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02/22/2010
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Eugène Onéguine, opus 24
Mariusz Kwiecien (Eugène Onéguine), Makvala Kasrashvili (Madame Larina), Tatiana Monogarova (Tatiana), Margarita Mamsirova (Olga), Emma Sarkisyan (la Nourrice), Andrey Dunaev (Lenski), Anatolij Kotscherga (le Prince Grémine), Valery Gilmanov (Zaretski), Chœur et Orchestre du Théâtre Bolchoï de Moscou, Alexander Vedernikov (direction), Dmitri Tcherniakov (mise en scène), François Duplat (réalisation)
Enregistré au Palais Garnier, Paris (septembre 2008) – 150’
2 DVD BelAir classiques BAC046 (2 CD) – Format : 16/9 – Region code : 0 – Présentation trilingue





Décor unique de salle à manger, dont la table métaphorise les codes sociaux, Lenski chantant en russe les couplets de Triquet, le duel ramené à un absurde accident… les puritains s’étaient offusqués de cet Eugène Onéguine que Gerard Mortier était aller chercher au Bolchoï pour inaugurer sa dernière saison parisienne (lire ici), faisant confiance à l’iconoclaste Dmitri Tcherniakov – qui proposerait quelques mois plus tard un Macbeth non moins contesté (lire ici). Plus de nature, par exemple, sinon à travers un arbre entrevu par la fenêtre ; plus de paysans, remplacés par les convives. Plutôt un huis clos, moins proche de Pouchkine que de Tchékhov, d’une parfois insoutenable tension, où une société voyeuriste se repaît du spectacle tragique de deux couples mal assortis et en quête d’eux-mêmes ; on manque y étouffer, sous les lambris de la salle à manger de madame Larina ou sous l’énorme lustre de celle du prince Grémine, aparatchik de l’ère Brejnev ou parvenu de l’ère Poutine : le metteur en scène refuse l’ancrage dans un temps précis. Il renouvelle surtout notre approche de l’œuvre en mettant à nu la confusion des sentiments : à travers les couplets de Triquet, Lenski fait une déclaration à Tatiana ; Onéguine et Lenski se disputent le fusil de ce dernier, atteint par accident. Tatiana, plus qu’à madame Bovary, ressemble à une Ophélie perdue dans un monde prêt à rejeter qui en trouble l’ordre, que ce soit Lenski délirant – et giflé par madame Larina – au moment de la fête ratée, ou Onéguine au cours de la réception chez Grémine. La direction d’acteurs est d’une précision et d’une force rares, le bonus montrant à quel point Tcherniakov pense sa mise en scène, au point de brider parfois ses chanteurs, en particulier l’Onéguine de Mariusz Kwiecien. Il était temps, en tout cas, de renouveler l’ancienne production du Bolchoï, lourdement rutilante – tant pis pour les nostalgiques, surtout s’ils avaient applaudi en 1969, dans ce même Palais Garnier, Galina dirigée par Slava.



La production vient de recevoir un Grammy Award. Récompense méritée surtout pour son homogénéité : musicalement, on a connu plus excitant. Alexander Vedernikov, s’il crée une jolie pâte sonore, refuse tout pompiérisme et nimbe la musique d’une mélancolie typiquement slave, manque d’imagination et d’élan dramatique, proposant plus un accompagnement scrupuleux qu’une véritable interprétation. Excellents pour la plupart, les chanteurs restent en deçà de ce que nous offrit jadis la grande école russe, faute de faire passer dans la voix tout ce que leur jeu suggère. Cela dit, Tatiana Monogarova séduit en Tatiana, avec son beau timbre encore un peu vert, son style sûr, très émouvante dans la scène de la lettre – la lumière du jour naissant qui fait voler les rideaux et s’engouffre dans la pièce constitue également un grand moment de théâtre. Le Lenski assez uniforme d’Andrey Dunaev a pour lui un timbre moiré, une tessiture homogène et une émission souple, ainsi qu’une grande probité stylistique, offrant un « Kouda, kouda vy oudalilis » élégamment phrasé, dont il chante la reprise piano. Rien moins que cynique, l’Onéguine de Mariusz Kwiecien – un Polonais, cette fois – vocalement avantageux, à l’aigu aisé, reste un dandy distant, assez ambigu, peut-être trop bridé par le metteur en scène pour donner toute sa mesure - grand moment de théâtre aussi lorsqu’il chante son air à un bout de l’immense table, en face de Tatiana assise à l’autre bout. Passons sur une Nourrice et une madame Larina ruinées – celle-ci alternait, en 1969, avec Galina Vichnievskaïa. Passons enfin sur le Grémine défait d’Anatolij Kotscherga, qui déclame un air à chanter comme de l’opéra italien. La production n’est donc pas idéale, mais elle fera date.


Didier van Moere

 

 

 

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