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12/27/2020
«Vertigo. The Last Violin Sonatas»
Giuseppe Tartini : Sonates pour violon et violoncelle en la mineur, Brainard a8, en la majeur, Brainard A4, en ré majeur, Brainard D19, en ré mineur, Brainard d5, et en ré majeur, Brainard D9

Duo Tartini: David Plantier (violon), Annabelle Luis (violoncelle)
Enregistré en l’église Saint-Rémi de Franc-Waret, Fernelmont, Belgique (8-11 septembre 2019) – 79’45
Muso mu-040 – Notice (en français, anglais et allemand) de David Plantier





«Concerti e sonate per violoncello piccolo»
Antonio Vandini : Concerto pour violoncelle, cordes et basse continue en ré majeur
Giuseppe Tartini : Sonates pour viole de gambe et basse continue en sol majeur et en si bémol majeurConcertos pour violoncelle, cordes et basse continue en la majeur, GT 1.A28, et en ré majeur, GT 1.D34 – Sonate à quatre en ré majeur, GT 5.D01
Giulio Meneghini : Concertone Terzo en ut majeur pour cordes et basse continue

Mario Brunello (violoncelle piccolo), Accademia dell’Annunciata, Riccardo Doni (direction)
Enregistré en l’église de San Bernardino, Milan (19-23 novembre 2019) – 84’02
Arcana A478 (distribué par Outhere) – Notice (en anglais, français et italien) de Margherita Canale et Mario Brunello





Jouons à un petit jeu: prenons l’indispensable Voyage musical dans l’Europe des Lumières de Charles Burney (dans l’édition établie et présentée par Michel Noiray chez Flammarion, collection «Harmoniques», octobre 1992) et reportons-nous à l’index des noms cités. Certes, Bach, Hasse et Händel sont souvent mentionnés mais Lully (seulement huit entrées), Vivaldi (cinq entrées), Rameau (onze entrées) ou Corelli (six entrées) sont pour leur part largement dépassés par Giuseppe Tartini (1692-1770), que Burney cite à pas moins de dix-huit reprises et auquel il consacre même une notice biographique de six pages.


Gloire musicale dans l’Europe du XVIIIe siècle, Tartini est pourtant bien oublié en ce deux cent cinquantième anniversaire de sa mort, alors que, lorsqu’il arrive dans la ville de Padoue, Burney écrivait: «Cette ville n’est pas moins illustre pour avoir été la résidence, à une époque récente, du célèbre compositeur et joueur de violon Giuseppe Tartini, qu’elle ne le fut dans l’Antiquité pour avoir donné naissance au grand historien Tite-Live» (p. 112). Pédagogue réputé, dont les élèves essaimèrent dans les meilleurs orchestres et cours d’Europe, compositeur prolifique pour le violon essentiellement (dont on connaît surtout la Sonate «Le Trille du Diable»), auteur d’un fameux Trattato di musica (1754) loué et analysé en détail par Rousseau dans son Dictionnaire de musique (à l’entrée «Systèmes», pour qui souhaiterait y jeter un œil), Tartini n’est guère représenté au disque; voici donc deux parutions qui permettent opportunément de combler ce vide en partie.


David Plantier et Annabelle Luis sont véritablement «fans» de Tartini: ce n’est pas pour rien qu’ils forment un duo qui porte le nom même du compositeur! Au programme du disque qu’ils nous présentent, cinq sonates: quatre tardives, composées dans les années 1765-1766, et une plus ancienne, datant pour sa part de la jeunesse du compositeur (la Sonate D19). Difficile en les écoutant de raccrocher Tartini à un style en vogue à l’époque: rien à voir par exemple avec certaines sonates de Vivaldi, Geminiani ou Locatelli. On se laisse donc porter avec d’autant plus de facilité en écoutant ce discours où la virtuosité n’est pas exposée de façon abrupte ou ostentatoire (on la perçoit bien sûr avec l’entrée du violon dans le premier Allegro de la Sonate a8 ou dans l’Allegro de la Sonate d5) et où, lorsqu’il avance avec une assurance presque bravache, le violon est tout de suite épaulé par le violoncelle et ne joue jamais la star au détriment de son partenaire (l’Allegro conclusif de la Sonate D19). Ce qui frappe surtout, c’est que ce sont là des ouvrages où les deux instrumentistes prennent leur temps pour faire sonner les cordes, pour user de toute la longueur d’archet nécessaire (écoutez à cet égard le très expressif Grave inaugurant la Sonate a8 ou le bel Andante débutant la Sonate D9) et pour instaurer un dialogue extrêmement harmonieux entre les deux instruments (les graves presque râpeux du violoncelle répondant aux aigus facétieux du violon dans le premier Allegro de la Sonate D19 ou le déroulé des variations dans la Gavotte concluant la Sonate d5). Pizzicati, jeu sur les doubles cordes ou sur les harmoniques (le son pouvant presque être strident comme dans le dernier mouvement de la Sonate a8), tressautements sur les cordes: David Plantier offre une véritable démonstration à l’auditeur, sachant également envelopper la partition dans des sonorités très généreuses (grâce à son violon de Giovanni Battista Guadagnini de 1766) et, par un léger ralenti ou une soudaine accélération, faire parfaitement vivre ces sonates. De son côté, usant d’un violoncelle de Nicolas Augustin Chappuy datant de 1777, Annabelle Luis laisse à entendre une basse que l’on pourrait qualifier de «fidèle» basse sur laquelle le violon sait pourvoir compter à la fois pour compléter son discours (le premier Allegro de la Sonate A4) et pour l’enrichir: la véritable définition de ce que doit être un duo qui signe là un disque des plus intéressants pour tout amateur de la musique de cette époque.


Usant d’un violoncelle piccolo à quatre cordes (une copie de Filippo Fasser d’après un modèle d’Amati des années 1600-1610), Mario Brunello nous dévoile une autre partie de l’œuvre de Tartini à travers ses sonates pour viole de gambe et ses concertos pour violoncelle. On y retrouve cette douceur intimiste qui sait soudainement se muer en accents rageurs (l’Allegro concluant la Sonate en sol majeur, très rythmé, fortement accentué, accompagné avec allant par la guitare broque et le clavecin notamment), visiblement des figures de style propres à Tartini. Là encore, on apprécie la longueur d’archet et le temps que se ménage le soliste dans la Sonate en si bémol majeur (très beau premier mouvement où Brunello dialogue avec un autre violoncelle dans une entente qui tient de l’évidence), laquelle conclut son troisième mouvement par une pirouette aussi séduisante qu’inattendue. Autre exercice de style, cette Sonata a quattro où les cordes accompagnent le soliste avec entrain et, de simples faire-valoir, se muent rapidement en partenaires de premier ordre (le Presto conclusif!). Les deux concertos sont de facture assez classique, même si le second comporte de façon quelque peu étonnante quatre mouvements et non les trois habituels du style vivaldien. Celui-ci (dans la brillante tonalité de majeur) impose une certaine solennité dans les mouvements extrêmes grâce au renfort inattendu de deux cors, le violoncelle piccolo passant de la profondeur sonore habituelle (grave ed espressivo) à une rapidité de trait presque frivole (Allegro conclusif). Pour compléter ce disque, un très beau concerto d’Antonio Vandini, dont on ne connaît pas grand-chose mais qui fut professeur de violoncelle à l’Ospedale della Pietà à partir du mois de septembre 1720, Vivaldi lui ayant sans doute dédié un certain nombre de compositions pour violoncelle. On écoutera d’ailleurs avec attention le troisième mouvement (un Allegro) dont le principal motif mélodique est le calque assez fidèle de l’air «Quel tuo ciglio» chanté par Gilade à la scène 10 de l’acte II de Farnace de Vivaldi: rien n’est dit à ce sujet dans la notice d’accompagnement pourtant excellente mais la filiation mériterait d’être approfondie. Pas grand-chose à dire enfin de l’œuvre de Meneghini, agréable mais sans grande imagination.


Ce disque n’en demeure pas moins un très beau complément à celui réalisé par David Plantier, qui nous aide à son tour à découvrir pas à pas l’œuvre de ce Giuseppe Tartini, compositeur qui a sans doute encore bien des mystères à nous révéler.


Le site de David Plantier et du Duo Tartini
Le site de l’Accademia dell’Annunciata


Sébastien Gauthier

 

 

 

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