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10/03/2020
Edward Elgar : Sonate pour violon et piano en mi mineur, opus 82
Ralph Vaughan Williams : Sonate pour violon et piano en la mineur – The Lark Ascending

Jennifer Pike (violon), Martin Roscoe (piano)
Enregistré à Potton Hall, Dunwich, Suffolk (27-29 octobre 2019) – 67’05
Chandos Records CHAN 20156 – Notice (en anglais, allemand et français) de Conor Farrington


Sélectionné par la rédaction





A la suite de quatre albums consacrés à des pièces célèbres pour violon et piano des répertoires français, allemand, tchèque et polonais, la jeune violoniste Jennifer Pike se tourne vers la musique de son pays natal représentée par Edward Elgar (1857-1934) et Ralph Vaughan Williams (1872-1958). Soliste, concertiste et musicien de chambre, Martin Roscoe l’accompagne comme il l’avait déjà fait pour les sonates de Franck, Debussy et Ravel. Leur programme anglais comporte deux œuvres connues, plébiscitées outre-Manche et une troisième, la Sonate (1954) de Vaughan Williams, qui mériteraient d’être plus souvent à l’affiche. La complicité nécessaire entre les deux interprètes en assure une interprétation inspirante et fidèle.


La musique de chambre d’Edward Elgar se réduisait à deux œuvres de jeunesse qu’il choisit de détruire et à quelques délicieuses pages mélodiques toutes écrites avant 1900, quand en 1918, peut-être libéré, en sentant la fin de la guerre proche, il composa coup sur coup trois œuvres d’envergure: la Sonate pour violon et piano, le Quatuor à cordes en mi mineur et le Quintette avec piano en la mineur, parachevé en 1919. La Sonate, de style splendidement brahmsien, fait l’objet d’une discographie fournie mais on ne peut que bien accueillir la fraîcheur et le bel équilibre de la prestation de Pike et Roscoe. Ils respectent parfaitement la respiration ample du premier mouvement lyrique tout en soignant les nuances de la partie centrale plus discrète. Le deuxième mouvement est une «Romance» «curieuse et fantasque», selon Elgar, qui, d’abord syncopée et hésitante, trouve son plein épanouissement lyrique en son centre avant le retour des motifs initiaux maintenant capricieux ou tendres. Le souffle grandissant du finale, épanoui et plus serein, se termine en un mi majeur apaisé. Le violon généreux de Jennifer Pike révèle toute la beauté de la Sonate et on peut y apprécier tout particulièrement le piano de Roscoe, expressif et romantique à souhait.


The Lark Ascending s’inspire du poème du même titre de George Meredith. Les deux musiciens en proposent la version originale pour violon et piano (1914), sous-titrée «A Romance». Retardée par la guerre, la création eut lieu seulement en 1920, suivie de près par la version pour violon et orchestre de 1921 qui lui est souvent préférée. C’est une pièce rhapsodique qui dresse un portrait subtil et intense de l’alouette en plein chant et en plein essor. Son ancrage reste néanmoins la terre, le piano, mais l’oiseau libre, le violon, ne la rejoint qu’à de rares moments et les deux instruments s’expriment souvent séparément, les longs envols du violon ponctués par la partie de piano dont la modalité et les motifs font écho au caractère populaire anglais. Martin Roscoe est un accompagnateur sensible à l’écoute de sa partenaire et Jennifer Pike, longtemps habituée à la pièce avec orchestre, sert bien cette version. Son violon flûté au vibrato délicat rend toute l’intensité extatique de la partition sans que son archet ne creuse le son à la recherche d’effets plus faciles, et c’est vraiment très beau.


La notice propose une bonne description technique de la Sonate de Vaughan Williams mais rien n’y prépare à l’impact de cette œuvre urgente et originale, surprenante et singulière. Orchestrale en particulier par la profusion d’accords en série au piano et de doubles et de triples cordes sur un large ambitus au violon, elle donne aux deux interprètes l’occasion de révéler toute l’intensité de leur expressivité et toute la fougue de leur jeu virtuose. Le premier mouvement est une puissante «Fantasia» tourmentée qui se plie adroitement à la forme sonate sans contrevenir à sa nature énigmatique profonde. Une marche rapide à fort caractère corrosif lance le deuxième, un «Scherzo» aux syncopes et contretemps diaboliques, qui se termine sur un épisode plus lent où les triples cordes du violon se posent en choral sur les accords du piano qui fragmentent la marche. Le thème lyrique du troisième mouvement se soumet à six variations qui le développent ou l’inversent, en canon, en danse ou en élégie, en solo ou en contrepoint. La sixième quitte le mode mineur pour un majeur plus apaisé, et retrouve les accents de la «Fantasia» initiale que domine une courte cadence au violon. En clin d’œil du compositeur à Frederick Grinke, elle rappelle The Lark Ascending dont ce dernier, dédicataire et créateur de la Sonate, était un interprète émérite. Riche en couleurs, la prestation nuancée de Pike et Roscoe maintient la tension et redonne à cette œuvre méconnue toute sa puissance et son sens de direction en contraste total avec les méandres indécis de certaines interprétations moins heureuses.


L’ensemble du programme est réussi. Martin Roscoe apporte son soutien souple et expérimenté à Jennifer Pike, qui, sur scène depuis ses onze ans, s’est affirmée et a gagné en profondeur et en finesse au fil du temps. Si le mélomane peut rester dans l’embarras du choix devant la discographie de la Sonate d’Elgar, il accueillera avec plaisir la version originale de The Lark Ascending. Quant à la Sonate de Vaughan Williams, le superbe expressif de Jennifer Pike et la sensibilité de l’accompagnement de Martin Roscoe élèvent leur interprétation en une version de référence.


Le site de Jennifer Pike
Le site de Martin Roscoe


Christine Labroche

 

 

 

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