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09/12/2020
«Song Offerings»
Samantha Fernando : Three Songs for soprano and cello
Aaron Holloway-Nahum : Plane Sailing
Laurence Osborn : Micrographia (*)
Jonathan Harvey : Song Offerings

Riot Ensemble: Sarah Dacey, April Frederick (*) (sopranos), Kate Walter (flûte), Ausias Garrigos (clarinette), Pétur Jónasson (guitare électrique), Fontane Liang (harpe), Adam Swayne (piano), David Merseguer-Royo (percussion), Sarah Saviet, Kaya Kuwabara (violon), Stephen Upshaw (alto), Louise McMonagle (violoncelle), Marianne Schofield (contrebasse), Aaron Holloway-Nahum (direction)
Enregistré à la Deutschlandfunk, Cologne (1er-5 septembre 2018) – 58’16
Coviello Contemporary COV 91924 – Notice (en anglais et en allemand, textes inclus) de Tim Rutherford-Johnson





Fondé en 2009 par quatre de ses quatorze membres actuels, le Riot Ensemble offre en permanence sa compétence et son soutien à la création contemporaine, aux compositeurs d’aujourd’hui et à certains du siècle dernier. Les pièces à son répertoire, existantes ou fruits de ses propres commandes, peuvent être pour un effectif qui va d’un instrument solo à un petit orchestre de chambre. Song Offerings (1985) de Jonathan Harvey (1939-2012) prête son titre à un quatrième programme confié à Coviello, qui présente, avant celui de Harvey, trois cycles de chants jamais encore enregistrés. Aaron Holloway-Nahum (né en 1983), membre fondateur et directeur artistique de l’Ensemble, y contribue par une œuvre écrite en 2011, dédiée à Harvey peu avant sa disparition. Laurence Osborn (né en 1989) compose son cycle Micrographia en 2016 pour honorer une commande du Riot Ensemble. Les Trois chants pour soprano et violoncelle (2014) de Samantha Fernando (née en 1984) deviennent séparément le fil conducteur du programme, chaque air venant en quelque sorte en prélude à l’un des trois autres cycles.


Samantha Fernando compose en fonction de la prosodie et ses trois Chants sont par conséquent de style radicalement différent. La créativité lexicale et syntaxique de «How many moments must» d’e.e. cummings entraîne un travail inédit sur la voix qui, sans violoncelle, procède par la répétition d’une note isolée aux attaques franches en alternance avec la fragmentation à variation d’un motif mélodique. «Utterance», de Fernando elle-même, passe d’un expressionnisme combatif à un impressionnisme en demi-teinte. Le violoncelle expressif, souvent aux extrêmes de sa tessiture, soutient les paroles projetées, brisées en syllabes ou doucement liées, ou s’en fait écho en solo. Christina Rossetti (1830-1894) appartient à un monde lointain et, bien que l’organisation mélodique reste très personnelle, la mise en musique de son poème «The Half Moon» rejoint un style plus classique. Voix et violoncelle, seuls ou en contrepoint, touchent par leur expressivité méditative.


Gitanjali (L’Offrande lyrique, Song Offerings) est un recueil de poèmes de Rabindranath Tagore. Pour son œuvre du même titre, Harvey choisit quatre poèmes qui, par la voix intérieure d’une femme, évoquent quatre phases d’une vie amoureuse: attente (espérance), partage (joie), stabilité (plénitude), désir de mort (union suprême). Pour flûte, clarinette, piano, crotales, quatuor à cordes et contrebasse, la composition, d’une sensibilité extrême, crée les différents climats nécessaires grâce à la souplesse de la ligne vocale, à la subtilité des timbres mis en œuvre et à la grande diversité des textures au relief fluctuant. Nonobstant la modernité acrobatique de son style, Jonathan Harvey sait écrire pour la voix. Song Offerings permet à Sarah Dacey de poser sa voix tout en filant des aigus d’une douceur infinie, et d’assurer les passages plus tranchés sans perte d’expressivité. Les quelques grands sauts d’intervalle, si fréquents dans le chant contemporain, deviennent essor tout naturel.


Sachant Harvey, son mentor, victime de la maladie de Charcot et en étant profondément affecté, Aaron Holloway-Nahum compose Plane Sailing, pour le même effectif que Song Offerings, sur le poème Plainer Sailing. (Alzheimer’s) de Sasha Dugdale qui décrit un quotidien troublé et troublant, sans direction et sans relief. La composition en est le touchant reflet. L’ensemble instrumental, seul ou en soutien de la ligne vocale, exprime toute l’âpreté du drame par la noirceur progressive des couleurs qui se brisent d’éclats d’acier. Couvrant toute sa tessiture, parfois seule, souvent en contrepoint, la voix traduit le désarroi, la ligne vocale voletant comme un oiseau blessé, ses appels presque stridents, son chant brisé tristement lyrique et ses pépiements hésitants et affligés. Le style, éloquent et efficace, est résolument du XXIe siècle, régi ni par le sériel, ni par le tonal.


Micrographia, pour deux sopranos et six musiciens, s’inspire des travaux, gravures et observations émerveillées de Robert Hooke qui en 1665 explorait un monde nouveau grâce aux améliorations qu’il avait apportées au microscope et au télescope. Laurence Osborn et Joseph Minden, poète, produisent ensemble une œuvre en six parties qui recrée le monde onirique et fantasque de Hooke autour du bassement banal et de l’infiniment grand: «Aiguille», «Sel», «Urine», «Moisissure bleue», «Ailes de mouche» et «De multitudes de petites étoiles». Par un choix très diversifié de style de chant et d’instrumentation, chaque mouvement sonne en fonction des qualités physiques de l’objet observé. «Aiguille» fait appel, entre autres, à un piano dur, affûté au vibraphone, «Ailes de mouches», à des kazoos. Pour autant, les univers sonores n’en restent jamais à un premier degré et le style d’Osborn, illustratif par l’oblique et peut-être moins tranché qu’à son ordinaire, garde une fraîcheur innovatrice. Le rôle dévolu aux deux sopranos enrichit le propos musical des cinq premiers volets pour lesquels elles chantent en parallèle des textes différents entremêlés. Un même texte chanté en harmonie ou en léger décalage intensifie les impressions de temps étiré et d’espace que distille le sixième.


Le Riot Ensemble travaille souvent en présence des compositeurs, comme c’est le cas ici pour trois d’entre eux, et l’on peut penser que l’interprétation et les exigences techniques correspondent au plus près aux souhaits des concernés. Le chef-d’œuvre de Harvey, que le Riot Ensemble défend bien, connaît un certain succès au concert mais seuls Peter Eötvös, à la tête de l’Orchestre philharmonique de la Radio néerlandaise, et George Benjamin, avec le London Sinfonietta, en ont tenté l’enregistrement, les deux avec le concours du soprano affirmé de Penelope Walmsley-Clark. On peut préférer la douceur et la souplesse expressive de la voix de Sarah Dacey.


Le site de l’Ensemble Riot


Christine Labroche

 

 

 

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