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03/11/2023
Jean-Baptiste Lully : Acis et Galatée
Ambroisine Bré (Diane, Galatée), Bénédicte Tauran (L’Abondance, Scylla, Une naïade), Robert Getchell (Comus, Télème), Cyril Auvity (Apollon, Acis), Deborah Cachet (Une dryade, Aminte, Une baïade), Philippe Estèphe (Un sylvain, Neptune), Edwin Crossley‑Mercer (Polyphème), Enguerrand de Hys (Tircis, Le prêtre de Junon), Chœur de chambre de Namur, Thibaut Lenaerts (chef de chœur), Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction)
Enregistré au Conservatoire Jean‑Baptiste Lully, Puteaux (16‑18 juillet 2021) – 111’
Album de deux disques Aparté AP 269 – Notice (en anglais et en français) de Pascal Denécheau


Sélectionné par la rédaction





« Campistron était de ces poètes crottés qui meurent de faim et qui font tout pour vivre » écrivait d’une plume assassine le duc de Saint‑Simon ; c’est pourtant lui, Jean Galbert de Campistron (1656‑1723), qui écrivit le livret d’Acis et Galatée, dernière œuvre achevée de Jean‑Baptiste Lully (1632‑1687), le grand compositeur décédant quelques mois plus tard du fatal coup de canne sur son pied que tout le monde connaît. Créée en septembre 1686 au château d’Anet, chez le duc de Vendôme, cette pastorale héroïque en un prologue et trois actes composée par Lully à l’attention du Dauphin trouve son sujet dans les légendes de l’Antiquité grecque, en l’occurrence les amours d’Acis et de Galatée.


Inutile de s’appesantir trop longtemps sur cette histoire, tirée une fois encore des Métamorphoses d’Ovide : on renverra pour les détails et le contexte de la composition à l’excellente notice de Pascal Denécheau. Qu’il nous suffise de rappeler que le jeune berger Acis aime la néréide Galatée qui, dans un premier temps, lui bat froid. A côté de cette relation, une autre prend naissance entre Télème et la belle Scylla, laquelle résistera toujours fièrement aux déclarations amourachées de son amant. Galatée tombe pour sa part peu à peu sous le charme d’Acis mais, malheureusement pour elle, elle est également aimée du cyclope Polyphème, qui prévoit d’organiser de grandes festivités en son honneur. Galatée fait croire à ce dernier qu’elle succombe à ses charmes ; mais, découvrant la supercherie, Polyphème jure de tuer Acis, ce qu’il fait avant que Neptune ne le fasse renaître sous la forme d’un fleuve immortel, lui permettant ainsi de vivre pleinement sa relation avec Galatée.


On ne bénéficiait à ce jour que de l’excellente version d’Acis et Galatée dirigée par Marc Minkowski chez Archiv Produktion (1998) avec notamment Véronique Gens et Jean‑Paul Fouchécourt dans les rôles‑titres : quel duo ! Avouons pourtant immédiatement que la présente version signée Christophe Rousset la surpasse grâce, tout d’abord, à un orchestre de premier plan. Car, contrairement peut‑être à certaines tragédies lyriques de Lully où les voix emportent tout sur leur passage, Acis et Galatée fait la part belle à l’orchestre où les cordes sont rejointes en plus d’une occasion par les anches doubles, les flûtes et une kyrielle de percussions. Dès la très belle ouverture à la française, Les Talens Lyriques brillent par leurs couleurs et un sens affirmé du rythme. Tour à tout dansant dans le Prologue (au son des flûtes et des percussions, tenues par l’inamovible Marie‑Ange Petit), séducteur lorsqu’il accompagne Acis dans les scènes 2 et 3 de l’acte I, cocasse lorsqu’il mime les pas du balourd Polyphème (les deux Marches aux actes I et II), lyrique lorsqu’il s’agit d’accompagner le grand air de Galatée à l’acte III, l’orchestre Les Talens Lyriques déploie l’ensemble des couleurs requises sous la direction alerte et attentive de Christophe Rousset, toujours très à l’aise dans le répertoire lullyste. Aux musiciens, il faut tout de suite ajouter l’intervention, toujours impeccable, de l’excellent Chœur de chambre de Namur (ses accents pastoraux à la scène 6 de l’acte I...) dont la beauté culmine, à notre sens, dans cette scène 9, presque surnaturelle qui clôt le troisième acte.


L’équipe de chanteurs solistes est également du plus haut niveau. Etrangement peut‑être, Ambroisine Bré ne convainc pas immédiatement dans le rôle de Galatée (passons rapidement sur son incarnation de Diane dans le Prologue, laquelle est tout à fait réussie) alors qu’elle connaît parfaitement ce répertoire pour avoir notamment chanté sous la direction de Christophe Rousset dans Isis ou Alceste. En effet, dans son premier air (acte I, scène 4), la prononciation de la langue française n’est pas optimale. Mais, très vite, elle sait imposer une voix superbe (quelle finesse dans la première scène de l’acte II) qui culmine dans un des sommets de l’œuvre (le sommet ?), le grand air « Enfin, j’ai dissipé la crainte » à la scène 7 de l’acte III. Face à elle, Cyril Auvity incarne un Acis sensible, doux amant chez qui nous aimerions tout de même parfois un peu plus d’emportement (son intervention à la première scène de l’acte II nous semble un rien timide...). La projection est claire, la prononciation parfaite et le timbre très agréable, que le chanteur soit seul ou en duo, notamment avec Robert Getchell lorsque ce dernier incarne Télème au premier acte ; l’entremêlement des deux voix masculines est du plus bel effet. Dans le rôle de Polyphème, Edwin Crossley‑Mercer est parfait : fat, sûr de son pouvoir de séduction, presqu’une caricature de lui‑même, Polyphème est incarné à merveille par le chanteur franco‑irlandais, servi par une voix tout bonnement superbe qui sait également faire preuve de tout l’humour requis dans l’incarnation du cyclope. Bénédicte Tauran s’impose, quant à elle, dès le Prologue, dans le rôle de la Naïade (facilité d’émission, voix enjôleuse), personnifiant par la suite une Abondance de belle stature et une Scylla que l’on a envie de détester lorsqu’on voit comment elle éconduit ce pauvre Télème. Deborah Cachet séduit également dans le rôle (notamment) d’Aminte, qui n’a malheureusement qu’un air à sa disposition (acte I, scène 6). Saluons enfin les belles voix de Philippe Estèphe et d’Enguerrand de Hys qui complètent donc une équipe haute en couleurs et riche en talents !


Si l’on ajoute à cela un livret très instructif et bien illustré (notons tout de même une petite erreur page 46, puisque le Prologue semble se terminer avec la plage 9 alors qu’il y en a trois autres, la plage 11 reprenant d’ailleurs partiellement la plage 9 où chantent Comus et le chœur mais ce n’est pas indiqué comme tel), on a là ce qui constitue désormais la version de référence de cette pastorale héroïque que l’on peut, de fait, considérer comme le testament musical du grand Jean‑Baptiste Lully.


Le site d’Ambroisine Bré
Le site de Robert Getchell
Le site de Deborah Cachet
Le site de Philippe Estèphe
Le site d’Edwin Crossley-Mercer
Le site d’Enguerrand de Hys
Le site des Talens Lyriques et de Christophe Rousset
Le site du Chœur de chambre de Namur


Sébastien Gauthier

 

 

 

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