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02/08/2023
Johann Joseph Fux : Dafne in lauro, K. 308
Monica Piccinini (Diane), Arianna Vendittelli (Daphné), Sonia Tedla Chebreab (Amour), Raffaele Pe (Apollon), Valerio Contaldo (Mercure), Ensemble Zefiro, Alfredo Bernardini (direction)
Enregistré en concert au Helmut List Halle, Graz (20‑22 juin 2019) – 118’18
Album de deux disques Arcana A 488 (distribué par Outhere) – Notice (en anglais, allemand et italien) de Karl Böhmer





« Grand Tour a Venezia »
Francesco Maria Veracini : Ouverture n° 6 pour deux hautbois, basson, cordes et basse continue
Georg Pisendel : Concerto pour violon en ré majeur, JunP I.7 [1]
Antonio Lotti : Ascanio : Sinfonia pour deux hautbois, basson, cordes et basse continue
Johann David Heinichen : Concerto pour deux hautbois en mi mineur, Seibel 222 [3]
Jan Dismas Zelenka : Ouverture pour sept solistes en fa majeur, ZWV 188
Antonio Vivaldi : Concerto « per l’orchestra di Dresda » en sol mineur, RV 577 [2]

Cecilia Bernardini (violon) [1, 2], Rossella Croce (violon) [2], Paolo Grazzi (hautbois) [3], Ensemble Zefiro, Alfredo Bernardini (hautbois solo et direction)
Enregistré au théâtre scientifique de Bibiena, Mantoue (19‑22 mai 2021) – 66’21
Arcana A 534 (distribué par Outhere) – Notice (en anglais, français et italien) d’Alfredo Bernardini





L’Ensemble Zefiro, dirigé depuis sa création en 1989 par le hautboïste Alfredo Bernardini, s’affirme sans conteste comme un des ensembles baroques les plus intéressants et les plus virtuoses à l’heure actuelle Notice (en anglais, français et italien) d’Alfredo Bernardini – et Dieu sait qu’il y a pourtant de la concurrence... Son goût pour les répertoires nouveaux ou les réinterprétations savoureuses, de Händel à la musique italienne du XVIIIe siècle, nous ont séduit depuis longtemps. Voici deux disques qui ne démentiront pas cette réputation.


Johann Joseph Fux est un compositeur autrichien, né en Styrie en 1660, décédé à Vienne en 1741 soit, hasard des circonstances, la même année et dans la même ville qu’un certain Antonio Vivaldi. Auteur d’une œuvre considérable, il composa notamment dix‑huit opéras, qu’Alfredo Bernardini souhaite remettre à l’honneur dans le cadre du festival Styriarte de Graz ; ainsi, après Julo Ascanio en 2018, c’est Dafne in lauro qui eut les honneurs en 2019, avant Gli ossequi della note (2020), Psiche (2021), La corona d’Arianna (2022) et Constanza e Fortezza (2023).


L’action de Dafne in lauro est pleinement mythologique : Diane, déesse de la chasse, avertit ses nymphes qu’Apollon est sur leurs terres et qu’elles doivent donc se méfier de lui, son charme et son goût pour les conquêtes amoureuses l’ayant depuis longtemps précédé ; la très belle Daphné doit plus particulièrement être sur ses gardes. Apollon, qui a été temporairement chassé de l’Olympe par Zeus, est donc en villégiature sur ces lieux et, après l’avoir rencontrée, tombe évidemment amoureux de Daphné ; il tente donc de la séduire mais sans succès, celle‑ci le dédaignant à qui mieux mieux, alors même que Mercure enjoint au dieu de faire preuve de retenue dans ses avances. Après deux nouvelles tentatives infructueuses, Daphné finit par se transformer en un buisson de lauriers pour échapper définitivement à son poursuivant, Apollon déclarant alors que cette plante deviendrait désormais le symbole de la vertu, avant de retourner sur l’Olympe, son bannissement étant terminé. On ne nous en voudra pas de dire que Dafne in lauro, divisé non en actes mais en seize scènes, est loin d’être un chef‑d’œuvre.


L’orchestre, assez étrangement, est plutôt discret pendant la première partie de l’opéra – soit le premier disque, pour aller vite – mais s’affirme beaucoup plus présent dans la seconde, accompagnant avec efficacité les chanteurs dans les airs qui leur sont dévolus. Faut‑il y voir une « motivation » du couple Bernardini-Zefiro mais ce sont souvent les anches doubles qui sont mises en avant : un basson parfois supersoliste (l’air de Mercure « Non è il sol che col raggio vitale » à la scène 3, le duo Apollon-Daphné « Nel pensier di sempre amarti » à la fin de la scène 11), des hautbois souvent présents soit comme solistes, soit en doublons des violons... N’oublions pas cet accompagnement original mais ô combien séduisant du basson allié à la flûte et au chalumeau (l’air de Daphné « Va prigioniero ») ou cette viole de gambe soliste, qui porte à elle seule le grand air de Daphné « Lascio d’esser Ninfa, si », qui clôt la scène 15. Ayant pour l’occasion troqué son hautbois pour la baguette, Alfredo Bernardini dirige l’orchestre d’une petite vingtaine de musiciens avec soin et un enthousiasme évident.


Côté voix, on n’aura pas de mauvaise surprise mais on ne peut que regretter la très grande proximité de timbre entre les trois sopranos, tant est si bien qu’il faut attentivement suivre le livret (malheureusement non traduit en français, comme la notice d’accompagnement) pour savoir laquelle chante tel ou tel air. Dans le rôle de Daphné, Arianna Vendittelli est très convaincante, atteignant son sommet dans le magnifique air « Lascio d’esser Ninfa, si » déjà cité, où l’on ne peut qu’être impressionné par la longueur de souffle, les aigus d’une pureté incroyable et l’incarnation de celle qui se transforme petit à petit en buisson de lauriers. Face à elle, la vénéneuse Diane trouve en Monica Piccinini une interprète de choix même si l’on aimerait sans doute davantage de caractérisation ; pour autant, saluons cette voix d’une très grande maîtrise, qu’elle chante seule (superbe chaconne « Il voler vincer Amore » à la fin de la scène 14) ou en duo, par exemple avec Daphné (« Non v’é pace, non v’é calma » concluant la scène 9), air soutenu par un bel orchestre où les hautbois s’en donnent de nouveau à cœur joie. Si Sonia Tedla Chebreab n’a qu’un seul air soliste dans le rôle d’Amour, Raffaele Pe campe un Apollon un peu timide sans doute, que l’on souhaiterait voir davantage imposer sa personnalité face à la nymphe courtisée. Dans le rôle de Mercure, Valerio Contaldo affirme une voix assez belle, pas toujours maîtrisée (la stabilité de l’air « Qua si nutrisca il fior con le ruglade » dans la scène 7...) mais d’un indéniable engagement. De fait, si l’équipe tant vocale qu’instrumentale est haute en couleur et volontaire comme il convient, on comprendra qu’elle ne puisse faire des miracles et qu’il soit dès lors difficile de tresser des lauriers à un opéra qui demeure tout de même d’une facture assez moyenne au sein d’une production du XVIIIe foisonnant de chefs‑d’œuvre.


Le second disque brosse un paysage musical et purement instrumental a priori connu : celui de la Venise du XVIIIe (encore et toujours...), plus particulièrement du début du siècle (la référence temporelle étant le voyage que le jeune prince‑électeur de Saxe Frédéric‑Auguste II y effectue à compter de 1716), au travers de compositeurs qui y ont vécu ou ont tissé des liens avec la Sérénissime. Les amateurs y trouveront leur compte, les curieux se satisferont sans aucun doute de cette diversité musicale, au travers des instruments solistes et des styles propres à chacun. On est d’emblée emporté par l’Allegro inaugural de l’Ouverture n° 6 de Veracini : superbe bourrasque où dominent déjà (comme souvent dans ce disque) les anches doubles mais on pouvait s’en douter si l’on se souvient qu’Alfredo Bernardini et ses comparses fondateurs de l’Ensemble Zefiro (le hautboïste Paolo Grazzi et le bassoniste Alberto Grazzi) sont des virtuoses de ces instruments. Le second Allegro est tout aussi enthousiasmant (contrastes de nuances, magnifiques sonorités, tout en rythme...), la pièce se concluant par un Menuet qui affadit presque l’ensemble tant il est presque banal.


Le concerto de Pisendel, dans lequel brille Cecilia Bernardini (la fille de), est très « vivaldien » dans ses sonorités mais quand on connaît les relations très fortes entre les deux compositeurs, cela peut se comprendre, le concerto étant dominé par un Andante de toute beauté. Si la Sinfonia tirée de l’opéra Ascanio (1718) de Lotti est agréable mais sans relief, on est en revanche beaucoup plus impressionné par ce formidable concerto de Heinichen. On reconnaît là très vite le style du compositeur dresdois (importance des anches doubles, des deux hautbois en l’occurrence, des sonorités assez spécifiques, une rythmique très vive), ce concerto bénéficiant d’un Adagio extrêmement séduisant et d’un Allegro où la dextérité des solistes et de l’orchestre tout entier impressionne. L’Ouverture de Zelenka vaut le coup pour la délicatesse infinie de l’Aria, offrant aux cordes un jeu scintillant, tandis que le fameux Concerto « per l’Orchestra di Dresda » de Vivaldi, s’il n’atteint pas la fulgurance de la version gravée par l’Orchestre baroque de Fribourg (au sein de l’« Edition Vivaldi » de Naïve/Opus 111), nous emporte tout de même avec cet Allegro conclusif d’une énergie communicative.


Le site de l’ensemble Zefiro
Le site de Monica Piccinini
Le site d’Arianna Vendittelli
Le site de Sonia Tedla Chebreab
Le site de Raffaele Pe


Sébastien Gauthier

 

 

 

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