About us / Contact

The Classical Music Network

Editorials

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Entretien avec Avi Avital
02/15/2014


Avi Avital (né en 1978) s’est fait connaître comme le plus éminent représentant actuel d’un instrument ancien et pourtant méconnu, la mandoline. Premier mandoliniste à avoir été nommé aux Grammy dans la catégorie «Meilleur soliste instrumental» (2010), l’Israélien enregistre en exclusivité pour Deutsche Grammophon: après un remarquable album Bach, son deuxième album, «Between Worlds», se veut «une invitation au voyage, et un hommage au caractère aventureux de ces compositeurs du XXe siècle qui introduisirent dans leur musique "classique" les airs et l’esprit des traditions populaires – de leur pays ou de l’étranger». Cet «entre-deux-mondes» offre non seulement un beau voyage sonore – Argentine, Brésil, Bulgarie, Espagne, Etats-Unis/République tchèque, Géorgie, Hongrie, Pays de Galles, Roumanie et cette Europe centrale berceau de la musique klezmer – mais aussi l’occasion d’évoquer, avec l’interprète, son instrument, son répertoire et sa carrière.



(© Guy Hecht/Deutsche Grammophon)


Après un premier album consacré à Bach chez Deutsche Grammophon, le deuxième, «Between Worlds», parcourt l’Europe et les Amériques. Au-delà de leur enracinement dans le folklore, qu’est-ce qui a présidé au choix des pièces? Le plaisir de les jouer – qui s’entend clairement – ou bien d’autres considérations?
Un thème relie toutes les pièces de l’album: l’intégration de la musique populaire traditionnelle dans la musique «classique» ou «savante». L’exploration des frontières entre ces deux genres m’a toujours intrigué en tant qu’artiste. Elle se reflète aussi de manière directe dans mon instrument, qui jouit de cette identité ambiguë, entre instrument classique et populaire. Afin d’«enquêter» sur ce thème, je me suis référé à des compositeurs du XXe siècle qui sont des symboles d’une telle intégration. Bartók, Falla, Piazzolla, Villa-Lobos et d’autres – tous ont réélaboré leur propre musique populaire et l’ont mise à l’affiche des salles de concert.


Comment avez-vous rencontré Richard Galliano, qui a lui aussi publié un magnifique album Bach chez Deutsche Grammophon?
Comme la mandoline, l’accordéon est un instrument qui jouit de cette identité ambiguë qui peut être reliée à la fois à la musique classique et à la musique traditionnelle. Richard Galliano est un de mes héros depuis qu’étant encore enfant, j’ai trouvé l’un de ses disques à la maison. Cela a toujours été mon rêve que de pouvoir jouer un jour avec lui. Dès nous avons commencé à travailler sur cet album, l’idée de l’inviter à y participer a tout simplement paru une chose si naturelle à faire. Nous avons demandé, et il a accepté avec joie. Nous avons passé une journée mémorable en studio et c’est une expérience que je n’oublierai jamais.


Comment êtes-vous venu à la mandoline et non, par exemple, au violon ou au piano? Y a-t-il une tradition de cet instrument en Israël qui serait venue de l’Europe orientale?
C’est par coïncidence que j’ai rencontré la mandoline. Quand j’étais enfant, un de mes voisins en jouait. J’aimais vraiment les sonorités et ce voisin amical: j’ai donc demandé à mes parents si je pouvais aussi en jouer. L’histoire de la mandoline en Israël a effectivement des origines en Europe de l’Est, mais, curieusement, elle s’est enracinée dans ma ville natale de Beer Sheva, dont la population est originaire de beaucoup de différentes diasporas. Dans les années 1970, un professeur de violon venu de Russie y a fondé un orchestre de mandolines, qui est rapidement devenu la fierté du conservatoire local...


Quel est le répertoire de musique «classique» pour un joueur de mandoline à notre époque? Faut-il compter avant tout sur les transcriptions, comme dans votre album «Between Worlds», ou bien le répertoire originellement destiné à l’instrument est-il suffisant?
En quantité comme en qualité, le répertoire original pour la mandoline ne peut pas être comparé à celui des instruments plus habituels, tels le violon et le piano. Je considère que c’est une grande chance – d’abord en commandant de nouvelles œuvres pour la mandoline et en étendant son répertoire, mais aussi en choisissant de magnifiques œuvres écrites pour d’autres instruments et en les réarrangeant pour mandoline. Je m’efforce toujours d’apporter quelque chose de nouveau dans ces arrangements, de présenter l’œuvre sous une nouvelle lumière ou sous un angle différent. Tout l’objectif de ces arrangements de pièces célèbres pour l’album «Between Worlds» est de les interpréter ici dans une instrumentation qui ressemble à leurs origines. La mandoline change de caractère d’une œuvre à l’autre – elle peut sonner très «espagnole» dans une œuvre et très «russe» dans une autre. Je me suis servi de cette qualité unique de la mandoline tout au long de l’album entier.



(© Uwe Arens/Deutsche Grammophon)


Comment la facture de la mandoline a-t-elle évolué au fil des siècles? Changez-vous d’instrument en fonction du répertoire, notamment pour interpréter la musique ancienne et baroque? L’instrument est-il à l’aise dans les grandes salles de concert modernes?
Le développement de la mandoline à travers les siècles a été très dynamique. En fait, à la différence de tout autre instrument connu, la mandoline se présente sous de très nombreuses formes différentes et très diverses esthétiques sonores. En Amérique, par exemple, la mandoline est principalement associée aux musiques bluegrass et country; la mandoline typique y a un dos plat, on la joue le plus souvent debout et avec un médiator lourd; la sonorité est plus nasale. En Italie, on trouve la mandoline traditionnelle – celle avec le dos arrondi, en forme de poire; sa sonorité est plus claire et métallique – c’est la sonorité souhaitée lorsqu’on pense au baroque italien ou à la chanson napolitaine. Je joue sur une mandoline qui est un résumé de toutes les qualités des différentes traditions. Elle a été faite par le luthier israélien Arik Kerman. L’un des besoins qu’elle était destinée à satisfaire est d’avoir un grand son, susceptible de remplir une salle de concerts moderne sans le secours d’une amplification.


Mahler, Schönberg et Webern, notamment, ont ajouté la mandoline à leur palette de timbres, mais y a-t-il un répertoire contemporain pour l’instrument? Etes-vous intéressé par ce que des compositeurs de notre temps pourraient apporter à l’instrument? Avez-vous déjà commandé ou créé des œuvres ou bien comptez-vous le faire?
Oh oui! J’ai récemment calculé que j’avais donné plus de quatre-vingts premières de pièces pour mandoline (ou avec mandoline), dont la plupart commandées par mes soins. Le développement du répertoire contemporain pour mandoline est l’une des missions de ma vie et j’ai énormément de plaisir à le faire. Je crois que la tranquille mandoline réserve encore pas mal d’autres surprises!


Quels sont vos projets en concert et au disque?
Je vais beaucoup être en tournée dans les mois qui viennent. J’aime beaucoup intégrer dans mes programmes ce jeu sur les genres et les styles, comme le reflète l’album «Between Worlds». En même temps, je commence à constituer le répertoire pour mon prochain album. J’ai l’impression que dans ce prochain album, je retournerai aux racines de la mandoline et que je rendrai hommage à l’un de ceux qui ont toujours été mes compositeurs favoris! Davantage d’indices prochainement!


Le site d’Avi Avital


[Propos recueillis par Simon Corley]

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com