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Entretien avec A. Pappano
04/10/2013


Sir Antonio Pappano est directeur musical du Royal Opera House à Covent Garden depuis 2002 et également directeur musical de l’Orchestre de l’Accademia nazionale di Santa Cecilia. Il répond aux questions de ConcertoNet à l’occasion de sa première visite en Suisse avec son orchestre italien, pour une tournée qui va passer par Bâle, Genève, Berne et Zurich.



A. Pappano (© Laurie Lewis)


Il existe des identités précises sur des traditions orchestrales autrichienne, allemande, russe... mais moins sur une tradition italienne. Existe-t-il une spécificité orchestrale dans ce pays?
L’Italie est naturellement le pays de l’opéra. La musique vocale y prend la première place. On retrouve cela dans l’ADN de chaque musicien ou de chaque spectateur dans le public. L’Orchestre de l’Académie Sainte Cécile existe depuis plus de cent ans. Son histoire est très intéressante. De très grandes personnalités, chefs et compositeurs, sont venus le diriger: Mahler, Furtwängler, Strauss, Stravinsky, Debussy, et tous les grands chefs, Toscanini, de Sabata, Barbirolli, Karajan, Kleiber... Il a donc une histoire assez riche. Mais le répertoire de la musique symphonique italienne n’est pas très développé. Cela explique qu’il y ait moins de tradition ou une vraie identité de son et d’approche par rapport à d’autres pays. Avec chaque compositeur, il faut se réinventer. Mais il y a une certaine italianité: nous avons un côté théâtral qui vient directement de l’opéra et du drame. C’est très important que l’orchestre soit expressif, que l’émotion soit présente et qu’il y ait une ferveur qui touche le public.


L’Italie connaît une situation économique et politique particulièrement troublée. Est-ce que cela a un impact sur l’art et sur l’orchestre?
Cela a un grand impact. Les institutions ne sont pas assez actives pour combattre le manque de vision politique. C’est très difficile. Nous ne sommes pas complètement dans une situation dangereuse grâce à nos abonnements à Rome et les liens très forts que nous avons avec notre public, nos tournées, nos enregistrements ainsi que nos activités d’éducation. Cela aide mais de plus en plus, nous devons chercher des fonds privés pour nous soutenir. C’est là que la qualité et que l’intégrité de l’équipe sont importantes pour bénéficier de collaborations concrètes.


Est-ce le cas également en Angleterre?
Oui, les subventions baissent chaque année et naturellement, l’opéra c’est très cher et il n’y a rien à faire. Les mécènes et les financements privés sont devenus très importants. Je pense que la clef n’est pas seulement de trouver des gens qui aident financièrement mais de trouver des amis qui veulent connaître le monde de l’opéra de façon plus intime, connaître l’institution de l’intérieur.


Vous évoquez l’importance du mécénat. Le modèle américain ou suisse de financement est-il en train de devenir fondamental pour les institutions musicales européennes?
Le modèle américain est extrême. Je trouve que cela est dommage, car c’est la responsabilité du gouvernement que l’art soit ouvert à tous. Si nos institutions doivent survivre, tout le monde doit participer.


Une dernière question: est-ce bien la première fois depuis au moins dix ans que vous venez diriger à Genève?
J’ai de très beaux souvenirs du Victoria Hall J’y suis venu avec l’Orchestre philharmonique d’Israël lors d’une tournée. J’ai également dirigé l’Orchestre de la Suisse romande à Genève à une seule reprise. C’était une très belle expérience mais je n’ai presque plus de temps pour diriger en tant que chef invité depuis que j’ai repris Covent Garden et l’Orchestre de Santa Cecilia, et c’est très dommage.


[Propos recueillis par Antoine Leboyer]

 

 

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