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Réveil de Gaston Serpette à Toulon
11/04/2019



Gaston Serpette (photo par Nadar)


L’Opéra de Toulon présente les 15 et 16 novembre 2019 deux opérettes. Si tout le monde connaît Pomme d’Api d’Offenbach, peu nombreux sont ceux qui ont entendu parler de Gaston Serpette, compositeur et chef d’orchestre français, né à Nantes en 1846 et mort à Paris en 1904. Les compositions postérieures au prix de Rome qu’il obtient pour sa cantate Jeanne d’Arc (1871) appartiennent exclusivement au genre léger, en tout une trentaine d’opérettes et d’opéras-bouffes. Serpette a connu de son vivant un succès non négligeable, principalement aux Bouffes parisiens et au Théâtre des Variétés, côtoyant des Hervé, Planquette, ou autre Audran. Mais voilà, la postérité en décide autrement et l’œuvre du Nantais sombre dans l’oubli peu après sa mort. C’est dire si cette initiative de l’Opéra de Toulon et de la Région Sud présente un grand intérêt: celui de donner un aperçu, fût-il court, de l’œuvre de Serpette, en exhumant de notre patrimoine musical cette partition, mais également de saluer une démarche culturelle et pédagogique transversale. ConcertoNet a rencontré Laurent Melin, professeur au Conservatoire de Toulon, l’une des chevilles ouvrières de cette résurrection.


Bonjour Laurent Melin. Vous êtes professeur au Conservatoire de Toulon (CTPM). Vous y enseignez quelle discipline?
J’ai de multiples casquettes au Conservatoire, après 14 ans passés dans la maison maintenant! J’ai commencé par enseigner l’analyse musicale, puis l’orchestration, peu de temps après se sont ajoutées la composition et l’improvisation générative et enfin, depuis l’année dernière, et à la demande du nouveau directeur Jean-Louis Maes, la direction d’orchestre.


Aujourd’hui, je voudrais vous interroger sur votre collaboration récente avec l’Opéra de Toulon et votre travail sur Le Singe d’une nuit d’été, opérette en un acte de Gaston Serpette qui sera donnée à l’Opéra le 16 novembre. Un mot sur ce compositeur d’abord qui resurgit après plus d’un siècle d’oubli. Vous pouvez nous en dire un mot?
Gaston Serpette est un contemporain d’Offenbach qui n’a composé que des opérettes et des opéras-bouffes. Une trentaine, je crois. Et effectivement, on n’a plus entendu parler de lui, ni de son œuvre, depuis la fin du XIXe. Je pense qu’il est injustement oublié.


Vous pensez qu’on est passé à côté d’un grand talent?
Je ne crois pas qu’on puisse dire que ses contemporains sont passés à côté de lui, il a vraiment fait carrière de son vivant, sollicité aussi à l’étranger et particulièrement à Londres où il reçut de nombreux éloges; c’est plutôt depuis le XXe que son éclipse a eu lieu, mais Offenbach lui-même avait vu son champ de diffusion se réduire aux quelques deux ou trois grands chefs-d’œuvre toujours rebattus. Heureusement, un mouvement musicologique d’approfondissement a travaillé à une redécouverte plus large du maître, il reste aussi à s’intéresser aux autres cas et je pense sincèrement que Serpette en fait partie.


Parlons de ce projet de la Région Sud et de votre collaboration avec l’Opéra de Toulon pour la résurrection du Singe d’une nuit d’été.
C’est un projet transversal très intéressant et une collaboration bien comprise. Dans des temps de crise, la mutualisation des moyens et autres vocables parfois moins agréables, je trouve ça extrêmement positif de voir comment de grandes institutions locales sont parvenues à unir leurs forces autour d’un projet commun et je veux saluer l’actuelle direction du Conservatoire et celle de l’Opéra de Toulon pour nous avoir donné progressivement les moyens de ce genre de collaboration qui n’a pas forcément existé par le passé. Pour poursuivre dans cette démarche de transversalité, rappelons que deux représentations sur les trois programmées, sont réservées à un jeune public.


A propos de la musique, il n’existait que la partition piano et chant et vous avez demandé à vos étudiants d’écrire l’orchestration. Comment ont-ils réagi?
Ils ont été tout à fait enthousiastes et ravis de collaborer une nouvelle fois avec l’Opéra de Toulon, à leur demande! En effet, la Direction artistique nous a fourni le chant-piano survivant de cette opérette, charge aux élèves et moi d’en refaire une version d’orchestre, car celle-ci a existé, a même été éditée du vivant de Serpette, mais serait apparemment perdue et nous avons été chargés de ce travail semi-archéologique de reconstruction.


Parlez-nous de vos impressions sur cette partition.
Nous le disions, Serpette est malheureusement un compositeur bien oublié aujourd’hui et particulièrement des éditeurs qui ne font rien pour la défense du patrimoine musical français, ou si peu. Nous avons donc dû travailler sans filet, en nous appuyant sur les pratiques du XIXe en matière d’orchestration et sur des partitions de ce genre particulier qu’est l’opérette. La partition proposait d’ailleurs plusieurs pistes que nous avons exploitées au mieux, en référence à quelques archétypes du XIXe en la matière.


Cette musique a des qualités?
Incontestablement. Nous avons trouvé lors du travail une musique intéressante, pas seulement dans un premier degré un peu gras qu’aurait pu laisser suggérer le titre, avec des allusions à d’autres répertoires, quand ça n’est pas d’autres œuvres, comme, étonnamment, dans l’ouverture où se niche une allusion totalement imprévisible à Mendelssohn, mais chut!... C’est une musique bien écrite, relativement simple (certes, il ne s’agit ici qu’une d’une courte opérette en un acte, comme le genre en était fréquent au XIXe, et qui ne demandait pas des moyens complexes ou sophistiqués), mais à l’occasion, Serpette montre qu’il avait aussi du souffle dramatique et une conduite de scène dépassant le petit numéro court et comique du genre, notamment dans le N°5, avant-dernier numéro, dans un duo qui est à l’évidence le point culminant de l’œuvre et d’une richesse qui dépasse le genre, pour le coup.


Et son sens du comique?
Si le comique au premier degré présent ici est une des ressources du genre que les plus grands (Offenbach, Chabrier ou Strauss, pour ne citer qu’eux) n’ont pas dédaigné quand il se présentait, il y a d’autres niveaux de lecture dans cette partition qui la rendait agréable et intéressante à travailler.


Merci, Laurent Melin. On donne rendez-vous à ce Singe d’une nuit d’été, donné avec Pomme d’Api d’Offenbach, à l’Opéra de Toulon les 15, 16 novembre 2019, puis les 17 mars à l’Opéra d’Avignon, et 15, 16 mai 2020 à l’Opéra de Nice.


Le site de Laurent Melin
Le site du Conservatoire de Toulon Provence Méditerranée
Le site de l’Opéra de Toulon


[Propos recueillis par Christian Dalzon]

 

 

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