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12/07/2024
Richard Strauss : Don Quixote
Jacques Ibert : Le Chevalier errant

Amihai Grosz (alto), Jian Wang (violoncelle), Orchestre national de Lyon, Nikolaj Szeps‑Znaider (direction)
Enregistré à l’auditorium Maurice-Ravel, Lyon (octobre 2023) – 72’20
Channel Classics CCS 45424 (distribué par Outhere)


Sélectionné par la rédaction





Reconnu comme l’un des plus grands violonistes de notre temps, Nikolaj Szeps‑Znaider se consacre également avec succès à la direction d’orchestre ces dernières années, en particulier depuis sa nomination à la tête de l’Orchestre national de Lyon (ONL) en 2020. Le présent enregistrement, le premier d’une série à venir pour l’éditeur Channel Classics documente la qualité de son travail à la tête de la formation française, que le public lyonnais a l’occasion d’apprécier en concert ces dernières saisons. L’investissement et la chaleur communicative du chef israélo‑danois, son imagination en matière de répertoire, l’étroitesse de la relation nouée avec les musiciens de l’orchestre et sa capacité à les mettre en valeur sont autant de qualités qu’on retrouve avec plaisir à l’écoute de ce disque.


L’affinité de Nikolaj Szeps-Znajder avec le romantisme symphonique tardif est ici une nouvelle fois démontrée par une lecture très gratifiante du chef‑d’œuvre polymorphe qu’est le Don Quichotte de Richard Strauss, à la fois poème symphonique, suite de variations et œuvre concertante – l’une des favorites des grands violoncellistes des XXe et XXIe siècles. Dès l’introduction, le chef et l’orchestre rendent justice à la richesse de l’orchestration, conciliant à merveille, dans un son d’une grande finesse, la transparence et la compacité de la matière orchestrale ; à la fois opulente et grinçante, cette page liminaire campe avec vigueur la folie naissante du Chevalier à la triste figure. Le violoncelle de Jian Wang fait ensuite son entrée, parant de teintes sombres le fameux « thème chevaleresque » évoquant le personnage principal ; tout au long des dix variations et du finale, Szeps‑Znajder le laisse chanter avec une belle longueur de son, tandis que l’alto d’Amihai Grosz, soutenu par la clarinette basse et le tuba, est un « second rôle » des plus savoureux. Les scènes les plus spectaculaires sont enlevées avec brio, comme la bataille contre les moutons (deuxième variation, aux effets de grincements et de bêlements bien assurés par l’harmonie), le voyage dans les airs de la septième variation, ou encore les désastreux combats des neuvième et dixième variations, où le violoncelle de Don Quichotte bataille avec entrain contre les bassons des sorciers et la fanfare qui finit par l’écraser sous son poids. De même, le dialogue des instruments solistes se fond dans un accompagnement orchestral d’une grande beauté dans la troisième variation, tandis que Jian Wang déploie toute son éloquence dans la cadence de la « veillée d’armes » (cinquième variation) et dans le finale. Tout aussi charmante est la danse des hautbois, évocation onirique de Dulcinée, dans la sixième variation. En fin de compte, Szeps‑Znajder sait trouver son chemin au sein de cette œuvre complexe, qui trouve toute son unité sous sa conduite.


Le Chevalier errant de Jacques Ibert est bien plus qu’un complément sur le thème du héros de Cervantès, c’est une révélation. L’œuvre est quelque peu maudite : cette « épopée chorégraphique », composée en 1935 et 1936 pour Ida Rubinstein après le succès de Diane de Poitiers, n’est jouée à la radio que le 8 mai 1940, soit juste avant la Débâcle, et créée seulement en avril 1950 à l’Opéra de Paris, avant de disparaître de nouveau. La « suite symphonique » qu’en tire Ibert n’a pas eu plus de succès : avec l’enregistrement de l’ONL, ce n’est en effet que la troisième fois qu’elle connaît les honneurs du disque, après la version de Georges Tzipine en 1951 et celle de Jacques Mercier avec l’Orchestre National de Lorraine en 2014. Un tel désintérêt semble incompréhensible à l’écoute de ce chef‑d’œuvre qui, plus ouvertement que Don Quichotte, assume une couleur hispanisante qui le place dans la filiation de certaines grandes pages symphoniques de Debussy ou de Ravel. Son orchestration ne souffre pas de la comparaison avec celle de Strauss, comme le souligne l’interprétation flamboyante de Szeps‑Znaider. Contrebasses vibrantes dans une ouverture en forme d’énigme, cuivres chaleureux et soutenus, solos colorés de la clarinette basse dans la « Danse des galériens », d’un saxophone qui fait entendre la voix grave du héros dans « L’Age d’or » et dans le finale, d’une guitare aux accents de flamenco (de nouveau dans l’épisode central), le tout enveloppé dans des cordes amples et homogènes : les musiciens de l’ONL et leur chef s’en donnent à cœur joie dans ces pages où les accents de la danse (« Danse des galériens », tarentelle villageoise du finale) le disputent à une charge endiablée contre les moulins en ouverture (impressionnant Allegro energico des cuivres) et à un très ravélien épisode de « L’Age d’or », véritable pivot de cette épopée orchestrale.


En fin de compte, le rapprochement qu’opère ce disque sous le patronage de Cervantès montre la variété des talents d’un orchestre capable d’exceller dans la musique française comme dans un répertoire on ne peut plus germanique. Ce premier volume fait attendre avec impatience les prochains, tant l’ONL semble avoir trouvé une maturité nouvelle sous la baguette de son actuel directeur musical.


François Anselmini

 

 

 

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