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10/09/2022
Anton Bruckner : Symphonie n° 0 « Die Nullte » en ré mineur, WAB 100
Bruckner Orchester Linz, Markus Poschner (direction)
Enregistré au Musiktheater de Linz (22‑24 février 2021) – 44’29
Capriccio C 8082 – Notice (en allemand et en anglais) de Paul Hawkshaw, Norbert Trawöger et Markus Poschner





Anton Bruckner : Symphonie n° 1 en ut mineur, WAB 101 (version Linz de 1877)
Staatskapelle Dresden, Christian Thielemann (direction)
Enregistré en public (1er septembre 2017) – 49’25
Profil Hänssler « Edition Staatskapelle Dresden » (vol. 52) PH 18083 – Notice (en allemand et en anglais) d’André Podschun


Must de ConcertoNet





Anton Bruckner : Symphonie n° 3 en ré mineur, WAB 103 (version originale de 1873, éd. Nowak)
Bergen Filharmoniske Orkester, Thomas Dausgaard (direction)
Enregistré au Grieghallen de Bergen (17‑21 juin 2019) – 56’03
SACD Bis BIS‑2464 – Notice (en anglais, allemand et français) de Horst A. Scholz





Anton Bruckner : Symphonie n° 6 en la majeur, WAB 106 (éd. Nowak)
BBC Philharmonic, Juanjo Mena (direction)
Enregistré au MediaCity Salford, Manchester (10‑11 juillet 2012) – 59’50
Chandos CHAN 20221 – Notice (en anglais, allemand et français) de Stephen Johnson





Anton Bruckner : Symphonie n° 6 en la majeur, WAB 106 (éd. Williamson)
Bruckner Orchester Linz, Markus Poschner (direction)
Enregistré au Musiktheater de Linz (19‑22 janvier 2021) – 55’03
Capriccio C 8080 – Notice (en allemand et en anglais) de Paul Hawkshaw, Norbert Trawöger et Markus Poschner





Paul Hindemith : Concerto pour bois, harpe et orchestre [*]
Anton Bruckner : Symphonie n° 7 en mi majeur, WAB 107

Werner Tripp (flûte), Gerhard Turetschek (hautbois), Alfred Prinz (clarinette), Ernst Pamperl (basson), Hubert Jelinek (harpe), Wiener Philharmoniker, Karl Böhm (direction)
Enregistré au Kunsthaus de Lucerne (6 septembre 1964 et 6 septembre 1970 [*]) – 56’03
Audite 95.649 – Notice en anglais, allemand et français





Anton Bruckner : Symphonie n° 8 en ut mineur, WAB 108 (éd. Nowak)
Bruckner Orchester Linz, Markus Poschner (direction)
Enregistré au Musiktheater de Linz (5 & 7‑9 février 2018) – 76’16
Capriccio C 8081 – Notice (en allemand et en anglais) de Paul Hawkshaw, Norbert Trawöger et Markus Poschner





Il y a une époque, encore pas si lointaine, où Gustav Mahler était sans aucun doute le grand symphoniste germanique le plus enregistré et le plus fréquemment programmé au concert. A ce petit jeu, Anton Bruckner (1824‑1896) l’aurait‑il supplanté ? En effet, aujourd’hui, tous les chefs souhaitent enregistrer et diriger Bruckner, dont l’œuvre a parfois mis du temps à s’imposer et, encore plus, à être compris. Voici donc un premier échantillon d’enregistrements récents qui, des premiers essais symphoniques aux œuvres parfaitement accomplies du maître de Saint‑Florian, témoigne de cet engouement.


Si l’on commence par l’ordre de numérotation des œuvres (choix plus clair et plus aisé que celui consistant à privilégier la date de composition proprement dite, Bruckner ayant sans cesse revu ses symphonies, les éditions se succédant donc les unes aux autres), la Symphonie n° 0 « Die Nullte » s’impose évidemment. Bien que le manuscrit porte la date de 1869, elle a vraisemblablement été composée au cours des années 1863‑1864 et il est toujours tout bonnement incroyable de percevoir déjà les sonorités brucknériennes auxquelles nous sommes habitués, la fin du premier mouvement anticipant la fin du premier mouvement de la Troisième Symphonie, le Scherzo ayant pour sa part une évidente parenté avec celui de la Première. A la tête du l’Orchestre Bruckner de Linz, Markus Poschner (né en 1971) en donne une version extrêmement convaincante. Bénéficiant d’un excellent orchestre (la petite harmonie est parfaite), le chef allemand dirige l’Allegro initial avec une maîtrise évidente, faisant ainsi oublier les faiblesses de la partition qui, par ses césures et le fait qu’elle ne va pas toujours jusqu’au bout de ses idées, est à mille lieues des grandes arches brucknériennes qui nous sont familières. Dans l’Andante, la finesse des cordes impressionne plus que des vents parfois prosaïques (clarinette, hautbois) qu’on aimerait plus chantants tandis que dans le Scherzo. Presto (« Peut-être le plus trépidant de tous les Scherzi de Bruckner » écrivait Paul‑Gilbert Langevin dans sa biographie bien connue du compositeur, p. 115), ce sont toujours les cordes qui s’illustrent mais cette fois‑ci par leur force, alliée par ailleurs à une précision et une clarté redoutables dans le jeu d’archet. Bien emmené, le Finale achève de nous convaincre, Poschner signant là une très belle version d’une œuvre encore très méconnue.


On ne présente plus Christian Thielemann (né en 1959) et on insistera encore moins sur ses affinités avec Bruckner dont, soit dit en passant, il poursuit actuellement pour Sony l’enregistrement de l’intégrale des symphonies à la tête du Philharmonique de Vienne. Ici, c’est chez Hänssler qu’il faut aller pour écouter une magnifique version de la Première Symphonie, enregistrée il y a déjà quelques années à la tête de la Staatskapelle de Dresde, orchestre dont il est le chef titulaire depuis 2012 pour un mandat qui va s’achever à la fin de la saison 2023‑2024. Ayant donc opté pour la version Linz originelle de 1877, Thielemann impressionne d’emblée : si certains ralentis sont un rien pesants dans l’Allegro initial, on est surtout frappé par la clarté du discours qui nous permet de tout entendre (les cordes, le basson, le cor à 2’03 !) sans pour autant que l’approche soit véritablement clinique. La coda est pour sa part fulgurante. L’Adagio est la grande réussite de cette interprétation ; bénéficiant d’un orchestre rompu à ce répertoire et véritablement exceptionnel, Thielemann en fait ressortir toutes les audaces harmoniques, les interventions solistes qui, sous certaines baguettes, sont décousues retrouvant ici la cohérence d’ensemble qui fait de ce mouvement une page aussi avant-gardiste. Nul besoin de s’étendre sur le Scherzo, mené tambour battant et qui correspond parfaitement à ce qu’en écrivait – encore une fois – Langevin : « Simple mais robuste, ce Scherzo nous ramène à l’exubérance qui ne se ralentira plus jusqu’à la fin de l’ouvrage » (p. 121). Le Finale est également dirigé avec une force presque tellurique (le passage à partir de 5’02, formidable d’intensité grâce à des cuivres d’une beauté à couper le souffle, conduit de manière inexorable) mais Thielemann sait également ménager les pauses de la partition, lorsque les bois sont à découvert ou lorsque Bruckner ne sollicite que les trilles des cordes. Une très grande version de la Première à n’en pas douter, qui confirme les lauriers brucknériens du chef allemand.


Pour la Troisième Symphonie, Thomas Dausgaard (né en 1963) a choisi la version initiale de 1873, souvent délaissée mais que l’on peut parfois entendre en concert comme ce fut notre cas lors d’un mémorable concert berlinois dirigé par Herbert Blomstedt en 2017. La présente gravure est une incontestable réussite grâce avant tout à une palange excellente : décidément, nous sommes gâtés côté orchestres ! Dès le premier mouvement, on est frappé par des tutti d’une puissance impressionnante et des solistes dont la verve est patente (trompette, flûte, cor). La direction de Dausgaard peut décontenancer au début (une pulsation initiale très rapide mais le tempo s’installe finalement avec assez de naturel), voire souffrir de quelques raideurs (sans compter de temps à autre un léger manque de respiration) mais la tenue est bel et bien présente et le résultat fort convaincant. Dans le deuxième mouvement, l’orchestre allie de nouveau une grande finesse, très lyrique, des bois avec des pupitres de cordes d’une ampleur enjôleuse (altos et violoncelles en particulier), les cuivres sachant pour leur part se montrer conquérants lorsqu’il le faut. Le chef danois dirige l’ensemble avec une grande clarté (les accélérations sont très bien menées comme ce passage à partir de 11’48) mais il a parfois quelques difficultés à aller jusqu’au bout de certains crescendos, trahissant peut-être une certaine fatigue par quelques passages un rien abrupts. Le Scherzo est étonnant car s’il apparaît souvent désordonné, il s’avère extrêmement prenant, étant mené à une allure trépidante en à peine 6 minutes ! On soulignera plutôt ici, une fois n’est pas coutume, le Trio central, particulièrement réussi avec ses accents bucoliques où s’illustrent le basson et le cor solo. Le Finale. Allegro n’appelle guère de remarques si ce n’est pour souligner son caractère presque primesautier grâce à des pizzicati de cordes qui allègent considérablement le discours au début du mouvement.


Cela fait dix ans que Juanjo Mena (né en 1965) a gravé en studio cette Sixième symphonie (dans l’édition Nowak) : étonnant de voir ce disque publié seulement aujourd’hui. Le chef espagnol ou l’éditeur auraient-ils eu quelque scrupule à rendre public cet enregistrement qui, bien qu’honnête, ne viendra effectivement pas bouleverser la discographie ou inquiéter les références de l’œuvre ? Même si, on l’aura compris, ce n’est pas là une grande version de la Sixième, quel orchestre quand même que le Philharmonique de la BBC ! Dans le premier mouvement, on est assez soufflé par la qualité des vents et le brassage des cordes qui rendent toute sa justice à la musique brucknérienne. Dommage que le chef manque d’allant (à partir de 5’30 par exemple) et conduise la coda de façon aussi prosaïque, la fin du mouvement se révélant à la fois pesante et statique même si elle ne manque pas d’emphase. L’Adagio est sans conteste le mouvement le plus réussi : bien que pris assez lentement, il est parfaitement dans l’esprit et nous livre des passages véritablement fabuleux (les cordes dans le passage à partir de 5’45) mais la partition est tellement intense que, si l’on a à faire à de bons artistes (ce qui est évidemment le cas ici), son ratage est hautement improbable, du moins sur la forme ! Le Scherzo se révèle de fait plus banal bien que parfaitement dirigé, avec la puissance inexorable qui sied fréquemment aux troisièmes mouvements des symphonies de Bruckner (quand il ne s’agit pas certes d’un mouvement lent comme dans les Huitième ou Neuvième). Le Finale s’avère quant à lui moyennement convaincant en raison de quelques précipitations (voire brusqueries) de la part de Mena qui ôtent à notre sens une partie de la jubilation de ce mouvement conclusif.


Dans sa version de la Sixième, Markus Poschner, toujours à la tête de l’Orchestre Bruckner de Linz, adopte un tempo beaucoup plus vif que son collègue hispanique, dirigeant l’œuvre – certes ce n’est pas la même édition – en 55 minutes là où Juanjo Mena frisait l’heure. Le premier mouvement irrite assez rapidement : pris de façon très vive, empreint d’ailleurs d’une raideur récurrente, le mouvement se cherche continuellement entre quelques alanguissements et, soudain, une reprise en main du chef qui relance le tempo de façon inattendue sans que cela se justifie à aucun moment (la montée à 8’20 avant le grand tutti central), la pulsation perdant ainsi tout son sens alors qu’elle est fondamentale chez Bruckner où le rubato n’a guère sa place, en tout cas pas à ce point. La fin est bien conduite (même si, à titre personnel, nous la trouvons trop rapide dans sa toute dernière séquence) mais on ne ressent guère ce frisson que Blomstedt, Jansons ou Karajan entre autres savaient nous y apporter. Le deuxième mouvement est pour sa part assez frustrant puisque, si l’orchestre se révèle très bon (la finesse des cordes ! la rondeur des violoncelles !), la direction de Poschner erre de nouveau entre une lenteur excessive (sans doute parce qu’inhabitée) et des à‑coups (les accents, beaucoup trop marqués dans le si poignant passage qui commence à partir de 4’45) qui nuisent au naturel de la musique. Le Scherzo étonne de son côté par sa retenue alors qu’on pouvait penser, au regard de ce que nous avions précédemment entendu, que le chef allait l’empoigner avec force : point du tout ! Tempo mesuré, pas d’éclat, une partie centrale assez banale... Quant au dernier mouvement, s’il nous permet de profiter d’un excellent cor solo, il s’enlise dans une lourdeur soit totalement visible, soit sous‑jacente mais qui disqualifie à nos yeux cette version comme étant un vrai second choix, les premiers ne manquant pas.


Les relations entre le vénérable Karl Böhm (1895‑1981) et les symphonies de Bruckner sont depuis longtemps entrées dans la légende : la Septième Symphonie marque à cet égard un jalon essentiel, sorte de leitmotiv tout au long de la vie du grand chef qui ne cessa d’y revenir pour, finalement, ne l’enregistrer officiellement qu’une seule fois (avec Vienne, chez Deutsche Grammophon, en septembre 1976). Les témoignages en concert sont en revanche fort nombreux, dominés peut-être par une version d’une intensité et d’une simplicité hallucinantes, tirée d’un concert d’avril 1977 avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise (Audite). Voici là un nouveau témoignage à la tête de ses chers Wiener Philharmoniker, qui prend la suite d’une longue lignée viennoise débutée avec une rare gravure de juin 1943 dans l’édition de l’œuvre réalisée par Guttman (Preiser). La présente version frappe par sa relative vivacité : dans le premier mouvement, servi par un excellent orchestre (la finesse des cordes à partir de 6’18), Böhm adopte presque un ton primesautier avant d’entamer une coda sans concession, sur un fonds de roulement de timbales totalement obsédant (à 16’25). L’Adagio est magnifiquement conduit jusqu’au climax du fameux coup de cymbales, avant une fin de mouvement superlative par sa désolation et son apaisement à la fois. Le Scherzo est bien mené mais à une allure relativement modérée, ce qui peut étonner par rapport à d’autres gravures ; au contraire, le mouvement conclusif est enlevé à vive allure (tout juste 11 minutes !), ce qui ne l’empêche nullement d’être extrêmement prenant. Dommage que l’on n’ait pas les applaudissements du public pour voir quelle a été sa réaction sitôt le dernier accord tombé. Le Concerto pour bois, harpe et orchestre (1949) de Hindemith est une rareté dans le répertoire de Böhm et n’avait jusqu’alors, et sauf erreur, fait l’objet que d’une édition dans un disque « Karl Böhm Collection II » de 1992, couplée notamment avec une Grande Symphonie de Schubert enregistrée pour sa part au début du mois de novembre 1969. Les solistes du Philharmonique de Vienne s’y montrent d’une précision redoutable dans le premier mouvement (clarinette et hautbois notamment) avant d’offrir un visage plus facétieux dans l’intermède du Grazioso central. Le troisième mouvement mérite tout spécialement l’écoute pour la clarinette solo qui joue le thème de la marche nuptiale du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn ! Böhm dirige l’œuvre avec soin mais également une certaine componction (dans le Moderately fast initial) : nul doute que ses affinités le portaient davantage vers Bruckner...


Dernier disque de cette première sélection (une deuxième sera publiée prochainement), de nouveau Markus Poschner, confronté cette fois‑ci à l’Himalaya brucknérien qu’est la Huitième Symphonie, peut-être le plus grand succès du compositeur lorsqu’elle fut créée à Vienne sous la direction de Hans Richter le 18 décembre 1892. Face aux grandes références de l’œuvre, on ne fera pas un affront à Markus Poschner en disant qu’il ne leur fera guère de mal mais force est de constater qu’il en donne une interprétation très habitée et souvent galvanisante. Le premier mouvement, d’emblée, est une réussite : pulsation prenante, orchestre d’excellent niveau, coda conduite d’une main qui ne tremble pas. C’est le Scherzo qui vient rapidement atténuer cette bonne impression. Poschner semble vouloir mettre l’accent sur certains traits orchestraux (les accents des hautbois et des trombones, l’articulation très marquée des cordes) au détriment de la ligne générale et du côté implacable de la partition ; pris de façon assez vive, le mouvement oscille donc entre une ligne assez brouillonne et certains passages très convaincants (les timbales à la fin), d’où un bilan assez mitigé. Assez réussi en revanche, l’Adagio est sans doute une des pages brucknériennes les plus difficiles à mener car, sur presque 25 minutes de musique, il convient de savoir renouveler le discours et d’éviter les baisses de tension. Ce qu’il ne parvient pas toujours à faire, les cordes semblant de temps à autre laissées à elles‑mêmes ; on ne sent pas le geste qui les guide et les porte jusqu’au sommet de telle ou telle phrase. Si l’on peut regretter qu’il ne laisse pas non plus toujours le temps aux phrases de pleinement s’épanouir, Poschner n’en signe pas moins une belle interprétation. Le dernier mouvement est également convaincant. Respectant à la lettre les indications du compositeur qui a veillé à préciser que ce Finale devait être pris « nicht schnell », le chef allemand impose une vision assez grandiose de cette page où, en dépit de martellements de timbales parfois un rien patauds (à partir de 6’02) et d’un rubato parfois excessif, l’orchestre se montre également sous son meilleur jour.


Le site de Markus Poschner
Le site de l’Orchestre Bruckner de Linz
Le site de l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde
Le site de Thomas Dausgaard
Le site de l’Orchestre philharmonique de Bergen
Le site de Juanjo Mena
Le site de l’Orchestre Philharmonique de la BBC
Le site de l’Orchestre Philharmonique de Vienne


Sébastien Gauthier

 

 

 

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