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CD, DVD et livres: l’actualité de juillet
07/15/2014


Les chroniques du mois



Must de ConcertoNet


   Grands pianistes en Blu-ray


   Un patient nommé Wagner


   Christian Thielemann dirige Bruckner


   Elektra à Aix-en-Provence (2013)


   Frans Brüggen dirige Mozart




 Sélectionnés par la rédaction


   Une histoire de la danse à l’écran


   Edward Gardner dirige Bartók




 Oui !

Ben Johnson chante Britten
Carlo Maria Giulini dirige Don Carlo
Café Zimmermann interprète Vivaldi
Christoph Prégardien chante Mahler et Rihm
Le pianiste Yojo (Christen)
C. Abbado dirige à Lucerne (1978 et 1988)
Marie-Catherine Girod interprète Dupont
Le Chœur de Clare College
Alain Meunier et Philippe Guilhon-Herbert interprètent Magnard
Alain Meunier rend hommage à Maurice Maréchal
Les cinquante ans du Quatuor Talich
Emmanuel Jacques et Maude Gratton interprètent Onslow
L’Ensemble Schubert de Londres interprète Enesco



Pourquoi pas?

André Cluytens dirige Parsifal (Milan, 1960)
John Storgårds dirige Sibelius
James Rutherford chante Wagner
Le Concours Reine Elisabeth 2014
Nora Gubisch et Alain Altinoglu




Pas la peine

Modo Antiquo interprète Vivaldi
Alberto Grazzi interprète Vivaldi
Les pianistes Jean-Sébastien Dureau et Vincent Planès
Anne Schwanewilms chante Wagner
Andrew Davis dirige Sibelius
Otto Klemperer à Cologne (1954-1955)




En bref


Raretés chambristes d’Enesco
Le demi-siècle du Quatuor Talich
Onslow, champion de musique de chambre
Jeunes pianistes en demi-teintes
Une introduction presque parfaite à Gabriel Dupont
Retour aux origines
Concours Reine Elisabeth 2014: une rétrospective
L’Esprit du Chœur de Clare College
De l’exigence du chant wagnérien: Anne Schwanewilms et James Rutherford
Klemperer à Cologne
Hortus commémore la «Grande Guerre»
Sibelius (1): Brefs fragments orchestraux
Sibelius (2): En demi-teintes




Raretés chambristes d’Enesco





L’Ensemble Schubert de Londres – trio à cordes, contrebasse et piano, augmenté du violon d’Alexandra Wood – revient à Enesco pour la deuxième fois, avec trois œuvres peu souvent enregistrées qui donnent un aperçu du talent du compositeur, manifeste dès son jeune âge, attesté et étendu en 1940 par son unique Quintette avec piano, créé seulement dans les années 1960. C’est une partition d’envergure, dense et de facture souvent hétérophonique, qui n’écarte ni la grâce ni la profondeur de sentiment. En deux parties principales subdivisées en deux mouvements enchaînés, le Quintette retrouve la forme classique tout en affirmant une étonnante modernité rythmique, harmonique et structurelle. Les Schubert l’interprètent avec beaucoup de conviction, le scherzo aux rythmes empilés d’une légèreté de touche tout à fait admirable. Le Trio avec piano (1916), redécouvert, édité et créé en 1965 par la pianiste Hilda Jerea, est interprété ici dans la version de l’Ensemble Schubert, qui se fonde sur le manuscrit d’Enesco, difficile à déchiffrer avec exactitude, et sur l’édition de 1995 du compositeur roumain Pascal Bentoiu. Leur connaissance intime de la partition permet une prestation de haute tenue qui met en valeur la transparence rayonnante des textures brièvement assombrie lors du tragique Andante. Avec son premier volet lyrique et le second virtuose, le bref mais charmant Aria et Scherzino (1908), écrit à l’origine pour un concours de luthiers, correspond à l’effectif complet de l’Ensemble Schubert avec un invité, le violoniste roumain Remus Azoitei, qui assume la partie soliste avec une adresse lumineuse. Fondé en 1983, l’Ensemble Schubert jouit outre-Manche d’une solide réputation de compétence que le présent enregistrement confirme (Chandos CHAN 10790). CL




Le demi-siècle du Quatuor Talich


         


Depuis sa fondation en 1964, le Quatuor Talich a constitué une riche discographie, d’abord chez Calliope autour du neveu du chef Václav Talich, Jan Talich senior (né en 1945), qui en fut le primarius puis l’altiste, et, depuis 1997, autour de son fils, également prénommé Jan (né en 1967), au premier violon, à la tête d’une formation renouvelée aux trois quarts. Comme en témoigne un remarquable album Debussy/Ravel, la seconde génération a rejoint La Dolce Volta, qui a par ailleurs acquis et remastérisé les enregistrements réalisés à partir des années 1970 par leurs aînés chez Calliope, à commencer par une intégrale Beethoven. L’éditeur marque les cinquante ans de la formation tchèque avec dix disques (à prix modéré) – trois pour la première génération, sept pour la seconde. De Haydn à Chostakovitch, cette somme, illustrée par de brèves notices multilingues et présentées dans un habillage cartonné sobre et soigné (mais à manier avec précaution), se maintient globalement à un niveau élevé et se caractérise par une programmation assez originale: ainsi, Les Sept Dernières Paroles du Christ pour Haydn (1995, LDV 258), les Divertimenti K. 136 à 138, la Petite Musique de nuit et l’Adagio et Fugue en ut mineur pour Mozart (1977, LDV 279, inédit). Pour ce qui est de la première génération, ce Haydn serein et équilibré, ce Mozart hors des modes et ce Beethoven conjuguant maîtrise et naturel (1977, LDV 278) – le choix s’est porté de façon pertinente sur la dernière période (le Treizième Quatuor et la Grande Fugue, curieusement présentés comme des inédits alors qu’ils paraissent être issus de l’intégrale déjà bien connue) – méritaient assurément d’être sélectionnés. La seconde génération prend le relais chronologique: les trois Quatuors de l’Opus 44 de Mendelssohn, vifs et chaleureux témoignages d’une intégrale de référence (2000, LDV 280), puis les deux Sextuors de Brahms, un peu éteints malgré des invités de luxe, Josef Kluson et Michal Kanka, respectivement altiste et violoncelliste des Prazák (2006/2007, LDV 253). Les musiciens tchèques sont en revanche splendides et incontestables pour défendre et illustrer la musique de leur pays, dont aucun des grands ne manque à l’appel (à l’exception de Martinů, qui n’a jamais figuré dans la discographie des Talich): les deux Quatuors de Smetana, complétés par une fort intéressante rareté, le Premier (1874) des deux Quatuors de Fibich (2003, LDV 255); l’incontournable Douzième Quatuor «Américain» et le Quintette à cordes (avec Jirí Zigmund) de Dvorák (2002/2006, LDV 254); les deux Quatuors de Janácek, complétés par le vigoureux Premier (1924) de Schulhoff (2004/2005, LDV 256). Mais les joyaux de cette série sont peut-être les trois Quatuors de Jan Kalivoda (1801-1866), inamovible Kapellmeister à Donaueschingen (1822-1865): datant des années 1830, ces œuvres évoquent Schubert ou Mendelssohn, avec lesquels elles soutiennent souvent la comparaison, tout en diffusant un parfum indéniablement venu de Bohème – Smetana et Dvorák ne sont pas venus de nulle part (2005, LDV 260). Pour conclure, le Quintette (avec le pianiste Yakov Kasman) convainc moins que l’inévitable Huitième Quatuor de Chostakovitch, typique de la manière des Talich II, où l’engagement n’est jamais le prétexte à un relâchement de la tenue (2001, LDV 263). SC




Onslow, champion de musique de chambre





Auteur de trente-six quatuors à cordes et de trente-quatre quintettes à cordes, George Onslow (1784-1853) n’a composé «que» trois Sonates pour violoncelle et piano (1820), regroupées sous le numéro d’opus 16. Ces œuvres de belle facture, qui placent les deux instruments sur un pied d’égalité, s’inscrivent dans le giron de la musique germanique, le compositeur bénéficiant d’une importante notoriété outre-Rhin. Néanmoins, les interprètes français remettent progressivement Onslow à l’honneur, comme le prouve la parution récente de disques du Quatuor Ruggieri, des ensembles Initium et Contrastes et du Quatuor Diotima. Emmanuel Jacques (né en 1974), membre, justement, du Quatuor Ruggieri, et Maude Gratton (née en 1983), qui jouent, respectivement, un Jacques Boquay de 1726 et un Broadwood de 1820, livrent une interprétation recommandable: clarté des contrastes, précision des échanges, beauté de la sonorité, justesse du style. Toujours aussi soucieux d’apposer sa marque sur de tels projets de réhabilitation, le Palazzetto Bru Zane apporte son soutien à cet album qui enrichit utilement la discographie du compositeur clermontois (Mirare MIR 192). SF




Une introduction presque parfaite à Gabriel Dupont





En revanche, comprenne qui pourra, le logo du Palazzetto Bru Zane ne figure pas sur le disque que Mirare consacre à Gabriel Dupont (1878-1914), élève de Massenet et de Widor mort de la tuberculose à l’âge de 36 ans. Marie-Catherine Girod (née en 1949) interprète des extraits des Heures dolentes (1905) et de La Maison dans les dunes (1910) qu’elle a enregistré dans son entièreté, en 1997, avec Le Chant de la mer de Samazeuilh (3D Classics). Pour disposer des deux cycles sur le même disque, il faut dès lors se procurer celui de Stéphane Lemelin (Atma), d’Emile Naoumoff (Saphir) ou de Bernard Paul-Reynier (Passavant). La pianiste, avocate inconditionnelle d’œuvres rares, se joint à l’excellent Quatuor Prázak pour une magnifique lecture du Poème pour piano et quatuor à cordes (1911), remarquable ouvrage de grande envergure dont il existe déjà une version par François Kerdoncuff et le Quatuor Louvigny (Timpani). La notice ne précise pas avec quel violoniste du Quatuor Prázak Marie-Catherine Girod interprète Journée de printemps (1901), page délicieuse probablement jamais enregistrée auparavant. Les amateurs de musique française ne manqueront pas cette publication tandis que les autres découvriront une musique inspirée et personnelle, bien qu’assez proche de celle de Fauré et de Franck. Quel dommage de n’avoir pas prévu plutôt un double album avec, en plus de ces deux œuvres de musique de chambre, l’intégralité de La Maison dans les dunes et des Heures dolentes (Mirare MIR238). SF




Jeunes pianistes en demi-teintes


                     

         


Trois pianistes apportent leur jeunesse au profit du grand répertoire... et de leur réputation. Kim Barbier s’attaque ainsi aux Scènes d’enfants de Schumann, qu’elle découpe avec précision, souci du détail et... beaucoup d’indifférence. Ses Debussy («Doctor Gradus ad Parnassum», «La puerta del vino») manquent peut-être de subtilité mais certainement pas de nerf. A l’inverse, l’assurance du toucher rehausse l’évanescence des Albéniz («Triana», «Evocación», «El Corpus Christi en Sevilla») sans en dévoiler tous les sortilèges. On regrette, du reste, que la Française (résidant à Berlin) n’offre qu’à peine 43 minutes de musique (Oehms OC 886). Stanislav Khristenko (né en 1984) déçoit par une Fantaisie de Schumann sans grand relief, l’articulation présentant une certaine sensibilité mais manquant de souffle dans le premier mouvement et tournant carrément en rond dans le deuxième – comme vidée de sa substance –, tandis que le «Langsam getragen» diffuse une douceur pudique mais presque somnolente. L’Ukrainien trouve le ton juste, en revanche, dans les rarissimes Fantaisie en sol majeur de Bruckner, chargée de presque trop d’émotion, et Fantaisie sur des poèmes de Richard Dehmel de Zemlinsky, où il puise habilement dans différentes palettes de couleurs. Malgré une approche par instants brutale ou heurtée, les Fantaisies de l’Opus 116 de Brahms rassurent sur la capacité de maturation de ce piano déjà costaud (Steinway and Sons 30032). Enfin, l’Américain Sean Chen (né en 1988) propose un intéressant programme autour de la valse – et même son propre arrangement de La Valse de Ravel (qui peine à décoller) –, lequel vaut surtout par des Valses nobles et sentimentales de fort belle facture (les Menuets antique et sur le nom de Haydn sont plus anonymes). Y font écho des pièces de Scriabine (de peu d’intérêt interprétatif): une Quatrième Sonate délavée à force d’être liquide, une Cinquième Sonate décousue à force d’être finement piquée et une Valse en la bémol majeur un rien tendue (Steinway and Sons 30029). GdH




Retour aux origines





Après un album consacré à Ravel, Nora Gubisch (née en 1971) et Alain Altinoglu (né en 1975) ont enregistré ensemble un nouveau disque dont le programme reflète leurs origines, espagnole et germanique pour la mezzo-soprano, arménienne pour son partenaire: Sept Chansons populaires espagnoles de Falla, Folk Songs de Berio (avec la participation de Gérard Caussé, Raphaël Perraud, Bastien Pelat, Raphaël Sévère, Iris Torossian, Adrien Perruchon et Camille Baslé), Deux Chants et Berceuse de Brahms ainsi quelques mélodies de Granados et d’Obradors. Correctement émise et souplement profilée, la voix de Nora Gubisch possède beaucoup de volume, se pare de couleurs idoines et se déploie naturellement en la soumettant à une intonation appropriée. Alain Altinoglu assure un accompagnement fiable et inspiré tandis que dans les Folk Songs, les musiciens qui entourent la chanteuse garantissent la réussite de l’interprétation de cette œuvre singulière et irrésistible. Les interprètes convainquent un peu moins dans les pages chantées en allemand (Naïve V 5365). SF




Concours Reine Elisabeth 2014: une rétrospective





Décidément, quel exploit: une semaine après la proclamation des résultats, dans la nuit du 31 mai au 1er juin, le coffret du dernier Concours Reine Elisabeth était déjà en vente. Il comporte trois disques cette année alors qu’il n’y en avait que deux dans le précédent coffret consacré au chant. Le premier d’entre eux permet d’entendre les six lauréats primés lors de leur prestation en finale, en l’occurrence, du premier au sixième prix, Sumi Hwang (voix onctueuse, aptitude théâtrale plus incertaine), Jodie Devos, de nationalité belge (authentique tempérament d’artiste), Sarah Laulan (forte personnalité), Yu Shao (ténor léger de grand style), Hyesang Park (voix fine, agile, délicieuse) et Chiara Skerath, qui a fait preuve de bonne humeur et de générosité durant les épreuves. L’avenir confirmera si Sumi Hwang percera dans le métier, mais ce ne serait pas étonnant que Jodie Devos, Sarah Laulan et Chiara Skerath s’imposent davantage, du moins à l’opéra. Depuis que le concours aborde cette discipline, en alternance avec le violon et le piano, les titulaires du premier prix mènent en effet une carrière discrète, à l’exception notable de Marie-Nicole Lemieux qui a triomphé en 2000. Qui se souvient aujourd’hui d’Aga Winska (1988), Thierry Félix (1992), Stephen Salters (1996), Iwona Sobotka (2004), Szabolcs Brickner (2008) et Hong Haeran (2011)? Le troisième disque contient, justement, deux extraits de la prestation de la Canadienne lors de sa finale et d’autres témoignages puisés dans les archives du concours depuis 1988 – excellente idée, d’autant plus que cette compilation ne met pas à l’honneur uniquement les lauréats ayant remporté le premier prix, puisqu’on peut y entendre Lubana Al Quntar, Thomas Blondelle, Marius Brenciu, membre du jury cette année, Isabelle Druet, Cristina Gallardo-Domâs, Bernadetta Grabias, Hélène Guilmette, Olga Pasichnyk et Ana Camelia Stefanescu. L’autre disque comporte pour la première fois une sélection opérée par LesSIX/DeZES, une équipe de six étudiants belges en chant (trois francophones, trois néerlandophones, parité linguistique oblige) qui ont suivi tout le concours en publiant sur la toile leurs impressions au fur et à mesure. Les jeunes gens ont retenu des interprétations non seulement de lauréats classés mais aussi de finalistes non primés (Emöke Baráth, Daniela Gerstenmeyer, Seung Jick Kim, Levente Páll, Sheva Tehoval) et même de demi-finalistes qui n’ont pas accédé à la finale (Susanna Hurrell, Yuan Zhang). Une publication avant tout destinée aux inconditionnels du concours ainsi qu’aux directeurs d’opéra et aux organisateurs de concert à la recherche de la perle rare (QEC2014). SF




L’Esprit du Chœur de Clare College





Enregistré en 1995 et 1996 mais paru en 2014, «Celebration of the Spirit» est une célébration attendue et méritée du Chœur de Clare College, Cambridge, ici sous la direction de Timothy Brown. Les solistes sont tous membres réguliers du chœur, leur voix s’élevant des rangs; on apprécie en particulier la pureté émouvante des voix des sopranos solistes, Angharad Gruffydd Jones en tête. Ecrites pour l’église ou pour le concert, les cinq œuvres se fondent sur des textes, bibliques, liturgiques ou profanes, tous d’inspiration religieuse ou spirituelle, à commencer par les cinq negro spirituals merveilleusement retravaillés a cappella par Tippett et normalement inclus, avec une fonction analogue à celle des chorals de Bach, dans son oratorio laïque A Child of our Time (1939-1941). S’ils perdent leur simplicité directe ils gardent leur beauté et leur force originelles. La cantate Rejoice in the Lamb (1943) et Festival Te Deum (1944) pour chœur et orgue (Jonathan Brown) viennent à l’apogée du récital, démontrant, si besoin était, le génie mélodique de Britten et sa science dramatique de la mise en valeur raffinée de la voix soliste et des chœurs. Les deux œuvres se déploient avec une retenue profondément émouvante et belle. Commande de la cathédrale de la ville anglaise en 1965, Chichester Psalms de Bernstein impose sa différence par les contrastes de climat, par les rythmes marqués et par un orgue dominé, hormis ses interventions au cours du troisième psaume, par la harpe de Rachel Masters et les instruments de percussion de Kevin Hathaway, riches en effets. L’orgue générant la substance, la prestation magistrale des cuivres et percussions de l’ensemble The John Wallace Collection donne un éclat bienvenu au Gloria (1974) de John Rutter, autrefois étudiant puis compositeur et directeur musical à Clare College. Composé dans les pures traditions anglicane et royale – les cuivres –, la cantate, aux échos grégoriens, vise en premier la beauté sonore. Sur l’ensemble du programme, on se doit de constater la précision et la souplesse du chœur et l’efficacité discrète de l’orgue, peu souvent en vedette. (United Classics T2CD2013021). CL




De l’exigence du chant wagnérien: Anne Schwanewilms et James Rutherford


         


Voici deux albums de chant wagnérien gravés en 2013. Celui d’Anne Schwanewilms (née en 1967) vaut surtout pour des Wesendonck-Lieder qui touchent par leur intimisme, malgré quelques effets opératiques à la limite de la grandiloquence. Evoquant Strauss, l’atmosphère générale respire la douleur et l’extatisme, qui s’incarnent notamment dans un superbe «Im Treibhaus». Mais les brefs extraits d’opéra (Tannhäuser, Tristan) déçoivent. La puissance que la soprano allemande y déploie ne parvient pas à masquer le manque d’opulence, la sécheresse et l’opacité du timbre, exposant souvent l’usure du métal de sa voix et des aigus perçants voire étranglés. Ce récital de chant reste marqué par un style d’une grande noblesse, qu’on aurait davantage goûté sans la demi-heure d’extraits symphoniques («Ouverture» et «Bacchanale» de Tannhäuser, Prélude du premier acte de Tristan et Isolde) joués par un orchestre (Radio de Vienne) fort bien tenu (Cornelius Meister) mais «passe partout» (Capriccio C5174). Le baryton britannique James Rutherford (né en 1972) offre un Wagner contrasté. Malgré le soin apporté au phrasé dans les extraits de Tannhäuser, son Wolfram ne marque pas, exposant une nasalité du timbre qui, même dans la «Romance à l’étoile», enlaidit parfois le chant. On regrette aussi, dans Lohengrin, une interprétation plutôt artificielle, et pas assez de désespérance ni de puissance pour incarner Telramund (...n’est pas Walter Berry qui veut). La déclamation des Maîtres chanteurs de Nuremberg fonctionne bien: Sachs présente une belle assurance et une bonne dose de maturité. On admire surtout Parsifal, où rayonne un Amfortas noble mais brisé, rempli de larmes. Certes, dans Le Vaisseau fantôme, il faudrait plus de coffre encore pour tenir les phrases et leur donner le relief attendu, mais l’on apprécie la justesse de l’articulation et du style. Dommage, du coup, de terminer sur des «Adieux de Wotan» sans relief, où la voix comme l’interprétation doivent à l’évidence mûrir pour permettre de dominer La Walkyrie. L’accompagnement – exemplaire jusque-là – se fait même ordinaire et timide. Mais le chef américain Andrew Litton (né en 1959) donne, dans l’ensemble, une image flatteuse de ses talents, conduisant avec éloquence le vénérable Philharmonique de Bergen, dont il est le directeur musical depuis 2003, dans le Prélude du troisième acte des Maîtres chanteurs, apportant une souplesse et une vélocité bienvenues à l’Ouverture du Vaisseau fantôme, où la netteté des cuivres compense le manque d’épaisseur des cordes (SACD Bis BIS-2080). GdH




Klemperer à Cologne





Otto Klemperer (1885-1973) fait partie de ces personnages charismatiques au sein de la grande lignée des chefs allemands qui ont véritablement façonné la figure du chef d’orchestre. Le présent disque nous permet de l’entendre dans trois de ses compositeurs fétiches à la tête de l’Orchestre radio-symphonique de Cologne (l’actuel Orchestre symphonique de la WDR de Cologne), disque qui reprend d’ailleurs en partie une précédente parution éditée chez Golden Melodram où l’on peut également écouter la Serenata notturna de Mozart et Till Eulenspiegel de Strauss. La Troisième Suite de Bach (captée le 17 octobre 1955), que Klemperer a souvent enregistrée, est ici totalement impossible à écouter compte tenu des évolutions esthétiques propres à la musique baroque: tout n’est qu’emphase, lourdeur (la fin de la «Gigue») et grandiloquence, les trompettes poussant le son à l’extrême, les traits n’en finissant pas de s’étirer. Plus intéressante, en revanche, la Vingt-neuvième Symphonie de Mozart (enregistrée le 8 février 1954) qui, si elle révèle une conception on ne peut plus classique de l’œuvre, est globalement agréable à écouter en raison d’une dynamique constante et d’une vraie finesse orchestrale. Pour autant, la sévérité, voire la raideur de certains passages (notamment le Menuetto) sont également aujourd’hui bien dépassées. Enfin, la Première Symphonie de Beethoven, enregistrée le 11 février 1954, est l’œuvre la plus réussie du disque: orchestre vif, battue visiblement claire, tempo assez rapide, Klemperer joue ici sur du velours et nous convainc enfin, même si ce disque doit avant tout être réservé aux inconditionnels (ICA Classics ICAC 5120). SGa




Hortus commémore la «Grande Guerre»


                      
         


En cette année de commémorations, Hortus vient compléter les ouvrages et spectacles consacrés à la musique pendant la Première Guerre mondiale par une collection intitulée «Les Musiciens et la Grande Guerre». Trente volumes sont annoncés d’ici juin 2018 et les trois premiers se révèlent plutôt prometteurs, ne serait-ce que par leur texte (en français et en anglais) et leur iconographie.
La figure d’Albéric Magnard demeure évidemment attachée aux premières heures du conflit, puisqu’il périt le 3 septembre 1914 en défendant face à l’armée allemande sa propriété isarienne de Baron. Les versions de son avant-dernière œuvre, la Sonate pour violoncelle et piano (1910), jalon important de la musique de chambre française, ne se bousculent pourtant pas – Eric-Maria Couturier (Lyrinx), Thomas Demenga (Accord), Mats Lidström (Hyperion), Xavier Phillips (Auvidis) ou Valentin Radutiu (Hänssler). Alain Meunier (né en 1942), quant à lui, fidèle à sa personnalité et à son style, en a donné une vision toute de flamme et de retenue, qu’il était tout à fait opportun de rééditer à cette occasion. En complément de cet album intitulé «Une mort mythique», Philippe Guilhon-Herbert (né en 1973) donne l’intégrale de l’œuvre pour piano, bien antérieure à la Sonate: les très rares Trois Pièces – l’opus 1 de Magnard – et En Dieu mon Espérance et mon Espée pour ma Défense de 1888 ainsi que le recueil des Promenades (1893) évoquant six lieux de Paris et de ses environs, chacun associé à une étape de sa relation avec sa future épouse, Julia Créton – la dernière pièce, «Rambouillet», est sous-titrée «Nuptial» (701).
Le deuxième volume, «1913. Au carrefour de la modernité», part d’une bonne idée: montrer comment la musique, à l’image des autres arts, a résolument pris, avant même le premier conflit mondial, le tournant de la modernité. 1913, c’est évidemment l’année du Sacre du printemps, ici dans sa version à quatre mains, celle-là même que le compositeur et Debussy jouèrent ensemble dix jours après la création. Mais l’évocation de 1913 s’arrête là, puisque le programme est complété par En blanc et noir (1915) de Debussy, dont la troisième et dernière pièce est certes dédiée à Stravinski, et la Fantasia contrappuntistica (1910/1921) de Busoni. Et le résultat est mitigé: Jean-Sébastien Dureau (né en 1973) et Vincent Planès (né en 1975) manquent de punch dans Le Sacre et s’ils paraissent plus convaincants dans Debussy et Busoni, dont ils soulignent le caractère novateur, le Pleyel en vis-à-vis à double clavier est fortement desservi par la prise de son (702).
Pour le troisième volume, «Hommage à Maurice Maréchal» (1892-1964), on retrouve Alain Meunier, qui fut, de 1955 à 1959 au Conservatoire de Paris, l’un des nombreux élèves du violoncelliste français, créateur d’œuvres – entre autres – de Ravel, Caplet, Honegger et Milhaud. Mobilisé dès 1914, Maréchal joua sur le front avec un instrument rudimentaire réalisé par deux menuisiers dans le bois d’une caisse de munitions et baptisé «le Poilu». Meunier explique dans la notice qu’en raison de l’état de cet instrument de fortune, conservé au Musée de la musique, il lui a hélas fallu renoncer à donner ne serait-ce qu’une pièce à titre de témoignage. Qu’à cela ne tienne, l’élève, au-delà du centenaire de la Première Guerre mondiale, marque les cinquante ans de la disparition de son maître avec un programme d’œuvres qu’il aimait – Première Sonate de Brahms, Elégie de Fauré – et, pour les Sonates de Debussy (1915) et de Honegger (1920), qu’il avait eu la chance de pouvoir travailler avec leur auteur. Subtilement accompagné par Anne Le Bozec (né en 1975) sur un délicat Bechstein de 1888 mais dans une acoustique trop sèche, Meunier met tout son cœur à cet hommage, laissant s’exprimer éloquemment une sensibilité à fleur de peau qui ne devient jamais envahissante ou inconvenante (703). SC




Sibelius (1): Brefs fragments orchestraux





Les intégrales des Symphonies de Sibelius ne manquent pas, et bon nombre d’entre elles, chacune avec une approche différente – Maazel, Sanderling, Bernstein, Davis, Berglund, Vänskä – contribuent à donner de ce corpus essentiel du maître finlandais autant de visions aussi utiles que captivantes. On ne pourra sans doute pas en dire autant de celle réalisée entre septembre 2012 et juin 2013 à Salford (dans le comté métropolitain de Manchester) sous la direction de John Storgårds (né en 1963). Non pas que le travail d’orchestre du chef finlandais ne soit pas digne d’éloges, avec une formation remarquable et motivée, le Philharmonique de la BBC, dont il est le principal guest conductor depuis janvier 2012, mais on trouvera dans son approche moins de radicalité que d’hédonisme et de dramatisation, moins le souci de tracer une ligne que de faire vivre l’instant. Le coffret offre un complément aussi original que frustrant, enregistré en décembre 2013: trois fragments «tardifs» (datant des années 1930) sélectionnés parmi les nombreux manuscrits conservés à la Bibliothèque de l’Université d’Helsinki, dont il n’est pas interdit de penser qu’ils pourraient être liés à cette mythique Huitième Symphonie que Sibelius, dans sa folle exigence autocritique, aurait détruite (à supposer qu’il l’ait jamais réellement achevée). Moins de 3 minutes au total pour les curieux... et les malins, qui acquerraient ces seules trois plages par téléchargement. La prise de son est spacieuse, voire réverbérée, mais un peu trop lointaine et compacte dans les tutti (Chandos CHAN 10809(3)). SC




Sibelius (2): En demi-teintes





On sera bref pour rendre compte de cet album peu enthousiasmant consacré à Sibelius et enregistré en juin 2013 par le Philharmonique de Bergen sous la baguette du distingué Andrew Davis (né en 1944). Après un intéressant album Brahms/Schumann chez le même éditeur, la violoniste Jennifer Pike (née en 1989) livre une version presque somnolente du Concerto en ré mineur. Un archet trop timide. Une mise en place aboutie mais scolaire. De la mièvrerie parfois. Rien qui ne mérite qu’on s’y attarde... Les extraits symphoniques rassurent sur la capacité du chef anglais à investir une narration (Andante festivo) et installer des climats variés (Finlandia). Plus à l’aise dans l’allégresse – insouciante (suite de Karelia) ou pas (Valse lyrique) – que dans les mystères du Cygne de Tuonela, voire de la Valse triste (dont on est en droit d’attendre une lecture autrement plus magnétique), Andrew Davis ne convainc qu’à moitié (SACD Chandos CHSA 5134). GdH


La rédaction de ConcertoNet

 

 

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