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09/18/2022
Galina Oustvolskaïa : Trio pour violon, clarinette et piano – Sonate n° 5 en dix mouvements pour piano – Duo pour violon et piano
Harmen de Boer (clarinette), Vera Beths (violon), Reinbert de Leeuw (piano)
Enregistré à Nimègue (5‑6 octobre 1991) –58’
hat[now]ART 194 – Notice (en anglais) d’Art Lange





La puissance et l’intériorité de la musique de Galina Oustvolskaïa (1919‑2006), peut‑être plus connue de nos jours que de son vivant, s’imposent d’emblée tout autant auprès des enthousiastes qu’auprès des récalcitrants à son style. Les premières écrites en plein cœur des conflits idéologiques du temps de Staline, ses compositions, austères, rugueuses, rigoureuses, intenses et souvent au seuil de la violence, gardent toutes en commun des textures souvent décantées et le rejet des formes conventionnelles. Exigeante, Oustvolskaïa n’a considéré dignes de son catalogue officiel que vingt‑cinq œuvres, pour moitié peu jouées à une époque où, vivant principalement à Leningrad, elle était pourtant plus isolée et mal admise que censurée. En 1991, Reinbert de Leeuw a tenu à attirer l’attention sur une compositrice, alors moins connue en Europe de l’Ouest, en portant au disque trois pièces de musique de chambre avec piano. Vera Beths et Harmen de Boer lui prêtent main forte.


Le Trio, la pièce la plus ancienne (1949), ouvre le récital. Les caractères des trois instruments, en solo, duo ou trio expressifs, se dessinent en contraste permanent. La clarinette se fait douce et effacée, des silences habités s’intégrant à sa partie mélancolique comme à celle plus plaintive d’un violon au beau vibrato discret. Le ferme soutien du piano devient de plus en plus musclé accusant la fragilité émotive de ses partenaires. L’alliance est plus étroite et plus équilibrée lors des touchantes harmonies du deuxième mouvement (Dolce) alors que le mouvement perpétuel de l’Energico final déchire l’espace. Le piano laisse libre cours à son énergie, le violon et la clarinette en merveilleux contrepoint, mais le clavier termine seul, posant avec bien des hésitations ce que l’on peut prendre pour une question à laquelle il n’y a pas de réponse possible.


Reinbert de Leeuw donne une interprétation volontairement très physique de la Cinquième Sonate pour piano (1986), intégrant les résonances à son jeu. Les dix brefs mouvements s’enchaînent. Certains sont violents, presque brutaux, d’autres égrenés tout en délicatesse. Les doux accords répétés se transforment ailleurs en un péremptoire impitoyable. En plein centre vient un mouvement qui déferle en cri d’alarme. L’ensemble, aux étranges éclats de lumière, suggère un mal‑être tantôt accepté tantôt violemment repoussé.


Une tonalité augmentée de micro‑tons et de partiels acoustiques enrichit l’unique mouvement étendu du Duo pour violon et piano de 1964. Les silences et la variation des timbres y ont une importance à la fois saisissante et émotionnelle. Le violon, aux timides notes seules et aux motifs mélodiques dispersés, ne cède en rien bien que sans cesse rappelé à l’ordre par un piano énergique, dur jusqu’à dans la douceur apparente de ses élans plus discrets. Ce serait une explication trop évidente, mais on a néanmoins l’impression d’une voix (le violon) dominée ou réduite, en apparence, au silence par les machinations flagrantes ou furtives d’une autorité musicale au pouvoir (le piano) qui n’admet ni contradiction ni voie différente de celle qu’elle préconise. La musique de Galina Oustvolskaïa en devient profondément affligeante.


Oustvolskaïa a pu entendre cette interprétation de ses trois œuvres et elle s’en est déclarée fort satisfaite. Pour elle, Reinbert de Leeuw saisissait plus intimement l’esprit de sa musique qu’aucun autre musicien. Pour le Duo, comme pour la Sonate de 1952, l’interprétation de Kopatchinskaja et Hinterhäuser (ECM New Series, 2014) garde cette même optique, ferme souvent sauvage et sans concession, le piano durement à l’attaque, le violon presque sans vibrato. On peut en espérer un sérieux renouveau d’intérêt pour la musique de Galina Oustvolskaïa qui ouvrirait peut‑être, sans trahison, à des différences stylistiques d’approche. Quoi qu’il en soit, l’enregistrement de Reinbert de Leeuw, de Vera Beths et de Harmen de Boer restera pour toujours une solide version de référence.


Christine Labroche

 

 

 

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