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11/11/2023
« Chants de l’isolé »
Philippe Hersant : Chant de l’isolé – Fantaisies sur le nom de Sacher
Benoît Menut : Trio n° II, Les Allées sombres, opus 39 – Depuis le Rivage

Trio Karénine : Paloma Kouider (piano), Charlotte Juillard (violon), Louis Rodde (violoncelle) – Orchestre royal de chambre de Wallonie, Vahan Mardirossian (direction)
Enregistré à l’Arsonic de Mons (31 mars‑1er avril 2022) – 61’
Mirare MIR684 – Notice en français et anglais


Sélectionné par la rédaction





Le présent disque réunit des pièces de deux compositeurs français de générations différentes mais qui se connaissent et s’apprécient semble‑t‑il depuis longtemps : Philippe Hersant (né en 1948) et Benoît Menut (né en 1977). Il comporte deux trios interprétés par le Trio Karénine et deux œuvres orchestrales restituées par l’Orchestre royal de chambre de Wallonie, avec le trio pour l’une d’elle. Trois des quatre œuvres sont inspirées par la littérature. Le Chant de l’isolé, créé en 2014, provient d’un poème expressionniste de l’écrivain autrichien Georg Trakl pressentant la catastrophe de la Grande Guerre au cours de laquelle il devait d’ailleurs mourir. En 2018, avait été créée la suite, en quelque sorte, Sous la pluie de feu, pour célébrer cette fois le centenaire de l’armistice (voir ici). Les Allées sombres, créées en 2013, reprennent quant à elles le nom d’un recueil de nouvelles de l’écrivain russe Ivan Bounine, prix Nobel de littérature en 1933 et passablement oublié. Enfin, Depuis le Rivage, créé en 2022, s’inspire d’un poème éponyme du Finlandais Pentti Holappa. Les Fantaisies, créées en 2088, ne doivent en revanche rien à la littérature. Il s’agit d’un ensemble de pièces assez différentes pour orchestre à cordes mais bâties à partir des notes dans leur notation anglo‑saxonne reprenant les lettres du nom de Paul Sacher, célèbre mécène et chef d’orchestre suisse. Ceux qui connaissent le compositeur, Philippe Hersant, ne seront pas étonnés qu’elles soient émaillées de réminiscences, de citations clairement reconnaissables, en l’espèce du Treizième Quatuor de Beethoven, de la Quatrième Symphonie de Mahler, et de la Symphonie de psaumes de Stravinsky.


Philippe Hersant ne peut ainsi encore une fois se détacher de ses devanciers. Il reste aussi marqué par les drames de l’histoire, son regard effaré semblant tourné vers l’arrière à la manière de l’Officier de chasseurs ou du Cuirassier blessé de Géricault. Il n’écrit cependant pas « à la manière de ». Ce n’est en rien du pastiche. Sans être révolutionnaire, son écriture consonante mais complexe demeure éminemment personnelle. Elle paraît par exemple plus inventive que celle d’un Nicolas Bacri, autre compositeur tourné frénétiquement vers le passé. Sa haute spiritualité inspire en outre un immense respect. Tendue, très intense et expressive, elle fait penser à celle d’un autre écorché vif, Olivier Greif, sans ses excès, sa rage et parfois sa grandiloquence, et il faut convenir que c’est admirablement bien fait. Sa musique, si sensible, touche au cœur.


Benoît Menut, compositeur formé en partie par Greif, ne démérite pas en regard. Alors que ses œuvres ne rendent hommage à personne en particulier, au travers de citations, sa personnalité paraît simplement paradoxalement moins affirmée. Les Allées sombres traitent du passé de façon différente. Plutôt intime, l’œuvre diffuse une inquiétude troublante. Depuis le Rivage confié à un trio avec piano, percussions (cloches tubulaires) et orchestre à cordes, est une sorte de berceuse planante, subtile et assez poétique qui s’anime en son centre, entre terre et mer, entre le fluide confié aux cordes et la roche où s’écrasent les vagues qui paraît attribuée au piano. Les interprètes en proposent une version soignée et d’une clarté exemplaire. L’œuvre achève de belle manière un fort beau disque, limpide et à l’équilibre général tout à fait remarquable, qui n’exclut pas l’émotion et que l’on réécoute volontiers, avec un intérêt constant.


Stéphane Guy

 

 

 

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