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Lettre ouverte d’un Genevois à Norman Lebrecht
07/08/2011
Cher Monsieur,
Comme le monde musical le sait, tous les faits que vous rapportez et les opinions que vous exprimez dans vos articles, livres et billets sur votre blog font l’objet de recherches particulièrement rigoureuses.
Comprenez donc ma surprise de ne pas ainsi retrouver la vie musicale de Genève telle que vous la décrivez dans votre billet de cette semaine.
Tout d’abord, l’Orchestre de la Suisse Romande, l’OSR, a eu comme directeurs musicaux avant Armin Jordan (et non Jordain comme vous l’écrivez) rien moins que Wolfgang Sawallisch et Horst Stein. Ces derniers sont restés en poste sur une période significative de 15 ans, ce qui, vous en conviendrez, souligne bien leur attachement à cet ensemble.
Le chef actuel de l’OSR est Marek Janowski qui a de l’avis unanime renforcé le niveau général de l’orchestre. Nous sommes à une époque où les orchestres sont rarement dans des studios et doivent se contenter de prises de concert live pour publier des enregistrements. Détrompez-moi mais l’OSR est le dernier orchestre à avoir le privilège de graver une intégrale des Symphonies de Bruckner. Je vous recommande également de prêter une oreille aux deux Concertos pour violon de Bartók que l’OSR a enregistrés avec Arabella Steinbacher.
Comme vous ne l’ignorez sûrement pas, l’OSR partage son activité entre la saison symphonique et l’opéra. Dans ce domaine, le rayonnement de la région romande sur le monde de l’opéra en général n’est plus à démontrer. Il ne faut certainement pas vous rappeler en effet que c’est un des anciens directeurs du Grand Théâtre à qui on doit d’avoir remonté l’Opéra Bastille et qu’un ancien de celui de Lausanne a des fonctions assez visibles en Autriche.
Puisque nous évoquons l’ensemble de la Romandie, vous devez parfaitement savoir que sur une région qui compte dans les deux millions d’habitants, la vie musicale regroupe deux opéras, un à Genève et un à Lausanne, l’OSR a donc sa propre saison, l’ensemble Contrechamps défend la musique contemporaine avec enthousiasme, l’Orchestre de Chambre de Lausanne et celui de Genève sont également très actifs et je dois m’excuser pour tous ceux fort nombreux que j’ai oubliés. Il faut quand même mentionner que la Romandie porte un soin particulier aux jeunes musiciens et organise chaque année le Concours de Genève dont je vous laisse apprécier la liste des lauréats.
Enfin, je pense que vous évoquez le football et vous informe que si la Fifa est bien en Suisse, son siège se trouve à Zurich et non à Genève.
Je dois dire que ce qui m’a cependant le plus attristé est que vous affirmiez que Genève est une des villes les plus ennuyeuses au monde. Il faudrait probablement passer plus de temps à définir ce qu’est l’ennui. Une revue de vos articles montre que vous trouvez plus de matière à évoquer la vie musicale plus qu’agitée de pays comme le Brésil, l’Angleterre ou la Hollande.
Je suis désolé mais ce n’est pas le cas des institutions musicales de Romandie, qui se portent bien. Elles sont bien gérées et ne font pas la première page des tabloids. Dans combien de pays pourrait on dire cela ? Si le calme de la région a une conséquence, c’est que les représentations sont répétées avec beaucoup de soin.
L’ennui est probablement mauvais pour la diffusion des journaux mais au final, est ce que le monde de la musique en son entièreté ne se porterait mieux si elle s’«ennuyait» comme à Genève ?
Je vous prie de recevoir, Cher Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.
Antoine Leboyer
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