à poser, sont restés très courtois : il s’agissait de faire bon accueil au nouveau directeur.



L’anecdote raconte que Mortier n’aime pas Puccini, ce qui a généré quelques questions assez banales auxquelles le Belge a répondu qu’il n’est pas obligatoire d’aimer tout ce qu’on montre.
Enfin, le souhait du nouveau directeur est que le Teatro Real produise et exporte des spectacles davantage qu’il ne le fait maintenant, tant il est vrai que ce théâtre moderne (entièrement rénové il y a à peine dix ans) est un outil magnifique de technologie qui se prête parfaitement à la rotation des spectacles. Pour autant, la prise de fonction ne se fera qu’en 2010 et les prochaines saisons sont déjà prêtes. Souhaitons qu’elles ne soient pas compromises.



C’est vrai, le Teatro Real est un théâtre jeune, adolescent, disons. Le directeur artistique, Antonio Moral, était parvenu à faire parler du Teatro Real en dehors des frontières de l’Espagne. Certainement, une telle démarche a toujours été au centre des préoccupations de Gerard Mortier. Ce dernier n’arrive pas dans un théâtre de province qu’il faut moderniser – il l’a clairement dit devant les journalistes – la modernisation est en cours et elle s’opère à grande vitesse. La saison 2008-2009 en est une preuve incontestable. Mortier arrive au Teatro Real alors qu’on peut y voir une production parmi les plus belles et les plus convoitées, la Kátia Kabanová mise en scène par Robert Carsen, dirigée par Jirí Belohlávek, et avec Karita Mattila dans le rôle titre.
Mais on attend certainement du nouveau directeur encore plus, tout en se demandant si un théâtre comme le Real peut vraiment s’offrir un tel géant. Les opinions sont partagées et elles se divisent surtout en deux camps : le premier déclare qu’en ayant choisi Mortier on est allé trop loin, le second affirme que c’est bien lui dont le Teatro Real avait besoin.



La crainte la plus aiguë réside dans la destinée de l’orchestre. Nous ne sommes pas au Philharmonique de Vienne, et notre orchestre a besoin d’un chef permanent qui le prépare avec rigueur, l’encourage, et lui donne de l’amour-propre. López Cobos était parfait dans ce rôle. Un peu désolé (et bien qu’il fût trop jeune pour évoquer Gilbert Bécaud), un des musiciens de l’orchestre demandait : « Et maintenant, qu’allons-nous faire…? » Il reste un an et demi à travailler avec un directeur sans doute un peu navré (et pour cause) et il est légitime de se demander ce qui va se passer pendant cette période pour ces musiciens habitués à un chef qui comprenait si bien leurs besoins et qui voyaient monter la considération du public. Un autre musicien affirmait: « Les maestros vont se succéder, comme au lycée le prof de maths suit celui de français ; mais la sagesse et la rigueur risquent d’en pâtir et peut-être même nos prestations ». Et les craintes sont du même ordre pour le chœur.
Mais Mortier affirme que son expérience à Paris prouve que le système de plusieurs directeurs d’orchestre est bénéfique pour l’ensemble du théâtre. « J’ai été très critiqué au début, nous a-t-il dit, mais finalement on m’a donné la raison à la vue des résultats ».



Un journaliste citait ces mots de Plácido Domingo : « Mortier devra tenir compte du public madrilène ». Présent le jour de la première de Katia Kabanová, ce mardi 2 Décembre, le futur directeur a sans doute remarqué l’enthousiasme d’un public erronément considéré comme trop conservateur. Non, ce public n’est pas conservateur, loin s’en faut.


Santiago Martín Bermúdez

 

 

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