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CD, DVD et livres: l’actualité de novembre
11/15/2014



Les chroniques du mois



Must de ConcertoNet


   Le Prince Igor au Met




 Sélectionné par la rédaction


   Giulio Prandi dirige Perez




 Oui !

Eric Le Sage interprète Beethoven
Alexei Lubimov interprète Beethoven
Herbert von Karajan dirige Beethoven
Daniel Barenboim dirige l’Europakonzert 2014
Laurence Equilbey dirige Mozart
Gawain de Birtwistle
«Transeamus» par l’Ensemble Hilliard
Hans Knappertsbusch dirige La Walkyrie (1958)
Anthologie symphonique Karajan



Pourquoi pas?

Alessio Bax interprète Beethoven
Daniel Barenboim dirige l’Europakonzert 1997
Bertrand de Billy dirige Lohengrin
John Butt dirige Mozart
Le Duo (de pianos) Berlinskaia-Ancelle interprète Prokofiev
Idil Biret interprète Brahms
Michel Decoust orchestre Satie
Lorin Maazel à Cleveland (1973-1979)
Le Duo (violon et piano) Gazzana
Les Mots de la Monnaie
Musique de chambre d’Emile Goué
Guillaume Tell de Grétry à Liège (2013)



Pas la peine

Fazil Say interprète Beethoven
Bernard Haitink dirige l’Europakonzert 1999



Hélas !

Le pianiste Alexander Maria Wagner
Le pianiste Christoph Preiss
Jirí Stárek dirige Mahler
Daniel Barenboim dirige Strauss






L’entretien du mois




Philippe Cassard





Le match du mois


           

Requiem de Mozart: L. Equilbey vs. J. Butt





En bref


Anthologie Karajan: des Karajan d’anthologie
Tout Maazel à Cleveland
Goué en Amérique
La Walkyrie de «Kna» sur la «Colline sacrée» (1958)
L’Ensemble Hilliard tire sa révérence
La Monnaie en quelques mots
Gawain, le puissant opéra de Birtwistle
Le Duo Gazzana de retour au disque
Le Brahms symphonique d’Idil Biret
Un disque un peu flasque
Les (très) jeunes pianistes de TYXart
Guillaume Tell de Grétry : après le son, l’image
Mahler: un naufrage tchèque
Strauss: un naufrage à Berlin



Anthologie Karajan: des Karajan d’anthologie





L’approche des fêtes de fin d’année ainsi que la célébration des vingt-cinq ans de la disparition de Herbert von Karajan (1908-1989) ont conduit Deutsche Grammophon à offrir au mélomane cette magnifique anthologie («Symphony Edition») consacrée aux symphonies du grand répertoire, dont la totalité avait déjà bénéficié d’une publication. On dispose donc ici, en trente-huit disques, de l’intégrale des Symphonies de Beethoven (celle des années 1970), Brahms (la fameuse intégrale de 1977-1978), Bruckner, Mendelssohn, Schumann et Tchaïkovski, auxquelles il faut ajouter les Parisiennes et Londoniennes de Haydn ainsi que plusieurs symphonies de Mozart (Vingt-neuvième, Trente-deuxième, Trente-troisième, Trente-cinquième, Trente-sixième, Trente-huitième à Quarante-et-unième). En outre, l’éditeur nous permet d’entendre certaines ouvertures de Beethoven (dont Egmont, Coriolan, Fidelio ou Les Ruines d’Athènes) issues de l’intégrale qu’avait enregistrée Karajan en septembre 1965 et janvier 1969 ainsi que certains compléments de Brahms (Ouverture tragique, Variations sur un thème de Haydn), de Schumann (Ouverture, Scherzo et Finale) et de Tchaïkovski (Capriccio italien, Marche slave). Ajoutons à cet immense panorama une géniale version de la Quatrième de Schumann enregistrée en concert à la tête des Wiener Philharmoniker (tous les autres disques étant réalisés avec Berlin) le 24 mai 1987, prestation qui a déjà été publiée, notamment couplée avec la Huitième Symphonie de Dvorák (Deutsche Grammophon) ou, dans un autre disque, avec la Jupiter de Mozart qui figurait en première partie dudit concert (collection «Wiener Philharmoniker Live» aux Editions Kurier). Il faudrait des pages et des pages pour s’étendre sur les mérites et faiblesses de tous ces enregistrements: on ne le fera pas mais quelques précisions s’imposent tout de même. Les intégrales Beethoven et Brahms présentées ici figurent depuis toujours parmi les plus grandes réussites orchestrales de Karajan au disque, de même que son intégrale Tchaïkovski, où certains opus sont néanmoins peut-être surpassés par les tardives gravures viennoises (on pense notamment à la Cinquième). Les symphonies de Haydn sont également magnifiques, dans une optique évidemment plus proche de Jochum que de Harnoncourt, Hogwood ou Fey: en priorité, on écoutera la Quatre-vingt-sixième d’une élégance incroyable, ainsi que les Quatre-vingt-seizième et Cent-troisième, des sommets au sein de Londoniennes de très haute tenue. Mozart a été un compagnon de toujours du grand chef allemand et on s’en rend compte de nouveau en écoutant la Trente-deuxième ou la Linz, où souffle une beauté naturelle que l’on retrouve chez peu de chefs. Quant à l’intégrale Bruckner, elle a parfois été mésestimée, notamment au regard de celle dirigée en partie à la tête du même orchestre (et chez le même éditeur) par Jochum. Pourtant, même si Karajan a fait mieux dans les trois dernières symphonies (à titre personnel, on préfèrera l’enregistrement de la Neuvième de 1966, ainsi que les Septième et Huitième enregistrées avec Vienne quelques mois avant sa mort), cette somme demeure du plus haut niveau avec, notamment, des Première et Sixième à couper le souffle. Bref, on l’aura compris, voilà une anthologie idéale pour qui souhaiterait aborder le grand répertoire dans des conditions optimales; pour ceux, évidemment nombreux, qui auraient déjà une partie de ces gravures, l’achat n’en demeure pas moins attractif. Seul bémol à signaler: une notice réduite à l’extrême qui ne fait que mentionner l’ensemble des minutages des divers enregistrements... (coffret 477 8005). SGa




Tout Maazel à Cleveland





Lorin Maazel (1930-2014) a posé l’un jalons les plus riches de sa non moins riche carrière discographique (voir ici) durant la décennie où, succédant à George Szell (et au «conseiller musical» Pierre Boulez), il exerça les fonctions de directeur musical de l’Orchestre de Cleveland (1972-1982), auxquelles il fut remplacé par Christoph von Dohnányi. CBS a conservé certains témoignages de cette période, mais l’essentiel en a été réalisé entre 1973 et 1979 pour Decca, qui, en un coffret de dix-neuf disques bénéficiant de prises de son particulièrement confortables, réédite, accompagnés d’un livret abondamment illustré, les «Complete Recordings» de ces «Cleveland Years». De Beethoven à Gershwin, le programme, assez composite, est représentatif non seulement de l’éclectisme du chef américain mais aussi du caractère inégal de son legs discographique: les références bien établies – le Porgy and Bess 100% afro-américain avec Willard White et Leona Mitchell dans les rôles-titres, la bluffante intégrale du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev – et des excellentes versions que la postérité n’avait pas retenues – un Poème de l’extase de Scriabine d’un postromantisme ravageur – côtoient en effet des interprétations plus convenues, voire académiques – intégrale des Symphonies de Brahms –, quand n’y percent pas déjà certains des maniérismes qui auront gâché tant de ses disques ou concerts. De fait, dès qu’il y a quelque chose à raconter ou à décrire, Maazel est à son meilleur: ainsi, les Rimski-Korsakov (Shéhérazade, Capriccio espagnol, Grande Pâque russe, Suite du Coq d’or) sont autrement plus inspirés que la Cinquième Symphonie de Prokofiev, de même que les Pins de Rome et Fêtes romaines de Respighi. S’apprêtant à prendre les rênes du National (1977-1991), Maazel réserve une place importante à la musique française – Berlioz (Requiem, Harold en Italie, Carnaval romain), Bizet (Jeux d’enfants, Suites de L’Arlésienne), Franck (une bonne Symphonie en ré mineur et les Variations symphoniques avec Pascal Rogé), Debussy (Nocturnes, La Mer, Ibéria, Jeux), Ravel (intégrale de Daphnis) – mais dans ce répertoire, les réussites des débuts chez Deutsche Grammophon, à Berlin ou à Paris, au tournant des années soixante, sont légitimement passées à la postérité. Si la baguette est celle qu’on a toujours connue, claire et virtuose, volontiers ludique ou spectaculaire, l’orchestre surprend en revanche par certaines faiblesses individuelles (478 7779). SC




Goué en Amérique





Le Centre international Albert Roussel ne ménage pas ses efforts pour promouvoir les compositeurs français oubliés, grâce à une intéressante collection de disques sous la bannière du festival international Albert Roussel. Le troisième volume consacré à la musique de chambre d’Emile Goué (1904-1946) vient de paraître (voir ici pour le précédent). Il a été enregistré aux Etats-Unis par de bons musiciens américains, certains membres de l’Orchestre du Metropolitan Opera. Damien Top, président de cette association, se joint à eux pour interpréter les Trois Mélodies (1942) et L’Amitié (date de composition inconnue) pour voix et quatuor à cordes. Cette publication confirme que ce compositeur mérite d’être défendu. Charles Koechlin, avec qui Goué a étudié, a trouvé les mots justes pour décrire l’homme et son langage. C’est un «sensible», un «lyrique», qui a «besoin d’ordre». Sa musique, «âpre», «austère», «tragique», témoigne ici ou là de bonne humeur, de sérénité, de nostalgie aussi (Fleurs mortes pour violon et piano de 1934), ce dont l’écoute de ce disque permet de se rendre compte. Le Sextuor à cordes (1942), le Duo pour violon et violoncelle (1942) et le Trio pour violon, alto et violoncelle (1939) révèlent une grande noblesse d’âme doublée d’une haute exigence morale (Azur Classical AZC 120). SF




La Walkyrie de «Kna» sur la «Colline sacrée» (1958)





Bayreuth, 1958. Pour la dernière fois (après l’avoir interprétée lors des étés 1951, 1956 et 1957), Hans Knappertsbusch (1888-1965) dirige La Walkyrie de Wagner à Bayreuth. Une lenteur qui n’est qu’éloquence, amour et héroïsme. Une lenteur qui, dans le premier acte, conduit à des excès d’immobilisme, mais ne débouche, dans le dernier, sur aucun statisme. Quant aux arrêts sur image du deuxième acte, ils dégagent une morbidité assez fascinante. Une lecture unique du Ring, reconnaissable entre mille. Contrairement au chef, Leonie Rysanek aborde cette année-là un rôle qu’elle a épisodiquement interprété en 1951 (lors de la réouverture) mais qu’elle mûrira chaque été de 1965 à 1969. Sa Sieglinde n’en est pas moins indispensable déjà: irréprochable aux premier (avec le fameux cri!) et troisième actes, gigantesque et bouleversante au deuxième. Jon Vickers voit la prosodie facilitée par les tempos de Knappertsbusch, qui mettent en valeur la virilité du timbre et en relief l’héroïsme de l’incarnation (respirant la mort face à la walkyrie). La facilité insolente des aigus n’est toutefois pas sans faille (avec un gros couac après avoir retiré l’épée). C’est peu dire que Hans Hotter est un Wotan impérial, malgré quelques intonations douteuses au début. Le dernier acte lève toutes les réserves, la lenteur de la battue lui permettant d’asseoir son articulation souveraine sur du velours et de réussir des adieux tout bonnement immenses. Et si l’on ajoute qu’Astrid Varnay est une Brünnhilde irréprochable – dans la joie comme dans la peine – et que Josef Greindl donne le meilleur de sa voix (d’une noirceur d’outre-tombe), on comprend l’intérêt de cette réédition. Car, si la Fricka de Rita Gorr est quelque peu décevante (une autorité naturelle, mais une voix souvent sèche et chevrotante), on rêverait de disposer aujourd’hui d’une brochette de walkyries de cette trempe: Grace Hoffman, Maria von Ilosvay, Lotte Rysanek... (triple album Walhall Eternity Series WLCD0247). GdH




L’Ensemble Hilliard tire sa révérence





L’Ensemble Hilliard, fondé en 1974, met fin cette année à sa longue carrière de quatuor vocal polyphonique, spécialisé dans la musique médiévale et celle de la Renaissance anglaise avec en parallèle des incursions de plus en plus fréquentes dans la musique contemporaine. A l’exception d’un seul, la composition de l’ensemble est stable depuis 1990: David James, contre-ténor, Rogers Covey-Crump et Steven Harrold (depuis 1998), ténors, Gordon Jones, baryton. On peut penser que l’Ensemble doit son parfait équilibre et sa sonorité particulière à la proximité des timbres et à l’attention qu’il porte en permanence à l’architecture musicale, les deux qualités optimisées par la profonde entente qui anime ses membres. Symboliquement, ce récent enregistrement, l’ultime en principe, porte le titre «Transeamus». A son programme, quatorze motets du XVe siècle anglais se pénètrent d’une juste mélancolie. Les noms des compositeurs de la majeure partie des chants au sujet religieux en latin ou en anglais et à deux, trois ou à quatre parties se sont perdus au fil des ans mais leur voix reste intacte, touchante et limpide en particulier pour There is no rose ou encore Ecce quod natura ou Lullay, I saw. Les polyphonies de John Plummer (1410-1483), de Walter Lambe (1450-1504) et de William Cornysh (1465-1523) ont souvent figuré au programme des concerts du quatuor vocal, qui les interprète ici avec beaucoup de soin et de raffinement, la beauté ornée du Ave Maria, mater Dei de Cornysh, à quatre parties finement complexes, mise en valeur avec clarté et précision. On ne sait rien du compositeur Sheryngham hormis son nom de famille et deux motets inclus dans le manuscrit Fayrfax. Les Hilliard ont préféré ici Ah, gentle Jesus dont la remarquable douceur clôt cet ultime récital (ECM New Series 4811106). CL




La Monnaie en quelques mots





Un mot par double page pour expliquer l’histoire et le fonctionnement du théâtre de La Monnaie: aucun corps de métier ne semble avoir été oublié dans ce livre de 144 pages pédagogique et pratique. Le novice qui le fréquente depuis peu le consultera avec profit mais les habitués ne le feuillèteront pas en vain, ne serait-ce que pour savourer les petites anecdotes disséminées par-ci par-là, les nombreuses photographies et les informations peu connues du grand public – les décors des anciennes productions sont ainsi entreposées dans des conteneurs au port d’Anvers, par exemple. L’auteur, membre du personnel, relativise le prix des places, qui peut paraître élevé, avec le tarif pratiqué pour assister, par exemple, à un concert de Lady Gaga ou de Stromae: cela ne manque pas d’aplomb mais à l’heure où le nouveau gouvernement impose d’importantes (et intenables) économies aux institutions culturelles fédérales, il est bon de rappeler certaines évidences. Pour le lecteur, un livre instructif et agréable, pour la Monnaie, un peu mieux qu’un simple outil de promotion (Mardaga). SF




Gawain, le puissant opéra de Birtwistle





Fêtés à plusieurs reprises (voir ici et ici), les quatre-vingts ans de Sir Harrison Birtwistle ont aussi donné lieu à la réédition de son puissant opéra en deux actes Gawain dans la version révisée de 1994, enregistrée par la BBC à Covent Garden et initialement paru en 1996 (Collins Classics). Elgar Howarth dirige les Chœurs et l’Orchestre de la Royal Opera House, qui contribuent avec force au déroulement du drame et soutiennent une distribution d’artistes lyriques anglophones auxquels se joint François Le Roux dans le rôle de Gawain, sa voix chaleureuse, son jeu sensible et sa diction parfaite. L’opéra, souvent sombre et violemment expressif, demande une vigueur et une endurance wagnériennes, exigences tenues ici avec éclat, la voix grave de John Tomlinson, dans le rôle du Chevalier Vert, créant un sentiment d’effroi redoutable et Marie Angel, soprano, campant une fée Morgane perfide et maléfique vocalement à la limite du tolérable. Composé sur un livret du poète britannique David Harsent, Gawain s’inspire d’un célèbre poème épique du XIVe siècle anglais qui conte les aventures de Sire Gauvain, chevalier arthurien idéal, piégé au point de commettre un acte de couardise qui attente à son honneur et à l’honneur de la cour d’Arthur. Le récit se fait en deux temps, un an s’écoulant entre les deux, et le compositeur anglais fait de ce «Turning of the Seasons» un masque d’esprit purcellien. Le style tant vocal qu’orchestral de Birtwistle convient bien à ce récit qui en devient atemporel, mythique, tourmenté et fort. Le graphisme puissant des lignes, les couleurs intenses et fortement contrastées, les tapis de cordes souvent dans l’aigu et les textures voluptueuses d’un orchestre souvent dominé par les cuivres augmentés de deux tubas, mettent en mémoire celui d’Earth Dances et portent admirablement la rugosité expressive des mélismes anguleux d’un chant qui suit le rythme naturel des paroles. C’est impressionnant (NMC D200). CL




Le Duo Gazzana de retour au disque





Le programme du deuxième disque du Duo Gazzana présente autant d’originalité que le précédent: Suite dans le style ancien (1972) de Schnittke, Sonate pour violon et piano (1942/1943) de Poulenc, Hommage à J.S.B. (2009) de Valentin Silvestrov, Toccata pour violon et piano de Walton et Tartiniana seconda (1956) de Dallapiccola. Le recours aux formes traditionnelles caractérise les œuvres sélectionnées. Comparées aux autres, qui valent la peine d’être connues, surtout celle, phénoménale, de Walton, la pièce de Silvestrov, qui ne dure heureusement que 5 minutes, présente peu d’intérêt, et celle de Schnittke, bien que de belle facture, imprègne modérément la mémoire. Les deux sœurs approchent chacune de ces compositions avec pertinence et accordent toute l’attention requise à la forme: proportions rigoureusement équilibrées, dynamique soigneusement nuancée, contrastes nettement marqués. Elles montrent une solide maîtrise instrumentale, encore que le jeu de la violoniste accuse quelques imprécisions, au contraire de celui, plus net, de la pianiste. La prise de son met bien en valeur leur sonorité (ECM New Series 481 0894). SF




Le Brahms symphonique d’Idil Biret





La pianiste turque Idil Biret (née en 1941) ose sa propre transcription (réalisée dans les années 1990 à partir des versions pour deux pianos) de deux symphonies de Brahms (des prises de concert parisiennes, datant de 1995 et 1997). La Troisième frappe d’emblée par la profondeur du toucher, la puissance comme la hauteur de vue. Parfois laborieuse (dans l’Allegro notamment), la transcription brille plus spécialement dans le célèbre Poco Allegretto, traité comme une rhapsodie originale (profondément brahmsien): un changement d’échelle qui trouble et qui charme. La Quatrième est moins probante, comme plus hésitante sur le plan interprétatif et plus relâchée sur le plan technique, ne trouvant véritablement la chaleur et la passion attendues que dans l’Allegro energico e passionato – d’une lenteur hypnotique. Captée à Lille en 1993, Idil Biret déploie également une belle fougue dans la sélection de Danses hongroises (transcrites pour piano seul par Brahms), malgré un geste parfois brouillon à force d’être débridé. Enregistrées dans une piscine et sur une casserole (en concert à New York, en 1972), les Variations Paganini parviennent néanmoins à virevolter d’ivoire comme s’il s’agissait d’une partition de Mendelssohn. Un volume publié dans la collection «Idil Biret Archive» de Naxos, moins convaincant que le superbe album Schumann (double album IBA 8.571303-04). GdH




Un disque un peu flasque





Michel Decoust (né en 1936) a orchestré des pièces pour piano de Satie plus ou moins connues, composées entre 1912 et 1915 (Véritables préludes flasques, Embryons desséchés, Sports et divertissements, Chapitres tournés en tous sens, L’enfance de Ko-Quo, Croquis et agaceries d’un gros bonhomme en bois, etc.). Debussy, Poulenc, Cerha, Désormière et Milhaud l’ont déjà précédé sur ce terrain en arrangeant des pages du maître d’Arcueil pour des ensembles de différentes tailles. Selon la notice, l’Orchestre régional de Basse-Normandie, placé ici sous la direction de Jean-Pierre Wallez, ne comporte que dix-huit musiciens: à l’écoute, l’ensemble n’a de toute évidence pas été renforcé. Les orchestrations paraissent du coup un peu frustes et sèches – mais c’est peut-être intentionnel. Celles-ci témoignent de suffisamment de fantaisie et d’étrangeté pour ne pas trahir le langage de Satie. L’orchestre se montre précis et spirituel mais parfois nonchalant et un peu plat, sauf lorsque la musique s’anime – les musiciens affichent dès alors un peu plus de gouaille. Malgré leur agencement bien pensé, il vaut mieux ne pas écouter d’une traite les cinquante-cinq plages, sous peine de lassitude (Skarbo DSK 3135). SF




Les (très) jeunes pianistes de TYXart


        


Après Yojo Christen, TYXart continue de donner la parole aux jeunes Mais la jeunesse n’autorise pas tout. Pas à ridiculiser Bach en tout cas, comme le fait Alexander Maria Wagner (né en 1995), qui s’emmêle les pinceaux dans la Sixième Partita, difforme à force de vouloir être traitée comme du Scarlatti. La technique manque de muscle et de régularité. Elle discrédite les fantaisies rythmiques de l’Air et de la Courante. Elle révèle le vide interprétatif de la Sarabande. Et ce n’est pas une Gigue bien charpentée qui sauvera cette exécution débraillée. Les Papillons de Schumann prennent moins de liberté avec le texte et dégagent globalement une joie juvénile et sincère. La technique est de bonne tenue mais la frappe est drue et subit des fluctuations de tempo pas toujours du meilleur effet. La fin est même franchement décousue. Dans le Carnaval du même compositeur, la maîtrise technique s’avère plus convaincante, avec une fougue qui produit souvent de beaux effets. Mais le propos demeure heurté, violenté, tendu au couteau – jusque dans la lourdeur d’une «Marche des Davidsbündler contre les Philistins» aux gros sabots. Encore immature, en somme. Le seul intérêt de ce disque réside au fond dans la dernière pièce – l’Inferno composé par Alexander Maria Wagner – dont l’emballement évoquerait presque la puissance d’un John Cage (TXA14040).
A peine adolescent, Christoph Preiss (né en 2002) méritait-il vraiment les honneurs de la postérité discographique? Certes, le Bösendorfer est un allié de poids pour souligner l’espièglerie du Mozart de la Neuvième Sonate. Mais quel poignet faiblard! La Première Sonate de Beethoven est propre, mais elle échoue à trouver la hauteur de vue attendue (la faute à un jeu haché, presque agressif dans le Prestissimo). C’est dans Schubert (une Sonate en la majeur univoquement rythmique) que la jeunesse de l’interprétation révèle crûment son immaturité – même si, pour être complètement honnête, la profondeur de certains arrière-plans ne manque pas de troubler. Le geste n’en reste pas moins à la surface des choses (TXA14044). GdH




Guillaume Tell de Grétry : après le son, l’image





Un disque récent témoigne des représentations de Guillaume Tell de Grétry à l’Opéra royal de Wallonie en juin 2013 (voir ici). Voici maintenant le DVD. Que choisir? S’il vous faut seulement un des deux supports, préférez le disque: Musique en Wallonie présente mieux ses produits que Dynamic. La mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera, les décors de Jean-Guy Lecat et les costumes de Fernand Ruiz méritent le coup d’œil, mais il convient de prendre cette scénographie au second degré sous peine de la trouver ringarde: des décors et une machinerie de théâtre baroque, des marionnettes, un vrai chien, un vrai cheval mais une fausse vache qui mugit et remue la queue quand même. Cela dit, comment résister au minois et à la voix d’Anne-Catherine Gillet (37694)? SF




Mahler: un naufrage tchèque





Alors que les chefs comme les orchestres tchèques ont su s’illustrer dans Mahler – à commencer par les références que demeurent, dans ce répertoire, Rafael Kubelík et Václav Neumann –, cette consternante interprétation de la Septième Symphonie ne fait pas honneur à cette tradition. Elle lui fait même franchement honte – surtout quand on sait que le maître d’œuvre de ce disque, Jirí Stárek (1923-2011), a été formé à l’Académie de musique de Prague par Karel Ancerl et Václav Talich. Captée sur le vif le 19 septembre 2008, un siècle jour pour jour après la création de l’œuvre à Prague sous la direction du compositeur, cette version permet surtout d’exposer, d’une part, les failles de la construction laborieuse du chef d’orchestre – qui plombe la dynamique de la partition dès le premier mouvement, jusqu’à tourner en ridicule les deux «Nachtmusik» – et, d’autre part, les faiblesses de l’ Orchestre symphonique de la Radio tchèque, coupable – collectivement comme individuellement – d’approximations, d’erreurs, de décalages et de laideurs diverses... à de bien trop nombreuses reprises. Un naufrage (Arcodiva UP-0112-2). GdH




Strauss: un naufrage à Berlin





Peu distinguée, guère idiomatique, Anna Netrebko est à la peine dans les Quatre derniers lieder de Strauss: les graves sont laids, les aigus serrés, le souffle court, les ports de voix condamnables, les attaques incertaines, la ligne de chant flageolante. Tout cela est ample et démesuré comme la traîne de la robe rouge de la photo de couverture, mais paraît en même temps si réducteur d’une œuvre magnifiée par des cantatrices aussi différentes que Della Casa, Schwarzkopf, Janowitz, Fleming... La suite du programme n’est pas plus réconfortante: à la tête de sa Staatskapelle de Berlin, pas toujours irréprochable, Daniel Barenboim, dont les micros saisissent distinctement les mugissements, chausse ses gros sabots dans Une vie de héros, ronflant et mastoc jusqu’à la caricature, surlignant une partition qui n’a surtout pas besoin de l’être: dégoulinage et mauvais goût sont à la fête, alors que, sans même quitter Berlin, Karajan, bien sûr, avec les Philharmoniker, ou, plus récemment, l’étonnant Ingo Metzmacher, lui aussi en concert, à la tête du Deutsches Symphonie-Orchester, ont montré de tout autres aptitudes stylistiques. Il faut toujours être disposé à pardonner à des artistes d’être dans un mauvais soir et de rater un concert – donné, en l’espèce, en tout début de saison (et mis en vente à une vitesse presque digne du concert du Nouvel An) – mais nul n’obligeait Deutsche Grammophon à s’engager dans une telle publication, qui n’honore pas les cent cinquante ans de la naissance de Strauss (479 3964). SC



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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