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08/26/2001 Debussy, Douze Etudes, Bartok, Trois études op. 18, Sz.72 Florent Boffard (piano). 1 CD Harmonia Mundi HMN 911733. DDD. T. 53'18
Tournant résolument le dos à la facilité, le pianiste Florent Boffard rapproche ici deux oeuvres dont il souligne "les avancées essentielles" qu'elles représentent pour le langage musical du XXème siècle à savoir les Douze Etudes de Debussy (1915) et les Trois études op. 18, Sz. 72 de Bartok (1918). Florent Boffard (né en 1964) a pour lui une longue pratique du répertoire du XXème siècle puisqu'il a été soliste de l'Ensemble Intercontemporain de 1988 à 1999 et il semble parfaitement à l'aise dans ces oeuvres extrêmement difficiles à la fois sur le plan structurel et sur le plan strictement pianistique et digital.
Claude Debussy a composé ses Etudes dans la suite de la tradition d'un Chopin ou d'un Liszt, cherchant comme ses modèles à concilier l'exercice de la technique pianistique dans ses aspects les plus exigeants et "un peu de charme" (lettre à son éditeur Durand). Chaque étude traite un problème spécial de la technique, avec un premier Livre axé surtout sur les doigts et un second Livre plutôt dédié au travail sur les sonorités. Il y fait preuve d'un extraordinaire génie novateur conciliant des moments d'intense poésie et des avancées majeures dans le domaine des coloris, des sonorités, des rythmes, des contrastes et des juxtapositions. Autant de défis pour l'interprète. Florent Boffard éblouit par ses capacités à rendre tous ces aspects : sonorité superbe et jamais dure, maîtrise pour conjuguer la fluidité et une extrême lisibilité dans les traits les plus rapides, art du détaché, précision, tout cela n'excluant en aucune façon le chant et la poésie qu'il sait fait surgir au milieu des passages les plus virtuoses. On note en particulier la virtuosité hallucinée, presque fantastique, véritable danse de feux follets dans l'Etude pour les huit doigts ou les salves de la superbe Etude pour les degrés chromatiques qu'il juxtapose magnifiquement à la mélodie. Il est peut-être un tout petit peu moins convaincant dans les études les plus lentes et les plus longues où la tension semble parfois se relâcher légèrement alors qu'en revanche, il sait tendre à l'extrême la ligne des plus brèves, entraînant l'auditeur à sa suite de la première à la dernière note. Quant aux Bartok, elles sont hallucinantes. Le pianiste empoigne l'auditeur avec la toute première, inouïe dans sa brièveté, avec quelque chose de l'Allegro Barbaro de 1911 et ne le lâche plus jusqu'au terme de la troisième aux rythmes si complexes. Ce disque propose donc de découvrir ou de mieux connaître un pianiste tout à fait intéressant dans un programme courageux et intelligent, autour d'oeuvres majeures qui ne sont pas si souvent enregistrées. Une belle réussite à mettre sur le compte de la collection Les nouveaux Interprètes de Harmonia Mundi et Radio France.
Florence Trocmé
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