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01/14/2024
Antonio Vivaldi : La stravaganza, opus 4 [1] – La cetra, opus 9 [2] – L’estro armonico, opus 3 [3] – Le quattro stagioni, opus 8 n°s 1 à 4 [4] – Concertos pour violon en mi majeur « Il riposo per il santissimo natale », RV 270 [3], en mi majeur « L’amoroso », RV 271 [3], et en ré majeur « Grosso Mogul », RV 208 [3]
Arte dei Suonatori [1], Holland Baroque [2], Brecon Baroque [3, 4], Rachel Podger (violon et direction)
Enregistré en l’église du Grand Séminaire Catholique de Goscikowo-Paradyz, Pologne (septembre 2002) [1], au Waalse Kerk, Amsterdam (septembre 2011 et janvier 2012) [2], en l’église Saint-Jean l’Evangéliste, Londres (février et septembre 2014) [3] et en l’église Saint Jude, Londres (octobre 2017) [4] – 392’
Coffret de sept disques Channel Classics CCSBox 7423 – Notice (en anglais, français et allemand) de Mark Seow





« Antonio Vivaldi, Concerti per una vita »
Giovanni Legrenzi : La divisione del mondo : airs « Occhi miei si dormire » * et « Lumi potete piangere »
Antonio Vivaldi : Sinfonia en si mineur, RV 168 (extrait) – Concerto pour violon en ré mineur, RV 813 – Concerto pour violon en mi majeur, RV 768 : 2. Adagio * – Concertos pour violon en la mineur, RV 356, et en mi bémol majeur « Il ritiro », RV 256 – Concerto pour violon en si bémol majeur, RV 370 : « Chaconne » (reconstitution Olivier Fourès) * – Concertos pour violon en sol mineur « L’estate », RV 315, opus 8 n° 2 » (version de Gênes) *, en la majeur « Fantasia per Anna Maria », RV 349, et en mi majeur « Per Anna Maria », RV 267a – Diminutions sur la « Forlane » du Concerto pour basson en mi mineur, RV 478 (arrangement Olivier Fourès) – Concerto pour violon en ut majeur « per S.M.C.C. » (Charles VI), RV 171 – Concerto pour violon en ré majeur, RV 212 : « Récitatif » * – Concertos pour violon en mi mineur, RV 278, et en si mineur, RV 37a * – Concerto pour deux cors en fa majeur, RV 539 : « Fanfare » (arrangement Olivier Fourès) – La fida ninfa, RV 714 : « Tempesta di mare » en fa majeur – Dorilla in tempe, RV 709 : « Sinfonia al ballo » en fa majeur – Concerto pour violon en mi bémol majeur, RV 250 *, en ré mineur « Per Pisendel », RV 237, en mi bémol majeur, RV 252 *, et en fa majeur, RV 569 – Cantate « Sorge vermiglia in ciel » en la mineur, RV 667 : « Ardi, svena »  – Concerto pour violon « in due cori con violino discordato », RV 583 : « Chaconne » en si bémol majeur
Johann Paul von Westhoff : Sonate pour violon n° 3 en ré mineur : « Imitatione delle campane »
Fanfare en fa majeur d’après Jean‑Joseph Mouret

Le Consort, Théotime Langlois de Swarte (violon solo et direction)
Enregistré (en première mondiale *) au Théâtre Auditorium de Poitiers (mai et juillet 2023) – 120’28
Album de disques Harmonia Mundi HMM 902373.74 – Notice (en français et en anglais) de Théotime Langlois de Swarte et Olivier Fourès





Après de récentes parutions consacrées à l’œuvre concertante pour violon d’Antonio Vivaldi signées respectivement Fabio Biondi et Giuliano Carmignola, voici deux nouvelles anthologies qui renouvellent en partie le genre, en tout cas qui permettent à leurs solistes de s’affirmer comme des interprètes hors de pair des concertos du Prêtre roux.


Partenaire habituée ou directrice musicale (depuis l’archet) d’ensembles aussi renommés que The English Concert ou l’ensemble Tafelmusik, l’Anglaise Rachel Podger est une violoniste baroque qui transforme en or tout ce qu’elle touche. Son récent album solo « Tutta sola » s’est ainsi vu bardé de prix, à juste titre ! Voici réédités, en un volumineux coffret, sept disques qui brossent un panorama aussi complet que possible de l’œuvre concertant que Vivaldi a dédiée au violon avec, entre autres, les recueils La stravaganza, La cetra et L’estro armonico, auxquels on ajoutera Les Quatre saisons et quelques concertos épars pour faire bonne mesure.


Au fil de ces divers enregistrements qui s’étalent sur plus d’une quinzaine d’années, Rachel Podger a convié à ses côtés divers ensembles qui, pour n’être pas les plus célèbres du monde baroque, n’en sont pas moins des partenaires de choix. Que ce soit le théorbe qui gratte à qui mieux mieux dans l’Allegro assai du Concerto RV 301, le luth dans le Presto du Concerto RV 358 ou, par son entrain ou la générosité de ses sons, de l’ensemble de l’orchestre dans le superbe Allegro du Concerto RV 530 (extrait de La cetra), on est séduit de bout en bout. L’accompagnement est toujours léger, les ensembles ne se mettent jamais en avant et restent souvent sur une séduisante réserve, parfois peut‑être excessive : à cet égard, on préfère à titre personnel l’English Concert de Trevor Pinnock dans l’Allegro du Concerto RV 580 qui, bien que moins étoffé par le nombre de musiciens requis, offre néanmoins un soubassement orchestral beaucoup plus savoureux (Archiv Produktion, 1987). De temps à autre, ce sont ici les options baroques « modernes » (en tout cas « récentes »... qui nous gênent un tant soit peu, l’orchestre pressant davantage qu’il ne le faisait dans des enregistrements plus anciens et manquant de fait de lisibilité (par exemple dans l’Allegro du Concerto RV 549). Mais ce ne sont là que menues critiques au regard d’une prestation orchestrale d’ensemble qui témoigne à la fois de l’implication des musiciens et de l’entente évidente avec la soliste.


Côté archet justement, Rachel Podger est évidemment excellente. Inutile, comme souvent à ce niveau, de s’appesantir sur les aspects techniques, la violoniste rousse comme le compositeur qu’elle sert avec maestria n’ayant cure des chausse‑trapes ainsi tendues (impressionnants Allegro non molto conclusif du Concerto RV 348 ou Allegro molto du Concerto RV 300), les avalant avec gourmandise, son Pesarinius de 1739 lui permettant de sortir des aigus d’une limpidité magique (l’Allegro conclusif du Concerto RV 316a) qui, grâce à une profonde musicalité, séduit plus qu’elle n’impressionne : c’est plutôt bon signe...


En effet, contrairement à certains archets baroques dont nous tairons le nom, Rachel Podger s’attache avant tout à la simplicité du discours – c’est d’ailleurs un des côtés magiques de Vivaldi que de donner beaucoup avec presque rien – et à la musicalité de chaque phrase sans requérir esbroufe inutile ou effet de manche artificiel qui, bien souvent, masque une absence tant de réflexion que de passion même pour cette musique. Ainsi, dans le célébrissime recueil des Quatre Saisons, L’Eté virevolte ici sans agressivité et L’Hiver nous emporte sans excès (quel dernier mouvement !) ; l’Allegro du Concerto RV 357 est joué tout en nuances tandis que l’on est subjugué par ce Largo du Concerto RV 284 où le minimalisme règne en maître (un léger crescendo suffisant à donner au mouvement un fol effet), par ce superbe Largo du Concerto RV 359 qui, dans une infinie douceur, sait prendre son temps à l’image des ondulations qui peuvent lécher les quais de la lagune vénitienne, ou par ce non moins séduisant Adagio du Concerto RV 198a aux sonorités presque religieuses, le violon ayant presque tendance à se muer en voix humaine. Les exemples pourraient être multipliés !


Même si de temps à autre, on restera fidèle à Simon Standage chez Trevor Pinnock (dans le Larghetto du Concerto RV 230, certainement un des plus beaux mouvements de concerto pour violon jamais composés par Vivaldi, ici pris de façon trop nonchalante alors que Standage savait nous tirer les larmes à chaque note) ou à Piero Toso (incomparable dans le Concerto RV 199 « Il sospetto » avec Claudio Scimone (Erato, juillet 1979), ces disques signés Rachel Podger la confortent indéniablement comme faisant partie des meilleures violonistes de la scène baroque actuelle.


Lors d’un concert au Festival de Sablé-sur-Sarthe il y a quelques années, nous avions été fortement impressionné par le jeu et le charisme sur scène du jeune violoniste Théotime Langlois de Swarte, dont nous estimions alors qu’il fallait absolument retenir le nom. La suite ne nous aura pas démenti puisque celui‑ci est devenu désormais une figure majeure de la scène baroque française (et même au‑delà) ; cofondateur avec le claveciniste Justin Taylor et la violoniste Sophie de Bardonnèche de l’ensemble Le Consort, soliste réputé et adoubé par les plus grands (notamment William Christie), chef d’orchestre à ses heures (que ce soit chez Haydn, Grétry ou Lully), on ne compte plus les cordes à son arc. Le voici qui prend de nouveau à la fois archet et baguette à la tête du Consort justement pour nous livrer un double disque consacré lui aussi à Antonio Vivaldi.


La notice est pour une fois – avouons‑le, ce n’est pas toujours le cas – intéressante et éclairante sur les choix et la motivation ayant guidé cet énième hommage au Prêtre roux dont, il est vrai, l’œuvre concertant pour violon semble être sans fin. Ayant été initié à Vivaldi depuis sa plus tendre enfance, Théotime Langlois de Swarte a souhaité reprendre ici le parcours stylistique de Vivaldi, débutant ainsi ce coffret par une ritournelle de Legrenzi qui date de 1675 (donc peu ou prou l’année de naissance de Vivaldi), laquelle illustre ainsi le style musical qui avait pu bercer le jeune Antonio avant qu’il ne devienne le génie que l’on connaît aujourd’hui. Les œuvres (le plus souvent des concertos) que l’on entend par la suite témoignent d’une véritable constance dans l’inspiration du compositeur vénitien, les concertos les plus anciens recélant déjà, comme on a récemment eu l’occasion de le souligner, les fondamentaux du style que Vivaldi développera, enrichira mais ne cessera de confirmer au fil de ses multiples compositions. Quant à l’a priori anachronique « Imitatione delle campane » de Westhoff, Théotime Langlois de Swarte nous indique que cette pièce pour violon seul aurait peut‑être été jouée par le fameux virtuose Pisendel à Vivaldi, et qu’elle a été enregistrée ici dans son épure (sans continuo) « pour symboliser ce moment où l’on peut imaginer Pisendel face à Vivaldi, partageant avec lui cette recherche sonore violonistique germanique : comment faire résonner le violon, les cordes à vide avec cette recherche de texture harmonique ? ». La justification est des plus intéressantes !


Pour ceux qui connaissent Le Consort (composé en son cœur de Théotime Langlois de Swarte et Sophie de Bardonnèche au violon, de Hanna Salzenstein au violoncelle et de Justin Taylor au clavecin), l’affiche ne doit pas être trompeuse car Le Consort dont il est question ici est un orchestre aux formes variées dont l’effectif peut atteindre une trentaine de musiciens au nombre desquels on dénombre entre autres seize violons, trois altos, cinq violoncelles, deux hautbois, deux cors et même des timbales tenues par l’inamovible Marie‑Ange Petit. L’orchestre donc est superbe : commençons par lui ! Il fouette et claque à qui mieux mieux dans le Presto du Concerto RV 256, il fait preuve d’une agogique presqu’envoûtante dans la « Forlane » du Concerto pour basson, les cors éclatent à chaque instant dans les trois brèves pages que sont la « Fanfare » du Concerto pour deux cors RV 539 et les ouvertures de deux opéras (La fida ninfa et Dorilla in tempe), l’orchestre dans son ensemble brille de mille couleurs dans le très opulent Concerto RV 569 (même si la version de l’Orchestre baroque de Fribourg chez Naïve nous semble toujours insurpassée). La souplesse de l’ensemble, les intonations des uns et des autres, l’énergie qui transparaît à chaque page (y compris dans les mouvements lents des concertos où le soliste doit être pleinement soutenu) sont autant de marques qui doivent être mises au crédit d’un Consort de tout premier ordre.


Quant au violoniste et non plus au chef Théotime Langlois de Swarte, il gagne haut la main ses lauriers de « vivaldien » tant sa compréhension du langage de ce compositeur est évidente, son Stainer de 1695 sonnant magnifiquement grâce à une prise de son exemplaire. Inutile de s’attarder là non plus sur la maîtrise technique des partitions, celle‑ci étant évidente comme chez Rachel Podger : que l’archet soit à la corde, qu’il sautille, qu’il tressaute de note en note, on est véritablement ébloui par tant de facilité que ce soit dans l’Allegro assai du Concerto RV 256, dans le second Allegro du Concerto RV 278 ou dans l’Allegro molto du Concerto RV 250, entre autres exemples. Mais, comme on le sait, Vivaldi, c’est bien autre chose : c’est également un maximum d’effet musical qui passe par une très grande simplicité tant du jeu que des lignes mélodiques, la partition ne requérant pas forcément de fioritures sans fin de la part du soliste. Et là, Théotime Langlois de Swarte affiche souvent une sérénité de premier ordre qui rend pleinement justice au lyrisme de ces pages à la fluidité généreuse : qu’on écoute le superbe Adagio tiré du Concerto RV 768, dont la mélancolie est ici si évidente, ou l’Andante du Concerto RV 267a. Lorsqu’il joue davantage en chambriste, Théotime Langlois de Swarte affiche une complicité admirable avec ses partenaires de prédilection, comme peut l’être Justin Taylor dans le deuxième mouvement du Concerto RV 37a découvert dans les archives seulement en 2022 et dont on a ici le premier enregistrement mondial (comme c’est le cas pour quelques autres œuvres).


On l’aura compris : plus qu’une simple carte de visite, voici un merveilleux témoignage des immenses talents de Théotime Langlois de Swarte qui, dans son premier disque pour Harmonia Mundi, avait déjà rendu hommage à Vivaldi, aux côtés de Locatelli et Leclair. De façon anachronique peut‑être, on conseillera néanmoins à l’auditeur d’écouter en priorité l’« Imitatione delle campane » de Westhoff, au rythme et aux sonorités presqu’obsédants, sorte de mouvement perpétuel avant l’heure, et la poignante « Chaconne » tirée du Concerto RV 583, où la délicatesse est le maître mot d’une page qui vous restera longtemps en mémoire. Quel violoniste tout de même !


Le site de Rachel Podger
Le site de l’ensemble Arte dei Suonatori
Le site de l’ensemble Holland Baroque
Le site du Festival baroque de Brecon et de l’ensemble Brecon Baroque
Le site de Théotime Langlois de Swarte
Le site du Consort


Sébastien Gauthier

 

 

 

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