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01/14/2024
Felix Mendelssohn Bartholdy : Symphonies n° 4 en la majeur « Italienische », opus 90 (seconde version de 1834), et n° 5 en ré mineur « Reformation », opus 107 (version originale de 1829)
Les Ambassadeurs ~ La Grande Ecurie, Alexis Kossenko (direction)
Enregistré à la Maison de l’Orchestre national d’Ile‑de‑France, Alfortville (7‑9 mai 2022)  – 58’
Aparté AP315 – Entretien (en anglais et en français) avec Alexis Kossenko





Signe d’une certaine humilité, à tout le moins d’une franche reconnaissance, Alexis Kossenko a tenu à rendre hommage à Emmanuel Krivine dans un propos figurant au sein de la notice d’accompagnement de ce disque puisque, lorsqu’il était flûte solo de La Chambre Philharmonique que dirigeait alors Krivine, Kossenko participa notamment à ce qu’il se remémore comme ayant été le premier enregistrement de ce nouvel ensemble, qui était justement consacré aux Quatrième et Cinquième Symphonies de Mendelssohn ! Peu importe qu’il se fût agi en vérité du deuxième enregistrement de l’orchestre (le premier était consacré à la Grande Messe en ut mineur de Mozart), toujours est‑il qu’en passant aujourd’hui de la flûte à la baguette, Alexis Kossenko boucle la boucle en quelque sorte.


La version originelle de la célébrissime Symphonie « Italienne » (1833) de Mendelssohn ne court guère les rues ; signalons tout de même les excellentes versions Gardiner (avec le Philharmonique de Vienne chez Deutsche Grammophon, où le chef anglais enregistrait alors notamment la version première de l’œuvre ainsi que les seuls deuxième, troisième et quatrième mouvements de la version révisée de 1834) et Chailly (dans son récent disque Musa Italiana avec son cher Orchestre de La Scala chez Decca). Il faut désormais compter avec Alexis Kossenko qui, après d’autres chefs venus plutôt du monde baroque (récemment Maxim Emelyanychev avec l’Orchestre de chambre d’Ecosse chez Linn Records, Jordi Savall chez Alia Vox ou le déjà mentionné Sir John Eliot Gardiner à la tête cette fois‑ci de l’Orchestre symphonique de Londres), s’attaque également à l’œuvre orchestrale de Mendelssohn.


La présente version ne manque pas d’allure ! Certes, la verdeur des timbres, l’absence de vibrato, également une finition perfectible de temps à autre font que nous n’oublierons pas les versions magistrales signées Maazel (en 1960 avec le Philharmonique de Berlin), Karajan (en 1972 avec le même orchestre), Dohnányi (avec Vienne en 1978) ou autre Abbado (avec l’Orchestre symphonique de Londres) mais quelle vie ici ! Le premier mouvement est pris à une belle allure et l’orchestre enthousiasme par le sens porté aux détails (peut‑être en partie grâce aux micros qui nous donnent à entendre ces pizzicati de contrebasses à 4’05 ou ce murmure de bois dominés par les clarinettes vers 7’52), par l’élan et l’esprit conquérant qui innervent la partition. Si l’on peut regretter des tutti un peu secs (notamment côté cordes) et quelques passages où les musiciens savonnent un rien (les bois dans le passage susmentionné), c’est extrêmement prenant. L’Andante con moto frappe par sa dimension presque tragique, tournant ainsi le dos à une symphonie « souriante » comme on a parfois tendance à l’appréhender ; toujours sans vibrato, les cordes nous emmènent dans un lyrisme éperdu où brillent de nouveau les vents, à commencer par les superbes clarinettes de Roberta Cristini et d’Arthur Bolorinos. Dommage après cela que le troisième mouvement marque une baisse de tension, les accents mis par le chef sur les nuances ne relevant pas toujours de la démarche la plus naturelle... Quant au fameux Saltarello, c’est sans doute là que les modifications apportées par Mendelssohn à la partition originale s’avèrent les plus importantes ; écoutez par exemple le passage tout en pizzicati à partir de 2’25, étonnant et prenant à la fois. Dans une sorte de tourbillon mélodique, Alexis Kossenko dirige avec la fougue qu’on lui connaît l’ensemble Les Ambassadeurs ~ La Grande Ecurie, dans un foisonnement de timbres et de détails qui, s’ils gomment un peu trop souvent les grandes lignes de la partition, n’en restent pas moins pleinement jouissifs.


Dans sa version primitive de 1829, la Cinquième Symphonie, dite « Réforme » en raison notamment de la citation du choral « Ein feste Burg » de Luther dans le dernier mouvement, nous semble mieux réussie encore que l’Italienne. Là encore, Alexis Kossenko n’est pas le premier chef venu du monde baroque à diriger cette œuvre : Pablo Heras‑Casado avec l’Orchestre baroque de Fribourg au disque (Harmonia Mundi), Philippe Herreweghe avec l’Orchestre des Champs‑Elysées au concert à Saintes il y a plusieurs années maintenant (avec en bis une ouverture des Hébrides dont le souvenir nous fait toujours autant frissonner) s’y sont déjà essayé avec succès. L’entrée en matière est ici magnifique en dépit encore de cette tendance à trop appuyer sur les soufflets de nuances (enchaînement crescendo – decrescendo)  : le côté hiératique de la partition est très bien rendu, certains accents nous apparaissant là presque wagnériens avant l’heure (à partir de 2’15), l’orchestre s’emparant de la partition à la fois avec énergie (notamment dans l’Allegro con fuoco) et plénitude même si l’on préfère à titre personnel des versions sur instruments modernes où le volume orchestral s’avère plus chatoyant. L’Allegro vivace est le mouvement le plus réussi par sa légèreté, sa nonchalance tranquille, sa pulsation dansante (le pupitre de violoncelles !) que sert magnifiquement un orchestre où l’on perçoit instantanément la joie de jouer ensemble. Si l’Andante n’appelle guère de commentaire, on n’en dira pas autant du « Récitatif » qui suit, passage biffé par Mendelssohn et qui n’est donc quasiment jamais interprété ; le choix d’Alexis Kossenko de recourir à la partition originelle nous permet d’entendre ce magnifique et surnaturel solo de flûte (Anne Parisot, parfaite) dans un mouvement qui trouve finalement toute sa place pour nous conduire vers le Chorale conclusif, où le tutti orchestral reprend toute sa place, nouveau moment bien connu de foisonnement romantique où la légèreté de l’interprétation n’enlève rien à la solennité du propos. Même si Alexis Kossenko et les siens auraient pu compléter ce disque par une des nombreuses ouvertures de Mendelssohn, à chaque fois de petits chefs‑d’œuvre, afin d’optimiser le minutage offert à l’auditeur, on attend avec impatience la suite de cette intégrale qui démarre sous les meilleurs auspices.


Le site d’Alexis Kossenko
Le site de l’ensemble Les Ambassadeurs ~ La Grande Ecurie


Sébastien Gauthier

 

 

 

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