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Le mois du mélomane professionnel
04/01/2015




Après tout ce que j’ai dit de l’opéra le mois dernier, quelle attitude avoir? Ne plus y aller ? Impossible. Je suis, bien que mélomane, aussi professionnel. J’ai fait ce qu’on dit qu’il faut faire après une chute de cheval: remonter tout de suite.


Deux tentatives, l’une ratée et l’autre très réussie. La création de Solaris de Dai Fujikura m’a laissé complètement indifférent. J’ai dû regarder la montre plusieurs fois, étant assis au milieu d’un rang et ne pouvant pas partir sans déranger trop de monde. C’est à Gand, en Belgique, que j’ai dû apporter un bémol à tout ce que j’avais dit. Aviel Cahn, directeur artistique de l’Opéra de Flandre, nous a surpris avec une très belle soirée autour d’Akhenaton de Philip Glass. En presque trois heures, pas un regard sur ma montre. Une vraie réussite. Toute la difficulté est là. Il est si facile d’être un extrémiste, savoir exactement ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. La difficulté d’être au centre. Je commence à comprendre pourquoi Jacob, dont le nom a été changé en Israël, continuait à se faire appeler quand même Jacob aussi. On est obligé de continuer à être deux à la fois. C’est peut-être pour cette raison que la Bible commence par la lettre B et pas par le A, trop affirmatif.


De l’opéra à la danse. Deux après-midi superbes à la Philharmonie. D’abord à la Philharmonie 2 avec Music for 18 Musicians de Steve Reich. Excellente idée que de faire danser une troupe de danseurs professionnels, une centaine de danseurs amateurs et tout le public sur ce chef-d’œuvre de la musique «répétitive». Une heure de bonheur partagé par tout le monde dans une vraie transe dansante. Le lendemain, à la Philharmonie 1, la chorégraphie de Jean-Claude Gallotta et l’Orchestre philharmonique de Bruxelles sous la direction de Michel Tabachnik: Jonchaies de Xenakis, l’Opus 6 de Webern (pour une danseuse soliste, Ximena Figueroa, en hommage à Angela Davis) et Le Sacre, belle réussite sans décor et avec l’orchestre sur la scène.


De la danse à la musique pure. Grande déception d’une soirée «Prades aux Champs-Elysées»: difficile de faire de la bonne musique de chambre avec des musiciens qui ne jouent pas souvent ensemble, difficile de réussir une exécution des Chants d’un compagnon errant avec l’accompagnement d’un ensemble qui ne s’y prête pas; même le sublime Quintette avec piano de Brahms ne fut pas à la hauteur. Et tout cela pâlissait devant la soirée conçue par Georges Zeisel avec les solistes de la Philharmonie de Vienne et une soprano inconnue de moi, Juliane Banse, qui nous a offert les Wesendonck-Lieder et les Fleurs de mai de Zemlinsky dans une interprétation parfaite de beauté et de justesse musicale. Et que dire de La Nuit transfigurée qui a clos la soirée. Bouleversant, transfigurant, comme l’indique son titre. J’ai toujours su qu’il y avait eu dans ma vie le «plus beau concert symphonique»: c’était en février 1981, en ce même Théâtre des Champs-Elysées, Seiji Ozawa et l’Orchestre national dans les Gurre-Lieder. Maintenant j’ai aussi mon «plus beau concert de musique de chambre».


Bon mois d’avril avec ses festivals de printemps et au mois prochain avec son muguet!


Benjamin Duvshani

 

 

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