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11/20/2024 Józef Kozlowski : Requiem en mi bémol mineur Olga Peretyatko (soprano), Olesya Petrova (mezzo‑soprano), Boris Stepanov (ténor), Christoph Seidl (basse), Chœur et Chœur des jeunes de l’Orchestre symphonique de Singapour, Eudenice Palaruan, Wong Lai Foon (chefs de chœur), Orchestre symphonique de Singapour, Hans Graf (direction)
Enregistré en public à l’Esplanade Concert Hall, Singapour (7 et 8 avril 2023) – 49’17
Pentatone PTC 5187 125 – Notice (en anglais) d’Edward C. Yong et Leon Chia
Illustre inconnu, Józef Kozlowski (1757‑1831) est un compositeur russe, d’origine polonaise, dont l’année même de naissance est sujette à débat (1757 ou 1759 ?). La notice d’accompagnement du présent disque, largement reprise par la page qui lui est consacrée et qui est consultable sur Wikipedia (en anglais seulement), nous apprend surtout que l’intéressé était un musicien de haute volée dont les talents attirèrent notamment l’attention du célèbre prince Grigori Potemkine (1739‑1791) qui, militaire de grande valeur et amant de Catherine II de Russie, introduisit Kozlowski à la cour impériale. Pour autant, resté très attaché à la Pologne, son pays natal, il se vit commander un Requiem par Stanislas Auguste Poniatowski (1732‑1798), dernier roi de Pologne, qui sentait sa fin proche. Et, de fait, l’œuvre fut créée le 25 février 1798 pour les obsèques du souverain, décédé le 12 février précédent ; or, paradoxe de l’Histoire, il se trouve que ce Requiem fut donné dans une version quelque peu remaniée, cette fois-ci pour les obsèques de l’Empereur de Russie Alexandre Ier (1777‑1825), l’ennemi de toujours de la Pologne.
L’œuvre, dans sa version de 1825, a déjà été enregistrée par l’Orchestre symphonique du Ministère de la culture de l’URSS sous la direction du chef Vladimir Yesipov pour Melodiya (en 1988), et fut même parfois donnée en concert, comme en juin 2019, à Montréal, sous la direction de Louis Lavigueur, chef et directeur artistique du Chœur classique de Montréal. Quant à la version princeps de 1798, elle n’avait jamais encore eu les honneurs du disque pour la simple et bonne raison que la partition n’existait pas, hormis dans une version pour piano. Il a donc fallu toute l’opiniâtreté de Hans Graf pour reconstituer la partition originelle au terme de nombreuses péripéties. La partition fut donc recréée à Singapour le 7 avril 2023, ayant été pour l’occasion enregistrée sur le vif.
Même s’il ne s’agit pas d’un chef-d’œuvre comme purent l’être d’autres Requiem, force est de constater que cette pièce ne manque pas d’intérêt. Un « Requiem et Kyrie » introductifs qui ne sont pas sans évoquer Cherubini, un « Tuba mirum » pour basse avec trombone obligé qui rappelle évidemment celui de Mozart (même s’il est peu probable que Kozłowski ait eu vent de cette partition, dont la première publication date de 1800), un « Benedictus » qui peut évoquer la musique d’un futur Mendelssohn... Que d’interrogations et que d’attraits dans ce Requiem, dirigé avec force conviction par le chef allemand Hans Graf, que nous avons bien connu en France pour avoir notamment été plusieurs années le directeur musical de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine. L’Orchestre symphonique de Singapour, dont il est directeur musical depuis la saison 2022‑2023, affiche une belle cohésion et des solistes de haut niveau, notamment un hautbois enjôleur dans le déjà cité « Tuba mirum ». Le chef sait donner tout son élan à un « Dies iræ » conquérant, toute sa délicatesse au « Judex ergo », dont le début chambriste met en valeur le pupitre de violoncelles (et que dire de ces deux clarinettes presque « verdiennes » à partir de 2’18 ?), tout son caractère volontaire au « Benedictus », où les cordes ne cessent d’aller de l’avant, colorées par les élans plaintifs des clarinettes de nouveau. A n’en pas douter, ce Requiem offre un intérêt orchestral certain.
Sur le plan des voix, on sera sans doute un peu moins séduit. Les deux chœurs réunis (près de quatre‑vingts chanteurs) ne manquent pas d’allure même s’ils pourraient faire montre d’une plus grande ampleur (mais on ne peut exclure que cela soit dû aux conditions d’enregistrement, la salle de concert souffrant peut‑être d’une acoustique un peu sèche), certains passages trahissant au surplus quelques fragilités (l’aigu du pupitre de ténors dans le « Requiem et Kyrie » introductif, à partir de 4’50). Chez les solistes, la basse Christoph Seidl est assez insupportable dans le « Tuba mirum » en raison d’un vibrato extrêmement gênant, que l’on retrouve malheureusement dans le « Confutatis ». Boris Stepanov assure sa partie sans coup férir, notamment au début du très beau « Domine Jesu Christe », où est de nouveau requise une merveilleuse clarinette solo, et dans un « Agnus Dei » tout en retenue et en solennité. Le « Judex ergo » est un petit moment de grâce en raison, on l’a dit, de l’atmosphère chambriste mais aussi de l’excellent duo des voix féminines, la soprano Olga Peretyatko et la mezzo Olesya Petrova. Notons enfin la très remarquable prestation de la soprano dans le « Benedictus », un des plus beaux passages de ce Requiem, décidément une œuvre à redécouvrir.
Le site d’Olga Peretyatko
Le site de Boris Stepanov
Le site de Christoph Seidl
Le site de l’Orchestre symphonique et des Chœurs de l’Orchestre symphonique de Singapour
Sébastien Gauthier
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