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CD, DVD et livres: l’actualité de février
02/15/2013



Les chroniques du mois




Must de ConcertoNet


    L’oracolo in Messenia de Vivaldi




 Sélectionné par la rédaction


    Le Quatuor Ysaÿe interprète Beethoven




 Oui!

Mélodies françaises par Dietrich Fischer-Dieskau
Xavier Sabata chante Händel
Simon Rattle dirige Bruckner
Le Trio Hoboken interprète Ravel, Turina et Chabrier
Le Quatuor Terpsycordes interprète Beethoven
Le Quatuor Brentano interprète Berg et Beethoven
Le Quatuor Amaryllis interprète Beethoven
Colin Davis dirige Nielsen
Jan Talich et Agnès Pyka interprètent Bartók
Francesco La Vecchia dirige Sgambati
Gianandrea Noseda dirige Petrassi
Yury Martynov interprète Beethoven transcrit par Liszt
Le Trio Triple Forte dans Chostakovitch, Ravel et Ives
Le Quatuor Molinari interprète Schnittke
Le Trio Zodiac (piano, violon et clarinette)
Karlheinz Stockhausen dirige Mozart et Haydn
Trois œuvres d’Henri Tomasi
Œuvres de Jean Cras
Michael Schäfer interprète J. Charpentier




 Pourquoi pas ?

Tempesta di Mare interprète Fasch
Francesco La Vecchia dirige Casella
Mélanie Boisvert et Lionel Peintre chantent Gaubert
La pianiste Olga Pashchenko
Œuvres de Tomasi arrangées pour orchestre d’harmonie
Apprentissage du musicien et situations collectives




Pas la peine
Martha Argerich interprète Tchaïkovski et Prokofiev
Hans Knappertsbusch dirige Bruckner
Knut Jacques interprète Chopin
Elizabeth Sombart interprète Chopin
Antonino Fogliani dirige L’occasion fait le larron de Rossini
Robert Heger dirige R. Strauss




Hélas!
Le Barbier de Séville au Met (1950)






L’entretien du mois



Le Trio Hoboken







Le match du mois


    
    
Quatre quatuors interprètent Beethoven





En bref


Yury Martynov, l’esprit lisztien et la lettre beethovénienne
Ravel, Chostakovitch, Ives: triplement Triple Forte
Tomasi à l’honneur
Dans l’atelier stylistique de Bartók
Le Trio Zodiac: un bon signe
L’Italie, mais sans Verdi
Le lyrisme expressif de Schnittke
Jacques Charpentier: l’œuvre d’une vie
Occasion manquée
Un pianoforte de tempérament et à poigne
Gaubert mélodiste
Terne Chopin
Colin Davis achève son intégrale Nielsen
Jean Cras en famille
Richard Strauss aux Ballets russes
Apprentissage du musicien et pratiques collectives
Stockhausen et les classiques: une rencontre inattendue





Yury Martynov, l’esprit lisztien et la lettre beethovénienne





Yury Martynov (né en 1969) poursuit chez Zig-Zag Territoires son parcours parmi les Symphonies de Beethoven transcrites par Liszt. Après les Deuxième et Sixième «Pastorale», il confirme la réussite de son premier album dans les Première et Septième. Toujours sur un Erard de 1837 dont il exploite remarquablement la finesse, le pianiste russe va peut-être ici encore plus loin dans les contrastes, la démesure, la virtuosité et la liberté, mais l’approche est toujours intelligente et sensible et le résultat, sans nul doute plus fidèle à l’esprit lisztien qu’à la lettre beethovénienne, est souvent enthousiasmant, notamment par son art de faire tour à tour chanter et virevolter l’instrument (ZZT317). SC




Ravel, Chostakovitch, Ives: triplement Triple Forte





Les trois trios avec piano au programme du récital de Triple Forte ne sont rares ni au concert ni au disque, mais les trouver dans un même récital est d’autant plus exceptionnel qu’il s’agit du Premier Trio (1923) d’un jeune Chostakovitch de dix-sept ans et non du Second de 1944, plus âpre et autrement plus célèbre. D’emblée naît l’envie d’écouter cet ensemble au nom évocateur, bien connu au Canada depuis 2003 grâce à sa forte personnalité. David Jalbert (piano), Jasper Wood (violon) et Yegor Dyachkov (violoncelle) respectent pleinement, et avec une grande clarté musicale, la beauté aérée, le caractère rhapsodique, les sinuosités sensuelles et les rythmes superposés du merveilleux Trio que Ravel composa au Pays basque en 1914, y empruntant certaines des fragrances populaires. Dans la douceur onirique comme dans la fougue, leur présence est vive. Le Premier Trio de Chostakovitch éclot en douceur pour s’épanouir dans un semblable climat rhapsodique. Ils en accentuent toute l’étonnante modernité d’écriture sans pour autant étouffer l’élan brahmsien et la profondeur du sentiment. Le Trio (1904-1905/1911) d’Ives enchâsse tous les jeux favoris de cet enfant terrible, précurseur malgré lui de courants musicaux des plus extrêmes. Triple Forte s’en tire avec brio, leur héritage anglo-saxon permettant de mieux cerner, ressentir et servir les savants empilements d’éléments hymniques et populaires du scherzo «TSIAJ», «plaisanterie» musicale de haute volée aux strates polyrythmiques qui entremêlent non moins de dix airs du patrimoine américain. Ives propose un premier mouvement presque atonal, savamment construit, et un troisième plus volontairement conventionnel mais non sans surprise. Un vent de liberté souffle sur le programme entier. Recommandé (ATMA Classique ACD2 2633). CL




Tomasi à l’honneur


        


Deux parutions viennent offrir des aspects très différents de la musique d’Henri Tomasi (1901-1971). Indésens! revient une fois de plus au compositeur marseillais, après des mélodies et autres œuvres inspirées par la Corse (voir ici) puis une intégrale de son œuvre pour trompette (voir ici) autour d’Eric Aubier. L’éditeur poursuit par la même occasion sa collaboration avec le trompettiste français en reprenant deux pièces au programme de son précédent disque: la brève et amusante Suite pour trois trompettes (1964), avec Alexandre Baty et Frédéric Mellardi, et, surtout, le célèbre Concerto (1948), cette fois-ci avec un accompagnement arrangé pour orchestre d’harmonie. Le Concerto pour trombone (1956), pareillement arrangé, et de façon tout aussi convaincante, met en vedette Fabrice Millischer. Avec, toujours, l’Orchestre d’harmonie de la Garde républicaine, l’arrangement par l’incontournable Désiré Dondeyne de trois des cinq mouvements de la belle Suite symphonique tirée de l’opéra Noces de cendres (1952) porte à trois le nombre de «premières mondiales» de cet album (INDE050). C’est à Tomasi l’humaniste, inspiré par Vercors, Camus et Césaire, que rend hommage l’édition par Ad Vitam de trois remarquables enregistrements publics réalisés entre 1970 et 2005. Dans le poignant «drame lyrique» Le Silence de la mer (1959), d’une grande efficacité dramatique, les monologues de l’officier allemand (le baryton Bernard Demigny) se heurtent à la résistance mutique de l’oncle et de sa nièce. La cantate Retour à Tipasa (1966), pour récitant (ici, Daniel Mesguich), chœur d’hommes et orchestre, se révèle puissamment évocatrice. Enfin, Pierre Dervaux, qui en avait assuré la création, dirige la Symphonie du Tiers-Monde (1967), «en hommage à Hector Berlioz» (en vue des célébrations du centenaire de sa mort). Tomasi partage assurément avec lui un véritable sens de la démesure et il le cite en exergue de cette partition hors normes, qui, avec son lancinant «Lamentoso» initial, son déchirant «Révolté» central et son véhément Allegro giocoso final, se situe sans peine au niveau des symphonies contemporaines de Jolivet ou Le Flem (AV 121115). SC




Dans l’atelier stylistique de Bartók





Si Indésens! s’intéresse prioritairement à l’école française des vents, ce n’est pas pour autant que l’éditeur français oublie les cordes: ainsi de ce nouvel enregistrement des Quarante-quatre Duos pour deux violons de Bartók. Comme les six recueils de Mikrokosmos pour piano, dont elles sont contemporaines, ces pièces brèves, fondées pour la quasi-totalité sur d’authentiques mélodies populaires, vont bien au-delà de leur simple ambition éducative. Jan Talich (né en 1967), premier violon du quatuor du même nom, et Agnès Pyka (née en 1968), fondatrice et directrice artistique de l’ensemble marseillais Des Equilibres, notamment formée à l’Académie Franz Liszt de Budapest, ne respectent pas l’ordre numérique des pièces, conformément au souhait exprimé par le compositeur, qui invitait les interprètes à offrir ainsi aux auditeurs un parcours plus diversifié que la stricte progression pédagogique selon laquelle les quatre livres sont ordonnancés. Les deux violonistes rendent pleinement justice à l’importance de ces pages dans l’œuvre, l’univers et la formation du style de Bartók que s’emploie pertinemment à souligner la notice de Claire Delamarche (INDE049). SC




Le Trio Zodiac: un bon signe





Fondé en 2006 à la Manhattan School of Music de New York, le Trio Zodiac tente de se forger une réputation malgré une formation (clarinette, violon, piano) peut propice à attirer l’attention sur lui en plus de restreindre son répertoire. Cette carte de visite devrait l’aider. Son interprétation vive, sèche et épicée de la Suite de L’Histoire du soldat de Stravinski affiche une tenue impeccable et repose sur un dialogue instrumental de premier ordre. Les Contrastes de Bartók se révèlent tout aussi spirituels et effervescents. Inutile de s’attarder sur A Smiling Suite de Nicolas Bacri, dont il s’agit ici du premier enregistrement: sans réelle portée, ce pastiche provenant à l’origine de pièces pour piano s’écoute plaisamment, sans plus. En revanche, le Trio d’Oustvolskaïa intéresse davantage, surtout que les musiciens maintiennent un climat angoissant. Un disque indispensable? Peut-être pas mais, si d’aventure, le Trio Zodiac se produit à proximité de chez vous, n’hésitez pas à aller l’écouter (Blue Griffin BGR257). SF




L’Italie, mais sans Verdi


                       

                 


L’année Verdi bat son plein, mais que sait-on en fin de compte de ses contemporains et de ceux qui lui ont succédé, à la fin du XIXe et au XXe? L’infatigable Francesco La Vecchia (né en 1954), directeur musical de l’Orchestre symphonique de Rome qu’il a fondé en 2002, débute chez Naxos une série dédiée à Giovanni Sgambati (1841-1914), qui, avec son cadet Giuseppe Martucci, a été l’artisan du réveil de la musique symphonique et instrumentale italienne dans la seconde partie du XIXe siècle. Elève de Liszt, chaleureusement introduit chez Schott par Wagner, il apparaît cependant davantage comme un héritier de la tradition schumannienne. Se référant à la même figure historique que Rienzi et destinée à des représentations du «poème dramatique» de Pietro Cossa et, l’ouverture pour Cola di Rienzo (1866), dont le manuscrit n’a été retrouvé que récemment, tient du poème symphonique tant par ses proportions que par son caractère quasiment narratif. Presque aussi imposante avec ses cinq mouvements de près de trois quarts d’heure, la Première Symphonie (1881), saluée par Saint-Saëns et défendue par Toscanini, témoigne d’une latinité canalisée par l’influence germanique, mais qui ne demande qu’à s’exprimer dans les mouvements pairs, le suave et frémissant Andante mesto et la tendre et subtile Serenata. Mais ce lyrisme pourrait également faire penser à quelque symphonie de jeunesse de Tchaïkovski, son aîné d’un an, ou de Dvorák, né six mois après lui: c’est dire que cette musique mérite davantage que d’être considérée pour sa seule valeur historique (8.573007). On retrouve les mêmes interprètes pour la suite des publications que le même éditeur consacre avec constance à Alfredo Casella (1883-1947). Ce sixième volume confirme qu’il s’agit là d’une bien fructueuse redécouverte (voir par ailleurs ici), même si, contrairement à ce que revendique le verso du boîtier, il n’offre qu’une seule première discographique mondiale: les deux Suites tirées de l’opéra La Femme serpent (1932) – d’après une pièce de Gozzi dont le jeune Wagner s’était inspiré dans Les Fées – sont en effet déjà parues l’année dernière dans le cadre de l’édition que Noseda consacre parallèlement au compositeur chez Chandos (voir ici) et qui se révèle d’ailleurs préférable ici. Seule véritable «première», par conséquent, le triptyque Introduction, Air et Toccata (1933) est caractéristique du néoclassicisme opulent de Casella à cette époque et de son talent à trousser de somptueux mouvements lents. De même, dans la vaste Partita pour piano et petit orchestre (1925), avec la Coréenne Sun Hee You, l’ample Passacaille centrale, encadrée par deux mouvements goguenards et ensoleillés (Sinfonia et Burlesca), faisant parfois penser à sa propre Scarlattiana mais aussi au Carnaval d’Aix de Milhaud, exactement contemporain, montre une fois de plus que le néoclassicisme de Casella n’est nullement synonyme de superficialité (8.573005). Pendant ce temps, Chandos et Gianandrea Noseda (né en 1964), avec les choristes et musiciens du Teatro Regio de Turin, dont il est le directeur musical depuis 2007, se tournent, dans la génération suivante, vers un autre oublié de la musique italienne, Goffredo Petrassi (1904-2003), dont le nom ne reste plus gravé dans les mémoires que pour ses bouleversants Coro di morti. Antérieures de quelques années à peine, les deux pages chorales réunies sur ce disque sont d’une tonalité beaucoup moins sombre, attestant, à l’image de son aîné Malipiero, de l’intérêt du compositeur pour la musique des XVIe et XVIIe. Dédié à Casella, le Magnificat (1940) valait assurément un premier enregistrement mondial: claire et lumineuse, tour à tour puissante et délicate, fraîche et expressive, l’œuvre, où résonnent peut-être aussi quelques échos de la Symphonie de psaumes de Stravinski, comprend une partie périlleuse et très ornementée de «soprano leggero» qui met parfois en difficulté la Slovène Sabina Cvilak (née en 1978). Dans le Psaume IX (1935), dédié à ses parents, la marque de Stravinski est encore plus perceptible, ne serait-ce que dans une formation instrumentale dont sont exclus les bois mais comprenant deux pianos. Cela étant, la rythmique mordante se conjugue chez Petrassi à un très solide sens contrapuntique et à un chant qui s’épanouit dans de longues phrases (CHAN 10750). SC




Le lyrisme expressif de Schnittke





Alfred Schnittke (1934-1998) trouve bien sa place au répertoire du Quatuor Molinari, très axé sur la richesse et la diversité de la musique au XXe siècle. Après une intégrale des Quatuors du compositeur russe, le quatuor québécois se tourne vers sa musique de chambre des années proches de ce corpus pour présenter, en compagnie de Louise Bessette au piano, trois de ses œuvres les plus marquantes. Terminé en 1975 à la mémoire de sa mère, le Quintette avec piano, en cinq mouvement contrastés, est un thrène – un concentré en fusion d’un intense cri de douleur intériorisé et de tragiques évocations obliques de rituel et de grâce enfantine. Le Trio à cordes de 1985 est le fruit d’une commande pour célébrer le centenaire de la naissance d’Alban Berg – on n’oublie pas les attaches viennoises du compositeur. Parfois post-bergien, souvent déconcertant, le ton des deux mouvements est encore à la déploration. La vie dramatique du compositeur ne pouvait qu’encourager une tendance naturelle à une expressivité intense, sombre, grinçante ou d’une simple beauté de surface qu’il dénommait ses «cadavres exquis». Le Trio se déploie fugitivement en écho à son admiration pour Mahler, ce qui l’a mené en 1988 à son bref Quatuor avec piano, fondé sur les idées esquissées par un jeune Mahler pour la même formation. Schnittke exploite le thème avec adresse exigeant des techniques de jeu aventureuses mais le file in fine sans détour. Pour ce programme entier, on sait gré au Quatuor Molinari et à Louise Bessette de ne pas céder aux modes de jeu plus secs et plus abrasifs de la fin du siècle dernier mais de rendre à Schnittke tout son lyrisme expressif, dissonant ou consonant, sans lisser son inventivité et les traits plus audacieux de son écriture. Convaincant (ATMA Classique ACD2 2669). CL




Jacques Charpentier: l’œuvre d’une vie





Très tôt marqué par un séjour en Inde (1953-1954), Jacques Charpentier (né en 1933) a édifié, en près de trente ans (1957-1984), un corpus colossal (3 heures) de soixante-douze Etudes karnatiques, regroupées en douze cycles de six chacun. Chaque étude porte le titre du mode carnatique sur laquelle elle est fondée. Riches accords, grands gestes de virtuosité ou de sonorité, densité des couleurs, ostinatos et jeux rythmiques, on songera ici maintes fois à Messiaen, dont il suivit la classe d’analyse dans les années 1950 et qui fut aussi influencé par cet aspect de la musique indienne, mais cette seule référence serait injustement réductrice: non seulement d’autres influences sont perceptibles (Debussy, Bartók), mais sa démarche est moins systématique, exempte d’inspiration religieuse ou ornithologique mais aussi de ces longues extases si typiques de son aîné (ce que la forme, au demeurant, impose). Exigeante (notamment pour l’interprète), la musique de Charpentier est cependant tout sauf aride: artisan de la collection «Inouï» (Un!erhört) de Genuin, dans le cadre de laquelle il a déjà enregistré de multiples raretés (d’Indy, Cyril Scott, ...), Michael Schäfer (né en 1963), athlétique et puissant, parfois même un peu dur, privilégie cependant une certaine objectivité et ne se laisse pas envahir par l’émotion. Mais l’ensemble n’en demeure pas moins passionnant (coffret de trois disques GEN 12257). SC




Occasion manquée





Certes, L’occasione fa il ladro (L’occasion fait le larron), petite farce en musique en un acte composée en 1812 par le jeune Rossini, n’encombre pas les bacs des disquaires et le présent enregistrement, réalisé au cours de trois représentations données en public en juillet 2005, à la Kursaal de Bad Wildbad (petite ville de Bade-Wurtemberg), représente à ce titre une petite aubaine mais pour le reste... Tout d’abord, on passera rapidement sur l’orchestre (le Philharmonique du Wurtemberg) dont le son est, en maintes occasions, totalement insupportable, les bois jouant faux beaucoup trop fréquemment (à ce jeu-là, mention particulière aux clarinettes), et dont la verve à laquelle on s’attend dans ce type de répertoire est réduite à néant par la direction sans imagination ni tension d’Antonino Fogliani. Quant aux voix, on sait que, chez Rossini, les chanteurs doivent non seulement être d’une technique infaillible mais aussi être dotés d’un vrai sens du théâtre, qui plus est dans ces opéras où tout n’est que burlesque. Or, les voix féminines ne sont jamais convaincantes, à commencer par celle d’ Elizaveta Martirosyan, qui crie plus souvent qu’elle ne chante. Les voix masculines, en revanche, sont plutôt agréables à écouter, qu’il s’agisse des deux barytons Gianpiero Ruggeri et Mauro Utzeri (notamment dans le beau duo «Che sorte, che accidente») ou du ténor Gardar Thór Cortes. On écoutera à cet effet son introduction au truculent trio masculin «Il tuo rigore insano fiero destin, sospendi» et l’on passera pudiquement sur quelques aigus bien difficiles dans l’air «D’ogni più sacro impegno»... En fin de compte, on en reste donc sans aucune hésitation à la belle version dirigée par Marcello Viotti chez Claves, où l’esprit rossinien brille avec une conviction qui surpasse largement la présente version (deux disques Naxos 8.660314-15). SGa




Un pianoforte de tempérament et à poigne





Le programme est conçu comme un récital: pour son premier disque, Olga Pashchenko (née en 1986) démontre que le passage du classicisme au romantisme s’effectue de façon progressive et «subtile», pour reprendre le terme qu’elle emploie dans sa note d’intention. Beethoven (Bagatelles opus 33, Trente-deuxième Sonate) constitue le point culminant d’un parcours qui débute par Dussek (Sonate «Elégie harmonique sur la mort de son Altesse Royale le Prince Louis Ferdinand de Prusse») et s’achève par les Variations sérieuses de Mendelssohn. La pianofortiste russe, qui a bénéficié de la science d’Alexei Lubimov et Richard Egarr, livre des interprétations assurées, rigoureuses, fermes mais parfois trop anguleuses. Néanmoins, ce beau tempérament artistique tire d’un Donat Schöfftos de 1812 et d’un Conrad Graf de 1826 des teintes variées. Fuga Libera adopte un design plus moderne mais, contrairement à l’habitude du label belge, la notice ne comporte pas de traduction en néerlandais (FUG598). SF




Gaubert mélodiste





Timpani continue de s’intéresser à l’œuvre du chef d’orchestre et flûtiste Philippe Gaubert (1879-1941): après sa musique symphonique, et sans oublier que Fuga Libera avait par ailleurs honoré sa musique de chambre, voici une sélection de trente-quatre (dont douze premières mondiales) de ses quatre-vingt-dix mélodies, comprenant six recueils – Deux Mélodies (1920), Quatre ballades françaises (1923), Trois nouvelles ballades (1927), Les Stances (1928), La Verdure dorée (1932) et Chansons pour me consoler d’être heureux (1935) – et six des Dix Poèmes (1933). Paul Fort fut l’un de ses principaux inspirateurs – on entendra notamment la «Complainte du petit cheval blanc» que Brassens rendit célèbre quelques années plus tard – mais il a également choisi Tristan Derème, Jean Moréas et, plus marginalement, Baudelaire, Verlaine et Henri de Régnier. Si elle est née au moment de l’apogée des «Six», la musique, volontiers radieuse et charmeuse, indolente et sensuelle, se situe davantage dans l’héritage de Fauré et Debussy – impossible de ne pas entendre «Des pas sur la neige» dans «Maintenant que la neige a blanchi la maison». Excellemment accompagnés par Alain Jacquon, la soprano Mélanie Boisvert et le baryton Lionel Peintre convainquent davantage par leur adéquation stylistique que par des voix qui ne peuvent toujours dissimuler leurs limites (1C1199). SC




Terne Chopin


        


Chopin étant une matière inépuisable pour les pianistes, chaque nouvel enregistrement rend nécessairement très exigeant. Enregistré en l’hôtel Cromot du Bourg à Paris sur des instruments Pleyel de choix (un piano de 1843 et un pianino de 1834), le disque de Knut Jacques semblait plein de promesses. Malgré le bel élan de la Deuxième Sonate, l’intérêt retombe vite néanmoins, tant en raison d’un jeu conventionnel – sans clarté ni précision (Nocturne en si bémol mineur) – que d’une sonorité par trop étouffée – ne rendant pas hommage au lyrisme chopinien. Les résonances opaques de la pédale sont vite étouffantes (Première Ballade), voire laides (Nocturne en do dièse mineur). Un piano qui s’égare dans l’immobilisme (Paraty 112110). Dans un style opposé, les lenteurs nocturnales d’Elizabeth Sombart (née en 1958) n’en sont pas moins monotones. Le kitsch de la couverture laissait craindre une interprétation romantisante des Nocturnes... et le premier d’entre eux confirme qu’un déluge de rubato et d’effets de nuances s’abattra sur l’auditeur. Les tempos sont souvent erratiques, s’attardant à l’excès dans les notes suspendues, déstructurant certains phrasés. La «Celibidache du clavier» n’en produit pas moins son petit effet. Affaire de goût. Nous continuerons, pour notre part, d’explorer ces pièces sous des doigts d’une profondeur plus consistante (double album Forlane FOR 16871). GdH




Colin Davis achève son intégrale Nielsen





LSO Live achève la publication de l’intégrale Nielsen que Colin Davis dirige en public à la tête du Symphonique de Londres, dont il est le president: après les Quatrième «Inextinguible» et Cinquième, puis les Première et Sixième «Sinfonia semplice», il restait donc les Deuxième «Les Quatre Tempéraments» et Troisième «Sinfonia espansiva», soit le même programme par lequel Alan Gilbert a quant à lui débuté sa propre intégrale à New York (voir ici). Réalisé à l’occasion de concerts donnés en décembre 2011, avec des interventions convenables de la soprano Lucy Hall et du bayrton Marcus Farnsworth dans l’Andante pastorale de la Troisième, l’enregistrement clôt de façon énergique et allante une série tout à fait recommandable, même si elle ne menace pas les références antérieures, telles que Blomstedt (Decca), Schmidt (Unicorn), Schønwandt (Dacapo) ou Vänskä (Bis) (LSO00722). SC




Jean Cras en famille





Timpani a encore fait du bon travail. Voici quelques pages que Jean Cras a dédiées à sa femme et à ses quatre enfants. Les Ames d’enfants (1918), pour piano à six mains, le Première anniversaire (1919), pour piano, et les Quatre pièces pour violon et piano, qu’il a offertes à son fils Jean-Pierre à chacun de ses anniversaires de 1926 à 1929, occupent une position modeste dans son catalogue, surtout en regard de chefs-d’œuvre comme Journal de bord ou Polyphème, mais c’est de la musique joliment troussée. Plus essentielles, les Trois chansons bretonnes (1932), dédiées à son épouse Isaure, offrent un visage plus contrasté. Sa femme ne soupçonnait sans doute pas le caractère prémonitoire de ce triptyque, tantôt gai, tantôt dramatique («La Mort»), que son mari a composé sur ses propres textes. Colette Cras (1908-1953), épouse d’Alexandre Tansman, a créé le Concerto pour piano (1931) que son père lui a dédié. Le disque comporte un témoignage inédit de 1948 mais, à cause d’une prise de son lointaine et distordue et d’un orchestre souvent pénible, la version de Jacquon/Antonioli (Timpani 2C2088) reste préférable pour découvrir cette œuvre libre et personnelle. Les interprètes sont pour la plupart des habitués du label (Mélanie Boisvert, Philippe Graffin, François Kerdoncuff, Alain Jacquon, Lionel Peintre et Laurent Wagschal). Recommandé sans réserve aux amoureux de la musique française, plus particulièrement à ceux qui s’intéressent à celui que Duparc appelait le «fils de mon âmes» (1C1200). SF




Richard Strauss aux Ballets russes





Richard Strauss a triomphé à la scène essentiellement par ses opéras ou même ses musiques pour des pièces de théâtre, car ses deux ballets, La Légende de Joseph et Crème fouettée, ne se sont pas imposés au répertoire, que ce soit celui des compagnies de ballet ou celui des orchestres... à la différence des différentes Suites de valses du Chevalier à la rose. Le premier fut conçu pour les Ballets russes et présenté pour la première fois à l’Opéra de Paris le 14 mai 1914 sous la direction du compositeur, dans une chorégraphie de Fokine, des décors de Sert et des costumes de Bakst. Le livret de Hofmannsthal et Harry von Kessler, déjà associés trois ans plus tôt pour Le Chevalier, est centré sur le célèbre épisode de la femme de Putiphar et offre ainsi, entre la première version d’Ariane et Naxos et La Femme sans ombre, le prétexte à une orgie orchestrale orientaliste. De fait, Strauss, qui ne reçut jamais les 6000 francs promis pour ce «ballet pantomime», eut du mal à en venir à bout, ce dont se ressent le résultat, qui apparaît moins inspiré que soucieux d’épater la galerie avec des effets orchestraux confiés à un effectif démesuré (clarinette contrebasse, quatre harpes, orgue, ...): entre la Sinfonia domestica et la Symphonie alpestre, une ivresse, pas toujours dansante, au demeurant, de déferlements instrumentaux éclatants, de généreuses apothéoses et de longues phrases mélodiques. Compositeur, mais surtout éminent chef straussien, Robert Heger (1886-1978) dirige dans cette réédition l’Orchestre de l’Opéra d’Etat de Bavière: la baguette est convaincue et enflammée mais l’enregistrement porte son âge (60 ans) et ne permet pas de rendre justice à la luxuriance instrumentale de la partition. Le travail éditorial d’Acanta se révèle en outre bien paresseux, avec une unique plage d’un plus d’une heure au prétexte que l’œuvre est d’un seul tenant (233593). SC




Apprentissage du musicien et pratiques collectives





Sous la direction de François Madurell, Les situations collectives dans le parcours de l’apprentissage du musicien fait suite à des recherches menées pendant une année entière auprès des écoles de musique de la Mayenne par l’université Paris-Sorbonne et à deux journées d’études réunissant les chercheurs et de nombreux acteurs de la vie musicale de la région. Les pratiques collectives se dévoilant en constante augmentation, l’objectif de l’ensemble des contributions est d’examiner la nature, la place, l’apport, la valeur et les limites d’un apprentissage collectif, associé et non-associé à un enseignement individuel. Devant la diversité des attitudes et des points de vue, aussi bien de spécialistes touchant à plusieurs domaines que d’enseignants et de musiciens de tout âge en formation, François Madurell fait le choix d’une organisation tripartite, allant du général au particulier. La première partie expose la situation actuelle de la vie musicale et culturelle en France, les pratiques actives ou plus passives (concert, écoute) les institutions et les autres sources d’apprentissage. Les fruits et les conclusions du travail de recherche mené en Haute-Mayenne occupent la deuxième partie. Les chercheurs partent de leurs observations pour déterminer les différents types de compétence – général, transversal ou spécifique – et les conditions optimales de leur acquisition – individuelles, collectives ou autre. Couvrant un vaste terrain, la dernière partie livre les interventions et les échanges avec le public, transcrits bruts de décoffrage, pendant les journées d’étude tenues à Mayenne, les animateurs des différentes séances étant tous des professionnels actifs d’une région qui fait ici preuve de sa vitalité (coédition Aedam Musicae et ADDM53 AEM-117). CL




Stockhausen et les classiques: une rencontre inattendue





L’affiche intrigue – Karlheinz Stockhausen dirige deux concertos classiques – mais l’écoute séduit, même si, en fin de compte, l’attrait de ce disque réédité par Acanta provient moins de la direction sage, mesurée et parfois même un peu lourde du compositeur, à la tête de l’Orchestre radio-symphonique de Berlin, que des cadences très développées, originales voire provocatrices, qu’il a écrites pour ces œuvres et pour le choix de ses deux solistes, qui furent les interprètes d’élection de sa propre musique: la flûtiste néerlandaise Kathinka Pasveer (née en 1959), délicieuse dans le Premier Concerto de Mozart, et son fils Markus (né en 1957), d’un éclat insolent dans le Concerto pour trompette de Haydn. Ce disque est toutefois bien court (moins de 50 minutes) et aurait logiquement dû être complété par le Concerto pour clarinette de Mozart, enregistré la même année (1985) par Suzanne Stephens, une autre fidèle de Stockhausen (233595). SC




La rédaction de ConcertoNet

 

 

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