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01/15/2024
« Le Moine et le Voyou »
Francis Poulenc : Un soir de neige, FP 126 – Quatre Motets pour un temps de pénitence, FP 97 – Exultate Deo, FP 110
Bernard Cavanna : Messe un jour ordinaire

Isabelle Lagarde, Emilie Rose Bry (sopranos), Kiup Lee (ténor), Noëmi Schindler (violon), Les Métaboles, Multilatérale, Léo Warynski (direction)
Enregistré à l’Arsenal de Metz (mai 2022) – 57’14
NoMadMusic NMM113 – Notice en français et en anglais


Sélectionné par la rédaction





Il a déjà été signalé dans ces colonnes la qualité du travail de l’ensemble vocal Les Métaboles, créé en 2010. Cette qualité est pleinement confirmée dans ce nouveau disque enregistré en compagnie de l’ensemble instrumental Multilatérale, créé quant à lui en 2005, et consacré à des œuvres vocales de Francis Poulenc (1899‑1963) et de Bernard Cavanna (né en 1951).


Du premier, dont la figure de Janus telle que décrite dans la fameuse formule de Claude Rostand donne le titre à l’album, sont proposées trois œuvres a cappella, la première profane, de 1944, et les autres religieuses, datant respectivement de 1939 et de 1941. On apprécie la clarté, la diction, la distinction sans épanchement, des interprétations comme leur captation. Si la vision de l’ensemble The Sixteen sous la direction d’Harry Christophers a été jugée dans ces colonnes d’une grande qualité, elle pèche, en regard, par une excessive réverbération, une prononciation inférieure et un dramatisme accentué. Ici, le chant est épuré et la sécheresse de la captation convient bien aux chants profanes (qu’il n’y a en effet pas nécessairement lieu d’enregistrer dans une église). La simplicité de l’approche des motets les rend particulièrement émouvants. La réalisation nous paraît donc encore supérieure.


La Messe un jour ordinaire, œuvre d’un peu plus d’une demi‑heure créée en 1994 mais modifiée pour cet enregistrement, est d’une tout autre ampleur. Les textes surprennent. Ils ont été établis par le compositeur Bernard Cavanna lui‑même à partir de l’ordinaire de la messe, des propos d’une toxicomane tirés d’un film-documentaire, d’une déclaration de Klaus Barbie indiquant, en allemand, lors de son procès qu’il n’a rien à dire, d’un poème de Nathalie Méfano, fille du compositeur du même nom décédée prématurément à l’âge de vingt‑huit ans, et d’une définition d’un bateau particulier (la marie‑salope) extraite d’un dictionnaire. Le chœur chante ainsi, presque mécaniquement, un « Eleison » et Laurence, la toxico, l’interrompt pour lancer : « Ca vous dérange si j’fume ?  ». On passe du latin au français, à l’italien, l’anglais et l’allemand un peu comme dans les Requiem de Bernd Alois Zimmermann, Pascal Dusapin ou de Thierry Lancino. Profane et sacré sont donc mêlés ou plus exactement se télescopent. L’ordre, le rituel, incarné par un chœur s’exprimant de façon de plus en plus dure et plus en plus en allemand avance sans être vraiment perturbé par les propos de la femme sortant de prison et à la dérive, confrontée à ses problèmes terre à terre de vêtements ou de punaises de lit. Les tensions croissantes entre les deux mondes sont musicalement soulignées par les percussions et des cuivres confiés ici à un bel ensemble Multilatérale. Musicalement, l’écriture de la pièce peut parfois faire penser à Zimmermann, sans les citations souvent utilisées chez ce dernier, ou, plus encore, à Paul Méfano.


Evidemment, on peut trouver le « livret » caricatural, voire provocant (on passe de la « résurrection de la chair » à celle de la « viande »), regretter à nouveau l’utilisation de la langue allemande pour mieux rendre la dureté du discours et déplorer encore le retour de la figure du nazi qui pollue tant la création contemporaine (sorte de point Godwin musical ?). En outre, on peut aussi penser que le texte de Laurence aurait gagné à être confié à une voix plus sombre qu’un soprano léger. Mais on est impressionné par la richesse, sans être écrasante, de l’instrumentarium, l’association de l’accordéon et de l’orgue, la sensibilité du violon de Noëmi Schindler, l’engagement d’Isabelle Lagarde dans le rôle de Laurence même si la voix est peut‑être trop « propre » compte tenu des paroles à chanter. Enfin, dans cette œuvre forte et complexe, véritable manifeste contre l’exclusion, la direction de Léo Warynski se montre d’une clarté exemplaire.


Au total, le disque apparaît donc très intéressant ; il vaut assurément le détour.


Le site de l’ensemble vocal Les Métaboles
Le site de l’ensemble Multilatérale


Stéphane Guy

 

 

 

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