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02/08/2025 « Licht und Schatten »
Franz Schubert : Die junge Nonne, D. 828 – Auflösung, D. 807 – Die Allmacht, D. 852 – Ländler, D. 366, n° 3 & n° 4 – Der Einsame, D. 800 – Abendstern, D. 806 – Normans Gesang, D. 846 – Das Heimweh, D. 851 – Deutsche Tänze, D. 820 n° 1, n° 2 & n° 3 – Fülle der Liebe, D. 854 – Des Sängers Habe, D. 832 – Auf der Bruck, D. 853 – Im Abendrot, D. 799 – Deutsche Tänze, D. 783 n° 2, n° 4, n° 5, n° 6 & n° 7 – Lied des gefangenen Jägers, D. 843 – An mein Herz, D. 860 – Wandrers Nachtlied II, D. 768 – Wiedersehn, D. 855 Samuel Hasselhorn (baryton), Ammiel Bushakevitz (piano)
Enregistré à Berlin (mars 2024) – 66’48
Harmonia mundi HMM 902747
Sélectionné par la rédaction

Le baryton allemand Samuel Hasselhorn et le pianiste Ammiel Bushakevitz reviennent au studio avec un second album consacré aux dernières années de Franz Schubert.
« Notre intention est de présenter un nouvel album tous les ans entre 2023 et 2028, systématiquement fondé sur des musiques et des poèmes écrits deux siècles avant l’année en question, et qui soit aussi le reflet de la vie de Schubert lui‑même : notre projet non seulement est une invitation à retourner dans le passé, mais il regarde aussi vers l’avenir ! » déclarent les deux artistes dans le livret très soigné de cet enregistrement réalisé à Berlin comme leur précédente Belle Meunière et un récital antérieur avec Joseph Middleton, « Glaube, Hoffnung, Liebe ».
Cette anthologie placée sous le thème « Lumière et ombre » (1824‑1825) regroupe des Lieder composées à Vienne pendant les mois d’hiver de ces deux années ; nostalgie et solitude y sont des thèmes récurrents accompagnant l’état dépressif du compositeur qui sentait ses forces et sa santé décliner. Seules quelques pièces pour piano seul, Ländler et Danses allemandes, apportent un relatif rayon d’optimisme dans ce programme à la thématique plutôt sombre.
Après deux décennies irrégulières, le lied allemand semble reprendre pleinement vie avec une abondante production d’enregistrements souvent excellents, un peu moins au concert, en France du moins. Dans le peloton de tête des jeunes interprètes se distinguent nettement deux barytons dont on a ici commenté les enregistrements. Konstantin Krimmel, à la fois allemand et roumain, avec une voix intense et généreuse et un tempérament qui sied autant à Schumann qu’à Schubert, aux miniatures comme aux plus longues Ballades ; Samuel Hasselhorn, natif de Göttingen, qui semble comme Konstantin Krimmel avoir trouvé avec le pianiste israélo-sud-africain Ammiel Bushakevitz un partenaire idéal. Chez lui, l’art du lied est poussé au plus extrême raffinement, la maîtrise de la mezza voce est parfaite, sa diction irréprochable et ses phrasés exemplaires. De plus, une intelligence du texte évoque sans cesse l’ombre tutélaire du grand Dietrich Fischer‑Dieskau.
Il est de plus en plus l’usage que les pianistes accompagnateurs (à qui ce qualificatif semble ne plus suffire) participent davantage aux récitals, le plus souvent thématiques comme c’est la tendance, en y jouant une partie de soliste. Ce n’est que justice, surtout quand il s’agit comme dans le cas d’Ammiel Bushakevitz d’un musicien aussi accompli, soutien parfait pour son chanteur et plein d’idées musicales qui enrichissent le dialogue. Les quelques pièces de Schubert, courtes et souvent répétées avec d’infimes variations, qui ponctuent heureusement ce long et sombre récital le séparent en plusieurs sections.
Hasselhorn commence son parcours dans « Lumière et ombre » avec trois pièces traitant de sujets quasi religieux, dont La Jeune Nonne. Le ton noble, séduit d’emblée et le chanteur se meut avec une agilité dans ces pièces de facture durchkomponiert au contenu littéraire dense par l’atmosphère changeante des vers. Le ton s’allège un peu pour le groupe suivant, qui s’ouvre par Le Solitaire, une des exceptions strophiques de ce parcours, où l’on admire particulièrement le relief de l’accompagnement.
Les deux groupes suivants montrent Hasselhorn habile et libre dans la narration, particulièrement dans les lieder d’après La Dame du lac de Walter Scott : Chant du chasseur prisonnier et Chant de Norman. On pourrait détailler dans chaque lied une parcelle de la science du chanteur, comme dans l’économie de la voix dans Etoile du soir, le ton martial de Plénitude de l’amour, l’endurance du souffle dans Sur la Bruck, le murmure halluciné du Chant nocturne du voyageur II et le chant distancié d’Au revoir, qui conclut ce florilège.
On se contentera de dire notre préférence pour l’habileté à détailler en parallèle un état psychologique et les paysages qui l’inspirent avec le merveilleux Nostalgie de la terre natale d’après Johann Ladislaus Pyrker. Un véritable kaléidoscope d’émotions que parcourent ces deux artistes en toute objectivité.
Olivier Brunel
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