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Benjamin Duvshani (1930-2024)
02/04/2024





Benjamin Duvshani nous l’avait pourtant promis : il ne tirerait sa révérence qu’à 95 ans révolus, afin de mener à bien la cinquième « saison », chacune comptant dix‑neuf années, de ses mémoires. Des mémoires intitulés Un juif libertin, mais pour lesquels Un mélomane gourmet aurait également très bien convenu.


Car on tient là les quatre points cardinaux d’une vie longue, riche, savourée avec un insatiable appétit : la religion, l’amour, la musique et la gastronomie.


La religion et, indissociablement lié, l’attachement viscéral au pays de naissance de Binyamin ben Yoseph Duvshani (בנימין דובשני), à la ville où il a vu le jour, Jérusalem. L’amour inconditionnel pour sa famille. La musique pratiquée très tôt – la clarinette puis surtout le violon, qu’il apprit avec un élève de Hindemith – et cette volonté inépuisable de la faire partager dans ses écrits ou dans ses émissions radiophoniques. La gastronomie, pas seulement en croyant mais aussi en pratiquant, toujours réjoui à la perspective de se mettre à ses fourneaux.


Soit. Mais ces points cardinaux pouvaient également conduire dans des directions inattendues.


Ainsi de la religion : « Dieu, bien sûr, n’existe pas » affirmait dans un grand éclat de rire celui qui promouvait ces dernières années un concept aussi original qu’audacieux, le « judaïsme déiste ». Ainsi de l’amour et des femmes, dans une perspective assez éloignée de l’ère #metoo qu’on ne pourra que pardonner à un homme de sa génération. Ainsi de la musique, dans ses appréciations très libres et personnelles, échappant à tout diktat ou tabou esthétique, avec lesquelles les lecteurs de ConcertoNet ont pu se familiariser au fil de ses comptes rendus de concert et, surtout, de sa chronique plaisamment dénommée à son initiative « Le mois du mélomane professionnel ». Ainsi de la gastronomie, où son exigence fondait devant les plaisirs simples, notamment les fondamentaux de la cuisine française.


Benjamin Duvshani était donc tout cela à la fois, entier, à prendre ou à laisser, dans sa vie comme dans ses écrits. ConcertoNet pleure et honore un rédacteur fidèle, attachant, chaleureux, curieux, inattendu, franc, conteur truculent, énonçant une opinion définitive avec autant de force et de résolution qu’il était capable quelques jours ou quelques semaines plus tard, en l’avouant avec une parfaite honnêteté, de se ranger finalement à l’opinion opposée. Cela n’en donnait que davantage d’importance et de signification à ce qui restait inaltérablement constant dans ses préférences – Bach, Wagner, Mahler et Schönberg mais aussi Le Couronnement de Poppée, Didon et Enée, Don Giovanni, le Concerto pour violon de Beethoven, le Second Sextuor de Brahms ou Carmen – ou ses répugnances – la modernité de certaines mises en scène d’opéra. Et pourtant, Ligeti, Kagel, Feldman, Penderecki, Boesmans, Dusapin ou encore tout récemment Adès, rien ne lui faisait peur dans la musique de notre temps.


Il manquait déjà à ConcertoNet. Il manque désormais à ses amis. En décembre 2022, il concluait par un AMEN en lettres capitales son ultime chronique pour notre site, qu’il avait ainsi commencée : « Le sort en est jeté. Je pars, chers lecteurs, et... ».


Et... ? Lui seul le sait, maintenant. Il y a de bonnes raisons de croire, ainsi qu’il l’écrivait en janvier 2021 dans son si bel hommage à son ami Ivry Gitlis qu’« il est en bonne compagnie là‑haut avec Huberman, Enesco, Heifetz, Paganini et tous les autres qui, ensemble, accompagnent le chant des anges ».


Nos pensées et nos condoléances vont à sa famille.


Simon Corley

 

 

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