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11/30/2008
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Eugène Onéguine
Peter Mattei (Eugène Onéguine), Anna Samuil (Tatiana), Ekaterina Gubanova (Olga), Joseph Kaiser (Lenski), Ferruccio Furlanetto (le Prince Grémine), Renée Morloc (Madame Larina), Emma Sarkissian (Filipyevna, la nourrice), Ryland Davies (Triquet), Wiener Philharmoniker, Daniel Barenboim (direction), Andrea Breth (mise en scène), Martin Zehetgruber (décors) Silke Willret & Marc Weeger (costumes), Friedrich Rom (lumières)
Enregistré au Grosses Festspielhaus de Salzbourg (août 2007) – 157’
Deux DVD DG 073 4434 (distribués par Universal) – Son LPCM stereo/DTS Digital 5.1 surround – Format 16/9 – Region code 0 (Worldwide)






On sait en principe à quoi ressemblent les scènes d’une production habituelle d’Eugène Oneguine (« le jardin de la propriété des Larine, le grand salon des Larine où se tient un bal, un salon dans une grande demeure de Saint-Pétersbourg », etc.), l’un des objectifs affichés de cette production du Festival de Salzbourg 2007 étant précisément de prendre cette tradition à contre-pied. Ce qu’on y montre est donc systématiquement surprenant, non conventionnel, d’une incongruité marginalement pertinente. Chez Madame Larina des couples de danseurs avachis titubent entre des groupes de fauteuils de cuir défoncés, les invités les plus fortement alcoolisés se laissent aller à de brèves irruptions de violence brute dont fait les frais le pauvre Monsieur Triquet, carrément tabassé, de vagues fornications sont entrevues dans les coins plus obscurs d’une scène bizarrement recouverte de flaques d’eau… De même chez le couple Gremine on bâfre dans les plats à peines mains, on vide les bouteilles de champagne au goulot et peut-être vomit-on sous les tables du buffet … Quant à l’héroïne de cette histoire glauque, elle tape sa première lettre d’amour lettre à la machine à écrire, trompe son ennui de femme mariée en fumant cigarette sur cigarette, et reçoit ses visiteurs en chemise de nuit.


Les caméras de Brian Large ont cadré ces bizarreries avec tact, voire un respect que l’on qualifierait volontiers de documentaire : l’essentiel des plans est réservé au travail très appliqué des chanteurs, quelques images plus utilitaires resituant de temps en temps le contexte invariablement sordide voulu par l’équipe de mise en scène, avec ses bassesses, ses vulgarités et ses flaques de liquides divers. Bref, ce monde « de scélérats risibles et insipides » évoqué par le Prince Grémine dans un air célèbre, et dont cette production expose les turpitudes avec une complaisance que l’on peut juger sinon déplacée du moins inutile.


Et pourtant que d’heures de travail pour une telle mise en scène, que de recherche pour y creuser les attitudes et les comportements, pour s’évertuer à y expliciter des sentiments que tant l’excellent livret que la musique évidente de l’un des opéras du répertoire les plus limpides et spontanés devraient laisser s’épanouir naturellement. Mais ici, ne l’oublions jamais, on décrypte, on analyse, on argumente, on insiste, on appuie. Bref on est immensément et pachydermiquement lourd. A ceux qui trouveraient la démonstration indigeste rappelons le DVD de la mise en scène de Robert Carsen au Met, production d’un habile dépouillement, mais tellement conventionnelle dans sa démarche, si platement fidèle aux intentions du compositeur ! N’ironisons pas ; à Salzbourg la sensibilité (réelle) d’Andrea Breth et l’esthétisme (relatif) de la scénographie Martin Zehetgruber auraient pu faire de cet Eugène Onéguine atypique une vraie réussite, une intéressante démonstration de théâtre analytique et intelligent. Malheureusement les instants de lucidité et de pertinence n’y sont jamais bien longs, l’ornière prétentieuse suivante ne tardant pas à apparaître, et avec elle la certitude rarement détrompée que la mise en scène ne va pas manquer de se vautrer complaisamment dedans !


Dommage pour l’engagement vocal et physique méritoire d’une distribution crédible et bien en voix, où brillent ne particulier le parfait Oneguine de Peter Mattei et le Lenski stylé de Joseph Kaiser. Les dames sont beaucoup plus vulgaires (mais c’est en parfait accord avec la mise en scène), une trivialité à laquelle même la Tatiana bien intentionnée mais vocalement quelconque d’Anna Samuil ne parvient pas tout à fait à échapper. Impressionnant travail de Daniel Barenboim en fosse, à la tête d’une Philharmonie de Vienne charnue, intense, mais aussi un rien trop sombre et massive. Décidément, que l’opéra du côté de Salzbourg est devenu indigeste et peu plaisant!


Laurent Barthel

 

 

 

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