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05/17/2025 Guillaume Bouzignac : Domino omnis Francia – Ex Ore Infantium à double chœur – Dum Silentium apparuit – Domine salvum fac Regem
D’après André Danican Philidor : Ballet à cheval pour le grand Carrousel à la place royale au mariage de Louis XIII
Eustache Du Caurroy : Christus Vincit, Christus regnat, Christus imperat – Victimæ Paschali Laudes
André Danican Philidor : Pavane faite au mariage de Monsieur de Vansdome – Bransle de Bourgogne – Passe Meze, fait pour les hautbois et les cornets – La Victoire
Jean Titelouze : Magnificat en premier ton : « Magnificat », « Quia respexit », « Et misericordia ejus », « Deposuit potentes », « Suscepit Israel » & « Gloria Patri et Filio »
Nicolas Formé : Messe à double chœur : « Kyrie », « Gloria », « Credo », « Sanctus », « Agnus Dei » & « Domine salvum fac Regem »
Pierre Chépélov : Te Deum en faux bourdon (reconstitution) Chœur de l’Opéra Royal, Chœur de la Maîtrise du Conservatoire à rayonnement régional de Paris, Edwige Parat (cheffe de chœur), Consort Musica Vera, Jean‑Baptiste Nicolas (direction)
Enregistré en la Chapelle royale du château de Versailles (4‑7 octobre 2023) – 73’28
Château de Versailles Spectacles CVS140 – Notice (en français, anglais et allemand) de Jean‑Baptiste Nicolas

Si la passion de Louis XIV pour la musique ne fait aucun doute, on connaît moins les relations que son père, le roi Louis XIII (1601‑1643), entretenait avec cet art. Pourtant, des témoignages de l’époque attestent son goût pour le luth et le violon, sans compter un certain talent pour la danse qui lui permit par exemple de se produire en personne lors du Ballet de Monsieur de Vendôme en 1608, le jeune roi ayant même composé certains airs exécutés dans le cadre du Ballet de la Merlaison donné en 1635.
On avait déjà un bon aperçu du goût que Louis XIII cultivait pour la musique dans le très beau disque « L’Orchestre de Louis XIII » dirigé par Jordi Savall (Alia Vox, 2002). En voici un autre, qui se fonde sur la reconstitution d’une messe hypothétique, qui puise aussi bien dans diverses œuvres chorales de Guillaume Bouzignac (1587‑1643) que dans des pièces vocales tirées des recueils dits « de Tours » et « Deslauriers », auxquelles on a ajouté plusieurs pièces instrumentales pour petits ensembles (essentiellement des instruments à vent) ou même pour orgue. Or, même si cette diversité est extrêmement séduisante puisqu’elle flatte toutes les oreilles et répond à tous les goûts, avouons que c’est là également la principale faiblesse de ce disque dont l’unité reste difficile à définir. De fait, que doit‑on penser de cette « messe reconstituée » qui aurait sans doute gagné à être remplacée par des pièces plus conséquentes (ne serait‑ce qu’en jouant d’un seul tenant la Messe à double chœur de Nicolas Formé) et qui aurait sans doute offert un visage plus cohérent de la musique en vogue sous le règne de Louis XIII ? Dans la même optique, le disque « Le Vœu de Louis XIII » dirigé par Olivier Schneebeli (Alpha, 2015), qui puise également chez Bouzignac, Formé, Moulinié ou Boësset, s’avère beaucoup plus convaincant à notre sens.
Musicologiquement parlant, on peut être assez critique, voire sévère. Musicalement parlant, en revanche, le bilan est globalement positif. Même si la cantate Domino omnis Francia de Bouzignac laisse éclater une opulence sonore qui convient davantage au faste louis‑quatorzien qu’au timide Louis XIII, on se laisse facilement griser par cette solennité aux trompettes éclatantes que l’on retrouve dans le Bransle de Bourgogne et dans La Victoire de Philidor avec, s’il vous plaît, orgue et timbales en prime ! Les cornets à bouquin, le cervelas (petit instrument à anche double, à ne pas confondre avec quelque produit de votre tripier ou de votre boucher), les sacqueboutes et les trompettes s’en donnent à cœur joie au fil de diverses pièces instrumentales ou lorsqu’il s’agit d’accompagner les voix ; dommage que la diversité souhaitée ne mette pas davantage en avant les cordes qui bénéficiaient bien entendu de nombreuses partitions à l’époque. On conservera donc précieusement le disque susmentionné signé Jordi Savall.
Côté voix, on oscille entre le décevant et le très bon. Le superbe Dum Silentium apparuit de Bouzignac fait ici pâle figure si on le compare au jeu plus séduisant des Arts Florissants, qui bénéficiaient en outre d’une prosodie plus affinée dans leur disque consacré, voilà plus de trente ans, aux motets de Bouzignac (Harmonia Mundi, avril 1993). Très bel ouvrage, la Messe à double chœur de Nicolas Formé (1567‑1638) est inégale : « Credo » aux voix aigrelettes (dans le médium et le registre aigu) mais aux voix graves plus séduisantes, « Agnus Dei » excellent, « Gloria » plutôt moyen. Si le « Christus vincit » d’Eustache Du Caurroy aurait sans doute mérité davantage d’affirmation (le tout nous semble par trop timide), on ira bien vite écouter le Domine salvum fac Regem de Bouzignac, qui conclut avec brillance un disque qui nous laisse tout de même sur notre faim.
Le site du Consort Musica Vera
Le site de l’Orchestre et du Chœur de l’Opéra royal de Versailles
Sébastien Gauthier
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