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03/02/2007
Georg-Friedrich Haendel : Admeto
Matthias Rexroth (Admeto), Romelia Lichtenstein (Alceste), Raimund Nolte (Ercole), Mechthild Bach (Antigone), Melanie Hirsch (Orindo), Tim Mead (Trasimede), Orchestre du Festival Haendel de Halle, Howard Arman (direction), Axel Köhler (mise en scène), Roland Aeschlimann (décors), Marie-Thérèse Jossen (costumes), Matthias Hönig (lumières)

Enregistré au Festival Haendel de Halle (2006) – 196’
2 DVD (+ 2 CD) Arthaus Musik 101257 (distribués par Intégral)


Plusieurs villes allemandes se sont dotées de longue date de Festivals consacrés aux opéras de Haendel, initialement Göttingen et Halle (ville natale, rappelons-le, du compositeur saxon), puis plus récemment Karlsruhe, qui fête en ce moment la 30e édition de son propre festival. Un concept original qui permet à des maisons dotées de moyens financiers limités (le petit théâtre de Göttingen ne dispose pas, par exemple, d’un orchestre à demeure) d’attirer l’attention au delà de leur seul public local. Les spectacles proposés peuvent se montrer réellement compétitifs sur ce créneau particulier de l’opéra baroque, encore que sans aucun dogmatisme. En effet, même si une certaine orthodoxie musicale prévaut, on ne se situe pas tout à fait ici dans les circuits « baroqueux » tels qu’on peut les envisager d’habitude. Le risque pour ces manifestations annuelles est d’entraîner à long terme une certaine lassitude, la plupart des ouvrages lyriques haendeliens présentant quand même un certain caractère répétitif. Cela dit, l’abondance et souvent la rareté des titres programmables (plus de quarante opéras, auxquels viennent s’ajouter beaucoup d’oratorios compatibles avec une mise en scène), à raison d’un à deux ouvrages produits par an dans chacun des lieux concernés, assure quand même à la formule une certaine pérennité,


Admeto date des années de grande popularité de l’opéra haendelien, époque où le maître séduisait Londres à coup de mises en scène spectaculaires et de distributions accrocheuses. Comme beaucoup d’autres titres proposés par la Royal Academy cette œuvre n’a pas consolidé son succès initial, ne connaissant qu’une seule grande reprise du vivant du compositeur, puis plus grand chose au cours des siècles suivants. Le livret n’est ni bon ni franchement mauvais, complexe et encombré d’intrigues secondaires comme il se doit pour un opéra de cette époque, avec un mélange perturbant de situations tragiques (l’histoire mythologique d’Alceste et d’Admète) et de comédie vaudevillesque, le résultat finissant par paraître plutôt bancal. Comme souvent dans l’opéra haendelien de second rang seule la beauté de multiples airs y assure le renouvellement de l’intérêt, même si certaines formules mélodiques y ont parfois un goût de « déjà entendu ailleurs » (ici c’est par exemple la phrase initiale du second air d’Admeto qui anticipe sur un air célèbre du Messie…). Donc un gibier parfait pour un Festival Haendel d’approfondissement, ce d’autant que l’ouvrage n’a connu par ailleurs qu’un seul enregistrement discographique moderne.


Scéniquement, ce que laisse voir ce DVD parfaitement filmé (belle restitution des éclairages et bon piqué de l’image), pourrait passer de prime abord pour du détestable Regietheater à l’allemande, la transposition de l’action dans un hôpital contemporain apparaissant laide et gratuite. Cela dit, le metteur en scène n’est autre qu’un excellent chanteur, le falsettiste Axel Köhler, dont on ne peut mettre les compétences musicales en doute. Et Roland Aeschlimann est un décorateur talentueux, qui parvient à rendre plastiquement intéressant un univers médical restitué avec réalisme (et de surcroît crédible : un vrai professionnel de santé a dû être sollicité à titre de consultant, car on ne peut déceler aucune invraisemblance manifeste…). Quelques tic agaçants certes (l’irruption périodique d’un jet d’eau malingre, aussi ridicule que celui qui provoque l’hilarité dans Mon Oncle de Jacques Tati), mais dans l’ensemble le spectacle se tient, bon théâtre lyrique à rebondissements qui paraîtrait sans doute un peu gratuit si l’interprétation vocale était moins réussie, mais se révèle en l’état très acceptable.


Même si elle est dépourvue de grands noms l’affiche est brillante, à commencer par les deux falsettistes, souvent problématiques d’habitude. Matthias Rexroth domine sans défaillance la difficile partie d’Admeto, écrite à l’origine pour le castrat alto Senesino, avec un beau timbre laiteux d’une projection sans doute limitée (un petit micro bien visible sur la tempe du chanteur semble d’ailleurs l’assister). Quant au jeune Tim Mead, son aptitude à vocaliser se double d’une pertinente présence scénique. Côté dames l’Alceste de Romelia Lichtenstein déploie un superbe timbre, au service d’une composition pleine de noblesse. En revanche on s’habitue plus difficilement à la petite voix serrée de Mechthild Bach, Antigone cependant vive et crédible. Orchestralement, l’ambiance est «baroque» sans excès, voire un peu monotone, sous la direction sans histoire d’Howard Arman.


Par rapport au seul repère discographique accessible (Alan Curtis - Virgin) cette distribution soutient bien la comparaison : Yakar et Gomez sont brillantes chez Curtis, en revanche dans cette version pionnière l’Admeto de René Jacobs paraît ridiculement maniéré et James Bowman relativement placide dramatiquement. Le niveau concurrentiel de ce DVD devrait donc lui permettre de s’imposer même dans la discographie haendelienne, où il paraît d’une véritable utilité.


Est-ce pour cela que l’éditeur propose dans le même boîtier deux CD audio, reprenant en quelque sorte la «bande son» du spectacle (qui semble d’ailleurs retravaillée pour cet autre support, avec moins de bruits de scène) ? L’idée n’est mauvaise, permettant éventuellement de retourner à cette bonne interprétation une fois lassé de ses aspects visuels (qui ne sont peut-être pas impérissables, effectivement). Mais dans ce cas, pourquoi s’arrêter en chemin, et laisser pour compte un tiers de l’opéra dans cette version audio ? Impossible de faire tenir trois heures d’opéra sur deux CD, évidemment, mais dès lors l’intérêt de ce genre de doublon lacunaire paraît limité.


En l’état : un bon document Haendel d’approfondissement, typique de l’esprit militant et finalement attachant des Festivals Haendel d’Outre-Rhin.


Laurent Barthel

 

 

 

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