About us / Contact

The Classical Music Network

DVD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

12/02/2006
Franz Schubert : Winterreise, D. 911
Thomas Quasthoff (baryton), Daniel Barenboim (piano)
Enregistré à la Philharmonie de Berlin (22 mars 2005)
1 DVD Deutsche Grammophon 004400734049 - 111’ (zone 0)


Le 22 mars 2005, deux grands artistes se retrouvaient dans la salle de la Philharmonie de Berlin pour interpréter l’un des joyaux de la musique, Winterreise de Schubert. Thomas Quasthoff et Daniel Barenboim ont offert un voyage poignant, émouvant, tout simplement beau et vrai. Toutes les notes sont interprétées avec justesse, chaque mot est “dit” avec une profonde connaissance du texte et des enjeux.



La première remarque qui s’impose à l’écoute de ce DVD et des enregistrements de Thomas Quasthoff c’est la fluidité et la facilité de son chant. Il fait partie des très rares artistes actuels à chanter avec autant de clarté: il ne semble fournir aucun effort pour donner un chant limpide et transparent. Son travail trouve son inspiration dans celui de Dietrich Fischer-Dieskau, le grand maître du Lied, et certaines notes ne sont pas sans rappeler les siennes. Mais il a su placer dans les pages de Schubert sa propre interprétation, sa propre douleur et son espoir: en effet sa voix est toujours un peu ensoleillée, toujours porteuse d’espérance. Une sorte de bonté parcourt tout le récital même si elle est surtout présente dans quelques notes de “Der Wegweiser”. Dans la brochure qui accompagne le DVD, le baryton s’exprime sur sa conception d’un bon chanteur de Lieder: il faut savoir utiliser toute la gamme de couleurs d’une voix et savoir prononcer une phrase ou un mot de cent manières différentes. Et ce sont exactement ces qualités qui vont primer lors de cette soirée.


A défaut de pouvoir relever tous les détails passionnants de l’interprétation de Thomas Quasthoff, arrêtons-nous sur quelques passages marquants de sa prestation. Il se montre très attentif à l’évolution de l’intensité du Lied suivant l’histoire racontée. Dans “Erstarrung”, le personnage cherche en vain quelque chose qu’il ne trouvera pas: le chanteur exprime cette impatience avec un chant qui devient peu à peu celui d’un fou à l’aide, notamment, de nombreuses respirations appuyées. Thomas Quasthoff semble vivre de l’intérieur tous les tourments du personnage et s’il ne se dépare pas de son calme et de son assurance, il parvient dans “Mut!” à exprimer des sentiments beaucoup plus violents avec une voix plus pleine et plus puissante. Il met également bien en valeur les passages un peu ambigus de Schubert, ceux qui mettent assez mal à l’aise musicalement. C’est le cas de ”Letzte Hoffnung” mais aussi de “Einsamkeit”: dans ce dernier Lied, le baryton souligne bien l’inadéquation entre le texte et la musique puisqu’il apporte des couleurs tristes, désespérées quand il dit que l’espoir peut subsister. Son attachement au texte est plus net dans “Auf dem Flusse”. Il chante avec distanciation et gravité les deux premiers vers de la strophe pour ensuite donner une touche charmeuse et souriante à sa voix aux deux suivants et ce sur plusieurs strophes. Parfois il distille les notes avec un apparent détachement comme dans le dernier Lied où la voix est presque monolithique tellement le personnage est désabusé et perdu. L’interprète met sa voix au service de la musique avec de nombreuses couleurs: ainsi il éclaircit les notes sur “wandern” dans “Der Lindenbaum” pour souligner la douleur du personnage. Enfin pour le plaisir, notons de savoureux appels à la corneille “Krähe” dans le quinzième Lied.


Ce récital ne serait pas aussi exceptionnel si Thomas Quasthoff ne trouvait pas en Daniel Barenboim un complice de son niveau: il n’accompagne pas le baryton, il joue avec lui et certains passages ont la même intensité qu’une pièce pour piano seul. Le ton est donné dès le premier Lied où le pianiste joue calmement les deux premières strophes pour faire peu à peu monter la tension en accord avec le chanteur. Daniel Barenboim n'a également pas son pareil pour raconter des histoires et il le prouve avec la description du vent dans le début du deuxième Lied: on entend réellement le vent qui gronde et qui souffle grâce à son toucher délicat et expressif.



Ce DVD marquera sûrement une étape dans l’interprétation de Thomas Quasthoff du Winterreise. Non seulement il témoigne du chemin parcouru depuis son enregistrement audio réalisé il y a quelques années mais il permet aussi de le voir ses expressions varier d'un Lied à l'autre...


Le bonus donne la possibilité de voir les deux musiciens répéter quelque temps avant le concert: les deux artistes se respectent beaucoup, prennent du plaisir à faire de la musique ensemble et sont attentifs aux remarques, parfois fondamentales, de l’un et de l’autre. On découvre Thomas Quasthoff plus détendu, moins statique et la voix, même, est assez différente car il semble plus engagé: les répétitions sont des essais, le concert est la perfection. Des interviews permettent de saisir leur conception du cycle de Lieder et de mieux apprécier leur interprétation: pour Daniel Barenboim, par exemple, les Lieder de Schubert sont comparables à un journal intime.


Manon Ardouin

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com