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CD et livres: l’actualité d’août
08/15/2021


Au sommaire :

Les chroniques du mois
En bref
Face-à-face
ConcertoNet a également reçu





Les chroniques du mois





Must de ConcertoNet


    L’Ensemble Il Caravaggio


    Eva Zaïcik chante Haendel


    Bons baisers de Rome d’Alexandre Dratwicki




 Sélectionnés par la rédaction


    Bertrand de Billy dirige Flammen


    Győrgy Vashegyi dirige Dardanus


    Justin Taylor interprète Rameau


  Jean-Jacques Kantorow dirige Saint-Saëns


    Friedrich Gulda en récital (1959)


    Friedrich Gulda en studio (1953/1968)


    Georg Kallweit dirige Haendel




 Oui !

Heinz Wallberg dirige Le Chevalier Pásmán
Ecrits de Nicolas Bacri
Œuvres de Kenins
Philippe Herreweghe dirige Bach
«Passion» par Véronique Gens
Le chef Jascha Horenstein
Le chef Hans Swarowsky
Le Trio Pascal interprète Schubert
François Lazarevitch interprète Van Eyck
L’ensemble armonia interprète Mozart et Salieri
L’ensemble Ludus Instrumentalis interprète Goldberg
L’Ame sœur d’Evelyne Bloch-Dano
Les Cahiers Maurice Ravel
Le pianiste Wilhelm Backhaus
Elena Margolina interprète Schubert
Yasuyo Yano interprète Schubert
Cyril Huvé interprète Beethoven




Pourquoi pas ?

Peter Whelan dirige Haendel
Robin Ticciati dirige Strauss
Martha Argerich raconte d’Olivier Bellamy
Alexeï Ogrintchouk dirige Mozart
L’Académie de musique ancienne de Berlin interprète Mozart
Mark Simpson et ses amis interprètent Mozart
Récital de Lucy Crowe et Anna Tilbrook
Le Quatuor (de clarinettes) Anches Hantées




Pas la peine

Vladimir Jurowski dirige Strauss




Hélas!

Michael Schönheit dirige Hertel
Giovanni Bellucci interprète Beethoven





En bref


L’âme sœur de Mahler
L’autre Van Eyck
Schubert en famille
Goldberg, redécouverte d’un inconnu célèbre
Backhaus avant-guerre
Chefs à part: Horenstein et Swarowsky
Martha Argerich raconte
Le «Désir» de Lucy Crowe
Gran Partita, sublime sérénade
Etudes ravéliennes



L’âme sœur de Mahler





Dans L’Ame sœur, Evelyne Bloch-Dano relate l’existence d’une personnalité méconnue de l’entourage de Mahler. Issue d’un milieu viennois cultivé, Natalie Bauer-Lechner (1858-1921) consigna par écrit ses souvenirs de la relation qu’elle a entretenue pendant de nombreuses années avec le compositeur. Mariée très jeune à un scientifique bien plus âgé, dont elle divorça quelques années plus tard, celle qui fut aussi altiste dans un quatuor féminin réputé à l’époque éprouva une vive admiration pour cet homme dont elle fut également éprise. Ce fut un amour long et patient, mais non partagé. Natalie le suivait dans sa carrière et occupait une place importance dans sa vie privée, jusqu’à partager à de nombreuses reprises les vacances de cet homme charismatique, mais difficile à vivre, et de sa sœur, Justine. Cette relation, fugacement charnelle, entre cet homme et cette femme si différents, lui tourmenté et ambitieux, elle stable et en avance sur son temps, prit assez brutalement fin lorsque le compositeur épousa Alma. En entrecroisant l’existence de ces deux êtres, la biographe dépeint finement le contexte social, politique et culturel de l’Europe centrale, tout en s’exprimant parfois à la première personne du singulier. C’est que l’auteur, qui se prend d’affection pour cette femme attachante et libre, marche sur les pas de ses héros, en se rendant dans les lieux où ils séjournèrent, ce qui ravive en elle des souvenirs personnels. Evelyne Bloch-Dano, qui dévoile, dans ces pages, un peu d’elle-même, livre son interprétation de cette étrange relation et s’interroge lorsque les sources manquent, sans extrapoler ou romancer. Le récit demeure sobre, mais toujours vivant, grâce à un style et une découpe fluides. Nous imaginons sans peine qu’un beau documentaire en soit tiré (Stock). SF




L’autre Van Eyck





Evidemment, lorsque l’on cite le nom de Van Eyck, on pense au peintre (1390-1441): La Vierge du chancelier Rolin ou Les époux Arnolfini, c’est lui. Mais ce serait injuste d’oublier Jacob Van Eyck (1590-1657). Aveugle de naissance, le personnage reste célèbre pour avoir développé une ouïe semble-t-il extraordinaire (l’épitaphe figurant sur sa pierre tombale est «Ce que Dieu retira à ses yeux, il le rendit à son oreille»), lui permettant ainsi de devenir carillonneur de la cathédrale d’Utrecht et ayant d’ailleurs été célèbre pour avoir grandement perfectionné les carillons de plusieurs églises avec les fondeurs François et Pieter Hemony dans les années 1640. Egalement flûtiste, il a par ailleurs laissé une œuvre fondamentale pour la flûte à bec, Der Fluyten Lust-Hof (Le Jardin des délices de la flûte), publié en 1646. Ce recueil de mélodies extrêmement diverses (chants populaires d’Espagne, psaumes luthériens, mélodies venues d’Angleterre, airs de cour français, mélodies empruntées à divers compositeurs comme Dowland ou Caccini...) a été enrichi et développé par Van Eyck au fil de variations, retranscriptions, inspirations...: autant d’éléments qui font de ce recueil une somme fondamentale pour la flûte à bec. François Lazarevitch ne pouvait pas ne pas rendre hommage à son lointain et illustre prédécesseur: c’est chose faite avec ce disque qui rassemble vingt-deux pièces souvent brèves (quelques-unes dépassent tout de même les 5 minutes) et qui témoignent à la fois de la diversité mélodique des composants de ce recueil-phare de la littérature pour flûte et des capacités techniques du soliste pour les interpréter au mieux (on ne peut d’ailleurs qu’être impressionné par les recherches qu’il a dû faire, comme il le raconte dans la notice, afin de trouver les ornementations adéquates propres à chaque morceau). L’auditeur passera ainsi du «Boffons» extrêmement virtuose au climat presque extatique du «Een schots Lietjen» avec un plaisir non dissimulé. Jetons également une oreille à ce «Prins Robert Masco», sorte de thème et variations malheureusement fort bref, ou à cette «Pavane Lachryme», pièce assez conséquente où Lazarevitch déploie toute la finesse de son jeu: légères pauses, hésitations dans le son, variations dans les tempi... Et que dire de ce «Stil, stil een reys» (dont le motif mélodique n’est autre que celui de la célèbre «Bourrée d’Avignonez») ou de ce «Engels Nachtegaeltje» où tout est jeu d’échos, la flûte musardant tranquillement au fil d’une pièce remarquable? Usant de divers instruments (de la flûte soprano piccolo à la flûte traversière en sol en passant même par la musette dans «Laura»), Lazarevitch nous offre ainsi un florilège haut en couleurs de ce recueil qui nous permet désormais de nous souvenir que Van Eyck n’est pas seulement le patronyme d’un peintre (Alpha 558)... SGa




Schubert en famille





Après la réussite de son précédent disque consacré à Ravel, le Trio Pascal nous revient avec un enregistrement moins abouti, du fait notamment du remplacement de Svetlin Roussev par Alexandre Pascal. Rien d’indigne bien sûr, tant le jeune violoniste maîtrise son instrument avec sûreté et élégance, en lien avec le parti pris d’une interprétation vivante et nuancée des deux Trios de Schubert. Mais il manque ce petit quelque chose qui fait qu’on écoute son père Denis Pascal au piano, régal d’intelligence dans les phrasés sautillants, mais aussi plus imaginatif par l’alternance d’ombres et de lumières dans les mouvements lents, là où les cordes restent plus en retrait en comparaison. On peut en effet faire le même reproche au violoncelle d’Aurélien Pascal, beaucoup trop discret tout du long. Du bel ouvrage en famille pour un disque qui reste de haut niveau, mais en deçà des grandes versions existantes, notamment celle récemment dévoilée par le Trio Talweg pour le Premier Trio. On regrettera aussi la durée beaucoup trop courte de ce double disque (un peu plus de 80 minutes), alors que des compléments schubertiens existent pour la même formation, notamment l’Allegro du Trio de jeunesse de 1812 ou encore le mouvement lent initial du Premier Trio, dit Notturno (1827), finalement écarté (double album La Música LMU 025). FC




Goldberg, redécouverte d’un inconnu célèbre





Johann Gottlieb Goldberg (1727-1756) est évidemment célèbre pour avoir donné son nom aux variations que le comte Keyserlingk, protecteur de l’intéressé (le second, qui jouait du clavecin de manière paraît-il admirable, ayant été musicien à la cour du premier), avait commandées à Bach. Compositeur pourtant peu connu, étant décédé prématurément (sans doute de la tuberculose), auteur de deux cantates et de plusieurs pièces de musique de chambre, il a notamment écrit cinq sonates en trio (deux solistes et une basse continue) dont voici réunie en un disque l’intégrale. Interprétées par l’ensemble Ludus Instrumentalis sous la houlette de son créateur, le violoniste Evgeny Sviridov, elles témoignent à la fois de la diversité des inspirations de Goldberg et de l’excellence du petit ensemble qui nous les restitue aujourd’hui. Le dialogue entre les deux violons, respectivement tenus par Sviridov et Anna Dmitrieva (sa compagne à la ville), est véritablement fusionnel, qu’il s’agisse d’entamer un dialogue sans excentricité, ni technique ostentatoire (l’Alla breve de la Sonate DürG 13), d’adopter ensuite un ton empli de sérénité (l’Adagio de la Sonate DürG 11) ou de répondre à une basse continue fournie, qui ne contente jamais, loin s’en faut, de jouer les seconds rôles. La technique de Sviridov, que nous avions déjà eu l’occasion de saluer (voir ici et ici), est impeccable et lui permet ainsi de servir un jeu marqué par une très grande liberté interprétative. L’ensemble des musiciens se délectent à l’évidence de ces petites pièces dont les influences italiennes (on pense en plus d’une occasion à Corelli ou Locatelli) sont souvent patentes: écoutez par exemple l’Allegro de la Sonate DürG 11, où l’on est immédiatement pris par cette fugue entre les violons vite rejoints par la basse continue, ou le Largo débutant la Sonate DürG 14. C’est également le cas de l’Allegro de la Sonate DürG 12, où c’est de nouveau Corelli que l’on croit entendre avec ces trilles, ces échanges entre le violon et le clavecin, avant que le mouvement suivant n’impressionne l’auditeur cette fois-ci par ses césures soudaines, ménageant ainsi quelques surprises au sein d’un discours qu’on aurait pu croie si convenu. Parfois, c’est presque Bach qu’on entend: l’Allegro assai de la Sonate DürG 11 n’est ainsi pas sans rappeler le solo de violon accompagnant l’air d’Eole dans la Cantate BWV 205 mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Mentionnons enfin la Sonate DürG 10, qui permet de conclure ce disque par des attaques étonnamment puissantes (le Grave!) et une chaconne qui offre la possibilité à chaque instrumentiste de faire preuve d’une suprême élégance. On soulignera enfin l’excellente et très instructive notice d’accompagnement rédigée par Evgeny Sviridov et Davit Melkonyan, violoncelliste de l’ensemble Ludus Instrumentalis, qui couronne un disque dont les qualités sont évidentes (Ricercar RIC 426). SGa




Backhaus avant-guerre





Après les rééditions beethovéniennes d’avant-guerre (voir ici), ces enregistrements HMV de Wilhelm Backhaus le montrent dans un répertoire romantique qu’il aborda beaucoup moins après la guerre pour se concentrer sur Bach, Beethoven et Brahms. Les Etudes Opus 10 et Opus 25 de Chopin furent gravées en deux prises en janvier 1928, historiquement la première intégrale de ces deux cahiers. Avec une virtuosité impeccable, Backhaus en donne une vision très poétique: beaucoup de rigueur dans la forme et le style mais élégance, légèreté et jamais d’austérité ni de mièvrerie. Une Berceuse de rêve, une grave Fantaisie-Impromptu, deux Valses et le premier des Préludes opus 28 complètent cet ensemble Chopin plutôt rare dans la discographie de Backhaus. Et pour qui ne serait pas convaincu de son incroyable virtuosité, suit un florilège d’encores, transcriptions le plus souvent, à couper le souffle. De ces transcriptions, la plus surprenante et ravissante est de son cru: la Sérénade de Don Giovanni, qui scintille, pétille sous les doigts du maître, tout comme celle de la Marche militaire en mi bémol majeur de Schubert (D. 733 n° 3). Liszt aussi avec la Sixième de ses Soirées de Vienne d’après Schubert, un Rêve d’amour n° 3 ardent et ensorceleur et surtout une Deuxième Rhapsodie hongroise qui chante comme jamais. Chics aussi les pièces de Moszkowski (Caprice espagnol), Mendelssohn (Scherzo du Songe d’une nuit d’été) et une Polka de Smetana. Mais le meilleur de ce double album se trouve dans Schumann, avec deux des Fantasiestücke opus 12 et le dernier des quatre Nocturnes de l’Opus 23 mais surtout la Fantaisie en ut majeur, à laquelle il donne une unité et une intensité exceptionnelles (album de deux disques APR 6026). OB




Chefs à part: Horenstein et Swarowsky


          


Profil consacre deux considérables anthologies à des personnalités à part de la direction d’orchestre au siècle dernier. A part, mais non sans points communs, au-delà même de leur naissance séparée de seulement seize mois: des carrières assez atypiques, toutes deux centrées autour de Berlin et Vienne, durant lesquelles, notamment après la Seconde Guerre mondiale, ils n’exerceront que peu de fonctions permanentes auprès d’un orchestre; un répertoire très large et très ouvert sur le XXe siècle, au sein duquel la place accordée à Mahler est pionnière (on trouvera ainsi dans chacune de ces coffrets la Troisième Symphonie, alors très rare, donnée en public à quelques mois d’intervalle au début des années 1960); une même façon de scruter les partitions et de remettre en cause les (mauvaises) traditions; un art assez peu documenté par le disque, en tout cas bien en deçà de ce que mériterait leur talent, de même qu’ils n’ont pas eu droit de cité dans la bible de Christian Merlin Les Grands Chefs d’orchestre.
Né à Kiev, Jascha Horenstein (1898-1973) prit ensuite les nationalités autrichienne puis américaine, mais les temps importants de sa carrière furent européens: Berlin, Paris, Baden-Baden, Vienne, Londres. Hormis des Kindertotenlieder de 1928 avec le baryton allemand Heinrich Rehkemper, les enregistrements, réalisés pour la plupart en studio, datent de 1953 à 1962. A la recherche d’expression et de sens davantage que de sonorités léchées, les interprétations sont fortement incarnées, comme dans une Symphonie «Mathis le peintre» de Hindemith particulièrement enflammée (en public à Paris) ou bien dans des Janácek (Tarass Boulba, Sinfonietta) aux tempi un peu plus lents qu’à l’ordinaire, évoquant, plus près de nous, le style d’un Rojdestvenski. Le panorama est vaste, de Beethoven (une Héroïque étonnamment martelée) à Stravinski (L’Oiseau de feu) en passant par Liszt (Faust-Symphonie), Wagner (Ouverture «Faust», extraits de Lohengrin et Tristan), Bruckner (Huitième Symphonie), Mahler (Première, Troisième), Strauss (Don Juan, Mort et transfiguration), Schönberg (Nuit transfigurée, la curieuse adaptation orchestrale de la Première Symphonie de chambre). Horenstein accompagne en outre des solistes de premier ordre (Perlemuter dans les deux concertos de Ravel, Arrau dans le Premier de Brahms, Gitlis dans le Second de Bartók, Oïstrakh dans la Fantaisie écossaise de Bruch). Un bémol toutefois: ces témoignages sont souvent de qualité technique moyenne et les orchestres apparaissent parfois à la peine (coffret de dix disques PH19014).
Personnalité non moins atypique, Hans Swarowsky (1899-1975) était féru d’art, de littérature et de psychanalyse et a davantage orienté sa carrière vers l’opéra dans les années 1920 et 1930 – il fut aussi assistant de Toscanini à la Scala. Mais il reste aujourd’hui surtout connu grâce à son activité d’enseignement à partir de 1949 à la Hochschule de Vienne où il a formé, entre autres, Abbado, Demus, les frères Fischer, Gelmetti, Guschlbauer, Jansons, Kitajenko, Leonhardt, López Cobos, Mehta, Sinopoli, Soltesz et Weil. Réalisés entre 1950 et 1963, les enregistrements illustrent l’un des premiers défenseurs de la Seconde Ecole de Vienne, en l’occurrence Schönberg avec la première gravure de Kol Nidre et Un survivant de Varsovie ainsi que les rares Lieder opus 8 (avec Georg Jelden). Tout le répertoire «viennois» convient idéalement à Swarowsky, qui lui confère une évidence, une souplesse et un naturel étonnants, depuis trois symphonies de Haydn (Soixante-dixième, Quatre-vingt-treizième et Centième «Militaire») jusqu’à Mahler (Troisième) en passant par Mozart (Une petite musique de nuit), Beethoven (Héroïque, Grande Fugue, Ouverture des Créatures de Prométhée), Schubert (Inachevée et Neuvième), Brahms (cinq Danses hongroises) et, dans un «bonus CD», Johann Strauss. Les Wagner (six ouvertures de Rienzi à Parsifal) et Strauss (Till l’Espiègle, des extraits d’opéras et du ballet La Légende de Joseph) sont également très recommandables. Même si l’on retrouve Gitlis (cette fois-ci dans le Second de Mendelssohn) et si l’on excepte un Gulda déjà fort créatif dans deux concertos de Mozart (Vingt-et-unième et Vingt-septième), les solistes ne sont pas toujours de ce niveau (Mrazek dans le Second de Brahms, Frugoni et Mrazek dans le Double Concerto en mi de Mendelssohn) et la technique reste assez moyenne (coffret de onze disques PH18061). SC




Martha Argerich raconte





A l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de Martha Argerich, Buchet - Chastel publie un complément à la biographie d’Olivier Bellamy (2010). Dans Martha Argerich raconte, l’auteur regroupe quatre entretiens qui eurent lieu en 2004, 2008, 2011 et 2019, dans un Thalys, une maison au bord d’un lac, en Suisse, à deux heures du matin, et chez elle, à Bruxelles, où il a dû dormir à plusieurs reprises dans un lit d’enfant, et à Paris, dans une maison apparemment désordonnée. Bellamy n’a pas ménagé sa peine, durant toutes ces années, pour suivre et approcher la pianiste, comme il le raconte dans un style, selon nous, quelque peu irritant. La teneur des propos échangés témoigne de l’habilité du journaliste à poser les bonnes questions au bon moment et à subtilement susciter chez cette personnalité réputée pour n’accorder que peu d’entretiens une tonne de souvenirs et d’anecdotes. Et il faut reconnaître qu’Argerich a depuis longtemps le talent de forger sa légende de son vivant, ce que ces pages laissent suggérer. La seconde partie contient des miscellanées prolongeant les propos tenus dans la première: tantôt profonds, tantôt superficiels, probablement sincères, toujours plaisants. Le plus intéressant demeure ceux exprimés sur ses professeurs, ses amis et partenaires de longue date, comme Nelson Freire, et les grands musiciens qu’elle a rencontrés, mais elle évoque aussi divers aspects de sa vie comme ses filles, sa maladie, ses débuts de carrière, les hommes de sa vie, aussi, évidemment. Son existence nous paraît ainsi étrangement familière, malgré l’aura qui émane d’elle. Il n’y a rien d’ironique ou corrosif, toutefois, à travers ces pages, contrairement à Philippe Entremont, qui aime tirer à boulets rouges. La bienveillance règne, donc. De toute façon, quand Martha Argerich se raconte, ses fans sont toutes oreilles dressées. Ils dévoreront certainement ce livre, mais assez rapidement, à cause d’un texte fort aéré (272 pages, 21 euros). SF




Le «Désir» de Lucy Crowe





Le soprano Lucy Crowe (née en 1978) jouit outre-Manche d’une très bonne réputation sur les scènes lyriques. Elle a aussi une importante activité au concert en oratorio comme avec sa partenaire de toujours la pianiste Anna Tilbrook (née en 1973). Après les mélodies de Debussy elle explore le répertoire allemand postromantique. Ce long récital réunit sous le titre de «Longing» («Désir») trois représentants de la musique germanique du tournant du XXe siècle: Berg, Richard Strauss et Schoenberg. Même avec une diction allemande assez satisfaisante (les consones manquent souvent de mordant), Lucy Crowe n’a vraiment pas les atouts vocaux pour être une interprète idéale de Strauss. La voix manque d’étoffe, particulièrement dans les Quatre derniers lieder, même dans la version avec piano, de souffle même pour mener ces longues phrases, et l’aigu n’a jamais cette brillance si spécifique aux compositions de Strauss. De même l’accompagnement au piano manque de chaleur et de couleurs pour suppléer au manque d’orchestre dans les derniers lieder comme dans ceux extraits des Lieder de l’Opus 10. Beaucoup plus à l’aise avec les compositeurs de la Seconde Ecole viennoise, elle donne des Sept Lieder de jeunesse de Berg une interprétation d’une grande finesse, son timbre étant beaucoup plus approprié à ce style poétique et à son phrasé. De même, les deux artistes sont très à l’aise dans le style postwagnérien des quatre Lieder de l’Opus 2 de Schoenberg (Linn Records CKD 656). OB




Gran Partita, sublime sérénade


          
          


La Dixième Sérénade (1782) de Mozart est à tous égards exceptionnelle: un effectif imposant et hors norme (deux hautbois, deux clarinettes, deux cors de basset, deux bassons, quatre cors et contrebasse), offrant de riches et originales combinaisons de timbres, une durée considérable (sept mouvements de plus de trois quarts d’heure), une tendance inhabituelle pour le genre à fréquenter les tonalités mineures et une miraculeuse qualité d’inspiration – le compositeur a définitivement tourné la page de l’amabilité de façade à laquelle il était contraint à Salzbourg («De ce prodigieux ensemble, Mozart joue sans nulle concession à la galanterie concertante», comme le relèvent Jean et Brigitte Massin). D’où sans doute ce titre, ajouté à titre posthume par une main inconnue, de «Gran Partita». Pas moins de quatre nouvelles versions viennent d’être publiées.
Fondé en 2000, l’ensemble armonia réunit des membres de l’Orchestre du Gewandhaus, renforcés par des collègues de la Radio de l’Allemagne centrale (MDR). Pourquoi cet enregistrement, réalisé en avril 2016, n’est-il publié que cinq ans plus tard? Cela dit, mieux vaut tard que jamais, car la réalisation est splendide, tant individuellement que collectivement, conjuguant rondeur et mordant. Dans les Amadeus de Shaffer et Forman, Salieri exprime son admiration pour l’Adagio de la Gran Partita: bonne idée, dès lors, que de compléter l’album avec trois de ses œuvres, tour à tour spirituelles et lyriques, enregistrées en 2017... et en 2004. En écho à la multiplication des arrangements d’extraits d’opéras, vu la forte demande de musique pour ces ensembles et le petit nombre de partitions originales qui leur était destiné, Timo Jouko Herrmann (né en 1978), compositeur et spécialiste de Salieri, qui signe par ailleurs la notice, a arrangé l’Ouverture de La Grotte de Trofonio (1785) pour la même formation (avec contrebasson à la place de la contrebasse). S’y ajoutent une remarquable Picciola serenata en si bémol (1778) pour deux hautbois, deux cors et basson et une quasi mozartienne Harmonie pour un temple de la nuit (après 1795) pour neuf vents, évidemment maçonnique et donc forcément en mi bémol (Genuin GEN 21740).
Autre prestigieuse formation européenne, l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam, dont certains des membres se sont associés pour l’occasion sous la houlette de celui qui en est le premier hautbois solo depuis 2005, Alexeï Ogrintchouk. Par rapport à leurs collègues saxons, ils jouent moins sur la dimension symphonique et sur la somptuosité des sonorités, dans un esprit plus léger, voire ludique, sans pourtant parvenir à donner autant d’élan. Les (huit) Variations sur «Là ci darem la mano» (vers 1795) pour deux hautbois et cor anglais de Beethoven constituent un complément tout à fait original (SACD Bis BIS-2463).
On attendait sans doute davantage des solistes de l’excellente Académie de musique ancienne de Berlin: truculence relative des timbres et élans maîtrisés contribuent à une interprétation un peu trop sage et routinière. Cependant, dans la sérénade suivante, la Onzième (en mi bémol), pour octuor de vents (sextuor sans hautbois à l’origine), exactement contemporaine et qui le cède à peine en sublimation du genre, les musiciens paraissent nettement plus libres et inspirés (Harmonia mundi HMM 902627).
Autour du clarinettiste Mark Simpson (né en 1988) se sont réunis des musiciens appartenant pour trois d’entre eux au Britten Sinfonia et, pour la plupart des autres, aux meilleures formations anglaises (Symphonique de Londres, Opéra national anglais, Philharmonique royal de Liverpool, Philharmonique de la BBC, Orchestre national gallois de la BBC...). Animée par un vrai plaisir de faire de la musique entre amis, leur version rayonne d’une tranquillité sereine qui évoque déjà quelque Hausmusik à la façon de l’Octuor de Schubert. Simpson est également compositeur et l’album s’ouvre avec Geysir (2014), pièce de 8 minutes écrite pour le même effectif instrumental et trouvant son inspiration dans une figure bouillonnante des clarinettes dans le sixième mouvement de l’œuvre de Mozart pour une évocation du phénomène naturel beaucoup moins cataclysmique que celle de l’Islandais Jón Leifs dans sa partition pour orchestre du même nom (Orchid Classics ORC100150). SC




Etudes ravéliennes





Source de recherches et d’informations sur la vie et l’œuvre du musicien français, de parution annuelle, dont les éditions L’Harmattan assurent la publication depuis un an (voir ici), les Cahiers Maurice Ravel ont été créés en 1985 par la Fondation Maurice Ravel. La revue propose dans chaque cahier une mise à jour de la bibliographie, de l’édition de partitions et de la discographie ainsi qu’une chronique des ventes publiques et privées et publie quelques articles de fond, six pour ce vingt-deuxième numéro, rédigés par des musicologues et des interprètes sur l’œuvre de Ravel et sur le contexte historique de la création de ses œuvres. Ce numéro s’ouvre par un «In memoriam Marie-Huguette Hadrot» (par Annick de Beistegui et Geoffroy de Longuemar), qui a présidé la Fondation Maurice Ravel de 2007 à 2014. L’article le plus technique de cette édition est consacré aux Jeux d’eau, seconde partie d’une vaste analyse dont la première a été publiée dans le numéro 20 en 2018, rédigée par Arbie Orenstein professeur de musique à la Aaron Copland School of Music, Queens College à Flushing (New York), pianiste et auteur de deux ouvrages sur la vie et la musique de Ravel. Il s’agit, photos de manuscrits à l’appui, d’une comparaison exhaustive des différentes versions manuscrites et éditées de cette pièce composée en 1901, dédiée à son maître Gabriel Fauré et créée le 5 avril 1902 par Ricardo Vines, qui sera certainement d’une grande utilité aux pianistes désirant approfondir les circonstances de sa composition. Le rédacteur en chef de la revue revient dans son éditorial sur les conditions de cession du Belvédère, maison du compositeur à Montfort-l’Amaury, à la Réunion des musées nationaux. Un article de Frédéric Ducros-Malmazet, docteur en musicologie (Paris IV, Sorbonne), examine les rapports que Ravel entretenait avec la musique de Chopin. Passionnante aussi l’étude du compositeur Jean-François Monnard, bilan d’un sondage réalisé auprès de dix compositeurs et/ou pédagogues (parmi lesquels Escaich, Penderecki et Dutilleux), sur l’impact qu’a eu Ravel sur leur formation musicale et dans quelle mesure sa musique a influencé le développement de leur propre style. Enfin, grâce à Charlles Trimbrell, spécialiste de la musique française aux États-Unis, professeur à l’Université Howard à Washington, D.C., on découvre quels ont été les premiers pianistes à jouer les œuvres pour piano de Ravel sur le sol américain entre 1905 et 1920 (203 pages, 22 euros). OB






Face-à-face



Schubert: Sonate pour piano D. 845


          
A huit ans d’intervalle naissent trois sonates en la mineur. La troisième (mai 1825), publiée dès le début de l’année suivante comme «Première Grande Sonate pour le pianoforte de François Schubert» (sic) et dédiée à l’archiduc Rodolphe, porte manifestement de grandes ambitions. De fait, aucune n’avait atteint jusqu’alors de telles proportions: la D. 840, antérieure d’un mois seulement, aurait sans doute pu le faire, mais elle demeura inachevée. Le compositeur éprouva «le plus grand plaisir», lorsqu’il interpréta lui-même le deuxième mouvement (à variations), à relever que «plusieurs personnes m’ont assuré que, sous mes mains, les touches devenaient des voix chantantes».
Née à Tokyo, Yasuyo Yano a étudié à Rome et enseigne à Lucerne depuis 1996; pour son premier disque en solo, son éditeur est espagnol et elle joue sur un pianoforte de Christopher Clarke (2011), facteur britannique installé en Bourgogne. Elle use remarquablement de la palette de couleurs que lui offre l’instrument (d’après Graf) avec ses six pédales (incluant des effets percussifs «à la turque»): voilà donc un Schubert contrasté, entre emportements expressifs et sensibilité à fleur de peau. Ce «volume 1» qui en laisse donc espérer d’autres comprend par ailleurs la non moins grande Sonate D. 894 «Fantaisie» (1826), qui bénéficie de la même variété de nuances (Ibs Classical IBS 102020).
D’origine russe, Elena Margolina (née en 1964) a commencé ses études à Saint-Pétersbourg pour les achever à Detmold, où elle enseigne désormais. Depuis son premier prix au concours Schubert de Dortmund en 1995, elle a consacré au compositeur une partie significative de sa discographie. De fait, ses affinités avec cet univers sont manifestes, le moins remarquable n’étant pas la parfaite maîtrise du temps schubertien, toujours si difficile à appréhender. Sur un Bösendorfer, elle fait preuve d’une solide assurance et propose quelque chose de plus habituel que la Japonaise, mais aussi plus austère, autoritaire et intimidant, plus beethovénien en somme, au détriment de la spontanéité et du naturel. Le reste de l’album est également en la, mineur encore avec la D. 784 (1823) mais aussi majeur avec la délicate D. 664 (1819), où le niveau d’exigence de l’interprète demeure inchangé (SACD Ars Produktion 38312). SC




Beethoven: Sonates pour piano de 1799-1806


          
De la Pathétique à l’Appassionata, ce ne sont pas moins de quatorze sonates – il faut en effet exclure les Dix-neuvième et Vingtième, antérieures et de portée très modeste – composées en sept ans, et pas des moindres, marquant une évolution assez nette après les sept premières et précédant un ralentissement significatif de la production, qui conduira vers une étape ultime et singulièrement nouvelle, celle des cinq dernières.
Giovanni Bellucci (né en 1965) fait de cette série le deuxième volume de son intégrale. L’auditeur va hélas de déconvenue en déception face à ce «grand» piano brutal, bruyant, tour à tour emphatique et poseur, excité et manquant de se pâmer à chaque mesure, quand le phrasé, surchargé, ne désarticule pas totalement le discours. Tout est surjoué, ce qui finit par rendre l’écoute vraiment pénible (album de trois disques Brilliant Classics 95131).
Tout le contraire de Cyril Huvé (né en 1954), qui restreint son parcours aux cinq plus célèbres sonates, auxquelles le compositeur ou, le plus souvent, les éditeurs, ont accolé un sous-titre, et change d’instrument de l’une à l’autre: un délicat Mathias Müller (vers 1810) pour la Pathétique et la Clair de lune, un Schanz plus puissant (vers 1818) pour La Tempête, un splendide Graf (vers 1827) pour la Waldstein et l’Appassionata. Le choix de l’interprète est, sans surprise, tout à fait avisé d’autant qu’il en joue avec intelligence et subtilité – ainsi de l’approche renouvelée du (trop?) célèbre Adagio sostenuto ouvrant la Clair de lune, qui sonne ici idéalement, le tempo, point trop alangui, en adéquation avec un clavier infiniment nuancé. Plutôt que de s’abandonner à un romantisme échevelé qui serait prétexte à de douteuses incartades, l’expression est parfaitement maîtrisée et placée à chaque instant sous le signe du chant. Une très belle leçon de musique (album de deux disques Calliope CAL2084). LPL


Chopin: Troisième Sonate


          
Sa prédilection pour les «petites formes» n’a pas dissuadé le compositeur de se mesurer au genre de la sonate: après une Première d’une maladroite jeunesse, la Deuxième, avec sa Marche funèbre, l’emporte en célébrité sur la Troisième (1846), pourtant l’une de ses ultimes œuvres, dont Bernard Gavoty estimait qu’elle obéissait, plus que la précédente, «à l’esthétique beethovénienne», témoignant sans doute d’une forme plus aboutie et maîtrisée, sans pour autant brider l’expression de son sublime Largo.
Deuxième prix du concours Chopin de Varsovie en 1990, Lukas Geniusas (né en 1990) accorde à l’œuvre une sonorité d’une subtilité somptueuse, toujours en souplesse, avec un lyrisme délicat. C’est dire si le Scherzo, d’une agilité mendelssohnienne, et le splendide Largo sont réussis. Ce disque assez court s’ouvre sur onze mazurkas tirées de sept recueils, élégantes, d’humeur légère, un rien détachées (Mirare MIR508).
En 2009, Véronique Bonnecaze avait déjà enregistré l’œuvre pour Polymnie, complétée par un florilège chopinien. Dix ans plus tard, c’est dans le cadre d’une intégrale des Sonates qu’elle y revient, avec les mêmes atouts – une intégrité artistique jamais prise en défaut, une retenue dans l’expression, une approche très réfléchie – et les mêmes revers de cette médaille – des tempi tendanciellement lents, une interprétation limitant trop la prise de risque (Paraty 121365). SC


ConcertoNet a également reçu




Merseburger Hofmusik: Hertel
En poste à Schwerin auprès de la cour de Mecklembourg de 1754 à sa mort, le compositeur saxon (1727-1789), comme tant d’autres en son temps, semble n’avoir rien à nous dire alors qu’il a beaucoup, beaucoup, beaucoup écrit (même si une partie significative en a été perdue ou retrouvée tardivement). Fondateur du petit ensemble instrumental baroque de Mersebourg et soliste d’un concerto pour orgue parfaitement inutile, Michael Schönheit (né en 1961), avec un nom pareil («beauté» en allemand), nous doit pourtant des musiques plus substantielles, ce que ne sont pas non plus deux sinfonias en trois mouvements, bien convenues. Le violoncelle poussif et parfois approximatif de Bettina Messerschmidt ne parvient pas à faire décoller – c’est aussi un comble avec un tel nom – deux concertos: mission impossible, il est vrai, car ils ne remettent évidemment pas en cause la suprématie de ceux de Haydn et C. P. E. Bach à la même époque (CPO 555 203-2). LPL


Le Quatuor Anches hantées
Le répertoire des clarinettistes français est par la force des choses essentiellement constitué de transcriptions. Après Ophélie Gaillard dans «Cellopera», ils emmènent l’auditeur vers l’univers lyrique en publiant sous leur propre étiquette «Opéra sans diva». Dans des arrangements de Bertrand Hainaut, Yann Stoffel, Alexis Morel, Laurent Arandel et Olivier Kaspar, c’est un panorama plus original (Snegourotchka, Don César de Bazan, La Gioconda, La Reine de Saba, Sœur Angélique, Moscou, quartier des Cerises) qu’attendu (La Chauve-souris, Rusalka, Paillasse, La Traviata, Samson et Dalila) du genre au tournant du XXe siècle. Ces pages pour la plupart à l’origine purement instrumentales conviennent beaucoup mieux à cette formation hors norme que les quatuors de Mozart et Beethoven qu’elle avait précédemment enregistrés. SC


La rédaction de ConcertoNet

 

 

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