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02/03/2016
«Carlos Kleiber in rehearsal & performance»
Carl Maria von Weber : Der Freischütz, J. 277: Ouverture
Johann Strauss : Die Fledermaus: Ouverture

Radio-Sinfonieorchester Stuttgart des SWR, Carlos Kleiber (direction), Dieter Ertel (réalisation)
Enregistré en 1970 – 102’
DVD EuroArts 2060868 – Son PCM Stereo – Format NTSC 16:9 – Region Code 0 – Notice (en anglais, allemand et français) de Peter Noelke


Must de ConcertoNet





Même si ces films, tournés par Dieter Ertel en 1970, sont connus de tous les mélomanes, c’est avec un plaisir sans cesse renouvelé qu’on les regarde. Car, comme le film sur Ferenc Fricsay répétant La Moldau ou celui sur Furtwängler dirigeant Till l’Espiègle, c’est bien un documentaire légendaire auquel nous avons ici affaire.


Légendaire car le sujet l’est: Carlos Kleiber (1930-2004) fait partie de cette poignée de chefs d’orchestre qualifiés unanimement de «génies» et, même si l’on possède plusieurs films où il dirige en concert ou à l’opéra, ses apparitions le montrant au travail sont assez rares. Ce documentaire nous permet donc de le voir répéter à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio de Stuttgart deux ouvertures qu’il a proprement magnifiées, y compris dans les intégrales de chacune de ces deux œuvres qu’il a réalisées pour Deutsche Grammophon.


Si certains chefs se caractérisaient en répétition par leur relatif mutisme (on pense par exemple à Abbado ou à Giulini), tel n’est pas le cas de Kleiber: tant s’en faut! Car, bien au contraire, il ne cesse de parler, interrompant la moindre phrase des musiciens pour revenir à la charge en demandant davantage de nuances, une attaque plus franche, un ralenti moins exagéré, une note plus longue... Mais surtout, et c’est en grande partie tout ce qui fait le sel de ces films, il ne cesse d’utiliser des images toutes plus étranges les unes que les autres. Si, dans le Freischütz, la clarinette peut comprendre qu’elle doive être «désespérée» (à 8’56), on sent les pupitres de cordes plus dubitatifs, voire goguenards, lorsque Kleiber leur demande d’être «sombres-légers», leur demande s’ils croient aux fantômes, leur recommande «Oubliez le monde! Le monde ne vaut rien» (à 38’51) ou leur lance «Pourriez-vous être un peu plus sorciers?» (à 44’38)... Idem dans La Chauve-Souris, où il demande aux trombones d’instaurer un climat «virginal», à l’orchestre d’être «un peu plus malhonnête», requiert des violons qu’ils jouent de telle manière «que ce soit très parfumé», estimant que «les croches n’ont pas assez de nicotine», et concluant la répétition en lançant à l’orchestre médusé: «Je ne suis pas très clair n’est-ce pas?... C’est bien mon intention...» (à 80’45)!


Or, et c’est ce qui est également fantastique, le pire pourrait-on dire, c’est que ça marche! Les musiciens sourient entre eux, se moquant peut-être légèrement d’un chef aussi fantasque mais répondent et traduisent musicalement ses conseils et ses désirs dans la minute qui suit, magnétisés par ce chef à la gestique par ailleurs si souple et si élégante. A ce titre, l’engagement tant instrumental que visuel du chef d’attaque des contrebasses est formidable à 42’45, après que Kleiber leur a demandé «de la viande». Face à un orchestre quasi-exclusivement masculin (même s’il leur donne du «messieurs», on compte deux femmes parmi les violons), il force non seulement l’admiration mais aussi la sympathie de tous (musiciens et spectateur) tant on sent que, parfois, il souffre de faire ainsi de la musique. Ses suppliques à l’égard de l’orchestre («Messieurs, ayez de la patience avec moi» leur dit-il par exemple à 22’41, leur avouant plus tard dans La Chauve-Souris, «Je suis épuisant», à 69’36) ne sont pas feintes et l’on retrouve ici la fragilité du personnage que l’on avait déjà pu entrevoir dans le documentaire I am lost to the world.


Ce DVD, divisé en fait en quatre sous-parties (une consacrée à Weber, l’autre à Strauss, chaque partie comportant des extraits de répétitions puis l’ouverture donnée en concert), bénéficie d’une bonne qualité d’image en noir et blanc et, même si quelques sous-titres ne sont pas bien orthographiés, on se précipite sur ce film qui, encore une fois, appartient à l’histoire de la direction d’orchestre et livre un témoignage de premier ordre sur l’un de ses plus fabuleux représentants.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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