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Exposition « Ravel Boléro » 12/09/2024 « Ravel Boléro »
Pierre Korzilius (commissaire de l’exposition), Lucie Kayas (conseillère musicale)
Du 3 décembre 2024 au 15 juin 2025, Musée de la musique
11 euros (tarif plein), 6 à 10 euros (tarifs réduits)
L’exposition qui vient de s’ouvrir à Paris dans la perspective du cent-cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur a pour objet une présentation et une analyse du véritable phénomène musical qu’est le Boléro de Maurice Ravel mais elle va un peu plus loin en présentant quelques aspects de la personnalité de l’auteur de ce tube planétaire.
Elle débute par un enregistrement audiovisuel de l’œuvre par des musiciens de l’Orchestre de Paris et son directeur musical Klaus Mäkelä. Les visiteurs qui n’ont pas réservé leur créneau horaire sont d’ailleurs invités à patienter devant les portes et les guichets pour attendre le début de sa projection. C’est l’occasion d’entendre, dès l’entrée, encore, une énième fois le Boléro alors que tout le monde connaît la pièce. Le film en lui‑même n’apporte pourtant pas grand‑chose. Certes, la disposition des musiciens de l’Orchestre de Paris est originale, la célèbre et imperturbable caisse claire – Ravel avait prévu initialement un tambour – étant, dans les mains de Nicolas Martynciow, placée au milieu des autres musiciens placés en cercle autour, avant que le rejoigne la seconde à la fin. Mais les images se télescopent, c’est du zapping permanent et du fondu-enchaîné fait de gros plans, loin de l’esprit ravélien fait de rigueur, de clarté et de géométrie ; on respire quand c’est fini.
La suite présente plus d’intérêt. L’exposition s’organise autour de cinq thèmes : l’année 1928, l’œuvre proprement dite, l’influence de l’Espagne, l’importance du monde de l’enfance (sans grand rapport avec le Boléro à vrai dire) et le monde industriel (qu’on perçoit quand même plus dans le Ballet mécanique de George Antheil ou Les Fonderies d’acier d’Alexandre Mossolov, deux pièces écrites deux ans auparavant). A chacune de ces étapes, on a l’occasion de voir beaucoup d’objets provenant de la maison de Maurice Ravel à Monfort‑l’Amaury, « Le Belvédère », un peu vidée du coup, de nombreuses photographies du compositeur et de ses amis, des tableaux (remarquables) inspirés par l’industrie et des extraits de films ou de sketches brodant sur le tube qu’est devenu le Boléro. Pierre Dac et Francis Blanche, d’une part, et Jacques Villeret, d’autre part, y sont quand même très drôles. On pourrait y ajouter aujourd’hui la fin émouvante du film très récent En Fanfare d’Emmanuel Courcol dans laquelle une chorale reprend le Boléro. Une curiosité parmi les pièces exposées : une page de tests de monogrammes reprenant les initiales du compositeur. L’un d’eux avec les lettres MR collées sera repris dans le papier à en‑tête de Ravel et, par exemple, dans une des plaques évoquant son séjour dans une rue de Paris et voir récemment inaugurée.
L’élément le plus intéressant reste cependant la lecture sur écran des différents moments composant le Boléro. L’analyse de l’œuvre qui s’écoute au casque pendant qu’un curseur défile pour suivre l’orchestration progressive, par paliers, et qu’un écran montre, au moins au début, la partition correspondante mérite qu’on s’y arrête. C’est un beau travail pédagogique de Lucie Kayas.
Si la visite ne devait pas combler le passionné difficile, il pourrait se reporter au catalogue de l’exposition établi sous la responsabilité de cette musicologue. Il comporte vingt‑quatre chapitres ou annexes détaillées et de nombreuses photographies, notamment de la maison de Maurice Ravel, de ses décors ou de son mobilier qu’on n’a pas pu ou osé déménager. Y figure un rappel de l’histoire rocambolesque des droits d’auteur liés au Boléro mais curieusement pas de la dégradation du cerveau de Ravel telle qu’analysée récemment par les docteurs Bernard Lechevalier, Bernard Mercier et Fausto Viader (Editions Odile Jacob). Cela étant, c’est une mine. On ne s’étonnera pas d’y retrouver parmi les nombreux signataires ou collaborateurs, les noms de Jean Echenoz, auteur d’un Ravel fameux, et de Manuel Cornejo, président des Amis de Maurice Ravel, qui sait tout sur le compositeur.
Si l’année Ravel c’est en fait tous les ans, si le compositeur n’a guère besoin d’être mis en avant, tant il est joué partout dans le monde, si sa vie ne comporte guère de zones inconnues et si le Boléro vous ressort par les oreilles, exposition et catalogue méritent quand même le détour. C’est du beau travail.
Stéphane Guy
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