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08/13/2022
« L’Oiseau rebelle »
Snoop Dogg : You Betta Ask Somebody (extrait)
Rued Langgaard : Le Béguinage, BVN 369
Christophe Bertrand : Haïku
Arthur Lourié : A Phoenix Park Nocturne
Karlheinz Stockhausen : Klavierstück VIII, n° 4
Dmitri Kabalevsky : Vingt‑quatre Pièces pour les enfants, opus 39 : 20. « Clowns »
Iannis Xenakis : Evryali
Carl Philipp Emanuel Bach : La Stahl, H. 94, Wq 117/25
Cornelius Cardew : The Croppy Boy – Three Winter Potatoes
Gioachino Rossini : Péchés de vieillesse (Volume VI. Album pour les enfants dégourdis) : 1. « Mon prélude hygiénique du matin »
Igor Terentiev : V vostorge ot moyego pocherka
Clara Schumann : Prélude et Fugue en fa dièse mineur
John Cage : 0′00″ (4′ 33″ No. 2)

Mikhail Bouzine (piano)
Enregistré en public à Orléans (12  mai 2021) – 78’20
B Records LBM 037


Sélectionné par la rédaction





En 2020, le premier prix du quatorzième Concours international de piano d’Orléans a été décerné à Mikhail Bouzine (né en 1995), ce qui lui a donné la possibilité d’enregistrer un disque « sur un projet inédit ». Pour ce qui est de l’inédit, son programme est au‑dessus de tout soupçon, même s’il s’inscrit dans la mode un peu agaçante de ces séries aussi inattendues que mûrement réfléchies, associant carpes esthétiques et lapins chronologiques. Cette subjectivité kaléidoscopique est pleinement assumée par l’interprète, qui revendique une succession « sans coutures » et précise qu’« il n’y a absolument aucun récit explicite ».


Paradoxalement, les douze œuvres ou pièces, incluant la lecture d’un court poème de l’écrivain et peintre futuriste Igor Terentiev (1892‑1937) dont on aurait apprécié de pouvoir disposer de la traduction, sont néanmoins ordonnancées de façon très structurée, en un Prologue, quatre actes et un Epilogue, précédés du début, goguenard et avec un texte malicieusement modifié, de la chanson You Betta Ask Somebody (1993) du rappeur Snoop Dogg (né en 1971) et suivis de 0′00″ (1962) de Cage, avec une réponse en 45 secondes à l’instruction du compositeur figurant en exergue de cette partition conceptuelle (« In a situation provided with maximum amplification (no feedback), perform a disciplined action. »).


Mais il y a d’autres éléments d’unité dans cet apparent fourre‑tout, à commencer par la thématique suggérée par le titre de l’album, « L’Oiseau rebelle », pas tant celui de Carmen – même si tout est parti de l’homophonie entre « Carmen » et (Cornelius) Cardew – que l’artiste, rebelle, forcément rebelle – lequel ne l’est pas ou ne l’a pas été ? Ce serait un fil rouge assez ténu s’il n’y avait en outre une certaine parenté d’esprit entre ces pages cultivant le grand écart stylistique quoique concentrées pour l’essentiel sur trente‑cinq années du siècle passé (1938‑1973) : humour, facéties, mélange des genres, ironie, audace, provocation – on n’est pas rebelle pour rien.


Emblématique de cet esprit, parmi les raretés dénichées par Bouzine, Le Béguinage (1949) de Langgaard (1893‑1952), «  petite sonate pour piano » de près de 20 minutes, prend l’apparence d’un cycle de Schumann, Grieg ou même Janácek mais se met à se déglinguer ou à grimacer quand on s’y attend le moins. Précieuses pépites également que le presque debussyste Haïku (2008) de Bertrand (1981‑2010), A Phoenix Park Nocturne de Lourié (1892‑1966), The Croppy Boy (1973), du nom d’un chant de la rébellion irlandaise de 1798, et les satistes (par leur titre) Trois Pommes de terre d’hiver (1965) de Cardew (1936‑1981), ou bien même le Prélude et Fugue en fa dièse mineur (1845) de C. Schumann, la fugue au sujet bien détaché comme si elle était jouée par Gould.


L’interprétation contribue également à ce que malgré l’absence délibérée de coutures, il n’y ait pas vraiment de solution de continuité : La Stahl (1755) de C. P. E. Bach, « Mon prélude hygiénique du matin» (1864) des Péchés de vieillesse de Rossini ou même « Clowns » (1938) de Kabalevsky dénotent d’autant moins que certains (Langgaard, Lourié, Cardew) font eux‑mêmes s’entrechoquer des modes d’écriture très différents.


La versatilité de Bouzine est évidemment consubstantielle à un tel projet, sans parler de la performance technique, le pianiste russe, enregistré en public, ne faisant qu’une bouchée des redoutables Klavierstück VIII de Stockhausen (1928‑2007) et Evryali (1973) Xenakis (1922‑2001). Comment ne pas saluer une réussite aussi remarquable dans la conception comme dans l’exécution ?


Simon Corley

 

 

 

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