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11/22/2001 Monteverdi Selva morale e spirituale
Cantus Cölln – Concerto Palatino Konrad Junghänel 3 CD Harmonia Mundi 901718.20
Quel titre magnifique que celui de ce recueil de Monteverdi : Forêt morale et spirituelle ! Et quel nom merveilleusement approprié à cette collection foisonnante d'une quarantaine de pièces sacrées diverses, que Monteverdi décrivait lui-même comme peuplée de "créatures" très différentes. Publiée en 1640 ou 1641, la Selva comporte en effet aussi bien des pièces polyphoniques sur les grands textes de la liturgie que des psaumes concertants (Laudate pueri, Beatus vir, Dixit Dominus), des motets ou même des « madrigaux spirituels ». Monteverdi aurait rassemblé ces compositions écrites sans doute tout au long des trois décennies précédant la publication, en vue de publier un ensemble d'œuvres sacrées qui feraient pendant au VIIIème livre de Madrigaux paru environ trois ans auparavant. C'est au fond que ce l'on appellerait aujourd'hui une compilation et c'est ce qui explique les styles fort divers présents dans cet ouvrage qui couvre plus ou moins tout le spectre musical de l'époque. Parmi les pièces les plus remarquables de l'ensemble, ces fameux « madrigaux spirituels », sublimes réflexions sur le temps qui passe et la vanité des espérances humaines, cinq pièces en langue italienne, dont deux sur des poèmes de Pétrarque. Le Cantus Cölln donne ici une première version exhaustive de la Selva morale e spirituale. On ne s'étonnera pas d'y voir figurer trente-sept numéros sur les quarante qu'elle compte, trois textes inclus par Monteverdi ne possédant pas de musique propre. Konrad Junghänel a donc préféré les écarter. Il propose aussi une organisation très pensée de l'ensemble, réservant le disque 2 aux madrigaux, à la messe à 4 a capella et à une adaptation par Monteverdi de son fameux Lamento d'Ariane dûment transformé ici en Pianto della Madonna (plainte de la Madone au pied de la croix) ! Les disques 1 et 3 étant conçus davantage comme des cérémonies de vêpres. En effet, la présentation originale enchaînait trois ou quatre versions différentes d'un même psaume, ce que l'édition discographique ne saurait vraiment admettre. L'éditeur propose d'ailleurs dans l'excellent livret la Tavola (Table) originale de Monteverdi, afin que les auditeurs musicologues puissent programmer l'ordre originel des pièces s'ils le souhaitent, tout en se souvenant que bien évidemment, l'ensemble n'était pas du tout destiné à une exécution en continu mais à une sélection en vue de telle ou telle occasion liturgique. L'interprétation donnée par le Cantus Cölln est parfaite, avec cette qualité si propre à ce groupe de fondre de fort belles voix solistes en un ensemble totalement homogène. On le préfèrera peut-être dans les grands psaumes concertants qui font vraiment partie de son répertoire de base alors que dans les madrigaux, si la virtuosité n'est pas prise en défaut, l'adéquation au style est peut-être moins flagrante. De même que la soliste ne convainc pas complètement dans la Plainte de la Madone. L'accompagnement, luth et trombones en particulier, est superbe et bien propre à évoquer les grandes cérémonies vénitiennes. Voici donc une très belle réalisation, autant sur le plan de la musicologie que de l'interprétation. Et l'occasion de parcourir enfin l'intégralité de cette Forêt parfois considérée comme une sorte de chant du cygne de Monteverdi en matière d'art sacré.
Florence Trocmé
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